Le collectif associatif TRT-5 rend public le rapport de consultation communautaire sur le projet d’essai franco-québécois de traitement antirétroviral comme prophylaxie pré-exposition sexuelle (PrEP) chez les homosexuels. Une stratégie de recherche préventive qui fait débat, récemment mis en avant lors de la publication des résultats encourageants de l’étude iPrEX. L’occasion pour vih.org de revenir sur le dossier.
> Télécharger le rapport du TRT-5 (PDF, 16Mo) / (sur le site du TRT-5)
> Lire le papier de position de TRT-5 et points de vigilance.
> Télécharger la fiche d’information provisoire ANRS de l’étude PrEP (PDF, 57Ko).
Réalisée entre février et juillet 2010 et réunissant plus de 400 personnes, cette « consultation communautaire » sans précédent a été principalement organisée autour de 14 rencontres d’information et de débat mises en place dans 10 villes. Le rapport souligne l’intérêt mais aussi les craintes soulevées par la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. et par l’étude elle-même, sans qu’il soit possible de déduire de «position majoritaire sur le projet d’essai de PrEP qui sera mené en France et au Québec, tant sur son opportunité, sa pertinence ou son adéquation aux besoins».
L’essai en question est en cours de développement par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) en France et au Québec depuis le printemps 2009 (voir la fiche ANRS de l’étude) ; sa phase pilote devrait être lancée en début de deuxième semestre 2011 dans trois centres (deux à Paris et un à Lyon). Il a pour objectif d’évaluer l’efficacité d’une stratégie de prévention comprenant un socle commun de prévention (counselling et accompagnement spécifiques) associée soit à une combinaison antirétrovirale (FTC/TDF = Truvada®), soit un placébo, pris «à la demande» et encadrant l’activité sexuelle pour réduire le risque d’acquisition du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. chez des homosexuels masculins. Ce schéma s’oppose donc à celui retenu dans l’essai IPrEX où ce même traitement était pris de manière continue.
Le public de la consultation communautaire
Le public qui a répondu présent était très majoritairement composé d’acteurs associatifs de la lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. ou identitaires gays/LGBT. A cet égard, le TRT-5 reconnaît que ce résultat ne correspond pas tout à fait à celui visé initialement :
«L’objectif que nous nous étions fixé (recueillir principalement les paroles de personnes directement concernées par le projet d’essai) n’a ainsi pas été entièrement atteint, faisant de cet exercice une consultation « associative » plus que « communautaire ». (…) .
Seuls 20 % des participants n’ont pas déclaré d’affiliation associative (ou, du moins, collective). La difficulté à faire participer les associations identitaires LGBT a été rapportée dans la plupart des régions. Plusieurs organisateurs font également part de la difficulté à mobiliser les gays non affiliés à une structure associative.»
On touche d’ailleurs là à un problème majeur de la prévention du VIH/sida chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) en France: Comment toucher les personnes non associatives et/ou simplement sero-concernées au-delà des associations réunies dans le TRT5? C’est sans doute là la principale critique de cet important document t du TRT 5, d’ailleurs discuté page 12 dans le document.
Questionnement
La consultation a fait remonter de véritables interrogations chez les participants :
«Il y a un an que j’ai entendu parler de cet essai. Au début, j’ai pensé « ils sont fous ! » et je me suis dit « ce sont 50 % des gens qui vont se contaminer ». Puis, j’ai appris que des essais de ce type avaient déjà été menés en Afrique. L’idée a fait son chemin. Si le counseling des participants à l’essai est bon, je me dis que, finalement, ces 1800 personnes seront peut-être moins exposées qu’elles le seraient « dans la vraie vie ».»
«Les présentations ont soulevé une question complexe et intéressante : comment sera prise en compte la communication autour du projet et sa mise en place, pour éviter une « vague d’inconscience » autour de l’idée qu’un traitement protège de la contamination et autorise à prendre plus de risques qu’à l’heure actuelle, notamment chez les générations « post années 80 »?»
Tous ont exprimé un fort intérêt pour la recherche menée en matière de prévention, en particulier sur les outils biomédicaux de prévention, qui apparaissent pour certains, comme un moyen de relancer la prévention, dans un milieu gay où la transmission du VIH connaît une forte incidence.
«Le changement de perception du VIH/sida, du « danger », dit l’un des participants, associé à l’infection, est entendu comme l’origine d’un moindre usage des préservatifs. A ce sujet, des propos parfois contradictoires peuvent être tenus. Entendu comme maladie chronique, le « sida » apparaît comme « dédramatisé », mais non « banalisé » (…) Mais la peur reste associée à la maladie, sinon à l’infection.
Parallèlement, la vie sexuelle est perçue comme plus intense et les prises de risque de fait plus nombreuses : une « demande de liberté », une faible acceptation des interdictions, mais aussi un problème de perception des risques sont associés à l’augmentation des comportements non protégés. (…) Quoi qu’il en soit, le refus du préservatif est souligné comme un élément présent dans les contextes sexuels.»
Des réserves
Si d’une manière général, le besoin d’information revient relativement souvent, plusieurs participants ont exprimés des réserves sur le recours à la PrEP, du moins à ce stade de la recherche-action: Certains d’entre eux se demandent s’ils ne serait pas plus efficace «d’augmenter le financement dédié à la prévention par la promotion des préservatifs» que se lancer dans la recherche sur l’efficacité de la PrEP :
«Les arguments négatifs associés à ce qui est considéré comme un nouveau paradigme sont de différents ordres. La PrEP est ainsi perçue comme un outil de prévention « pour les riches » (…)
La principale question peut se résumer ainsi : « Comment communiquer sur l’outil pour qu’il ne devienne pas un substitut au préservatif mais un moyen de prévention complémentaire ? ». (…)
Une autre incertitude est très fréquemment exprimée : quels seront les effets des traitements à long terme sur des personnes séronégatives ? (…)
Enfin, c’est la question de la définition d’un niveau de protection « acceptable » qui est soulevée : « La PrEP ne sera jamais efficace à 100 % : à quel niveau de protection décidera-t-on que la PrEP est suffisamment efficace ? ».»
Le schéma prévisionnel de prise du traitement au sein de l’essai, qui implique la planification d’un rapport sexuel, mais également la légitimité d’un bras placeboPlacebo Substance inerte, sans activité pharmacologique, ayant la même apparence que le produit auquel on souhaite le comparer. (NDR rien à voir avec le groupe de rock alternatif formé en 1994 à Londres par Brian Molko et Stefan Olsdal.) et la faisabilité du recrutement de 1 500 à 1 800 personnes pour un tel essai sont aussi sources de préoccupation.
Enfin, la question des intérêts financiers, résumée dans le paragraphe explicitement appelé A qui profite la PrEP?, est récurrente lors des consultations, formulant «un sentiment de méfiance, voire de défiance vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques»: «Dans sa forme radicale, la question posée est : « Qui sont les vrais bénéficiaires de la PrEP, les laboratoires ou le public cible ? ».»
Enfin, cette consultation confirme l’interet des associations de lutte contre le sida réunies dans le collectif TRT-5 et l’importance de la mise en place d’un dispositif d’information et de consultation de la communauté gay : «En effet, l’expérience des essais de prévention a montré que cette étape était indispensable à leur élaboration et que sans l’adhésion de ces communautés, ce type de projet n’était pas pertinent et avait peu de sens.»
Une préoccupation partagée par l’ANRS, qui invite la communauté LGBT et associative à ce joindre à ce programme de recherche :
«Afin d’enrichir la réflexion et de prendre en compte au mieux les attentes, l’ANRS met en place pour cette étude un comité composé de représentants associatifs et communautaires. Son rôle et sa composition vont être définis prochainement avec le concours du TRT-5 et de la communauté LGBT.»
La discussion se poursuivra donc le 19 février prochain avec la présentation de ce rapport à l’ANRS par le TRT-5.
[Article édité le 19/01/11 pour rajouter la déclaration de l’ANRS.]