Christophe Renou et Alain Lafeuillade, avec l’association Nationale des Gastro-entérologues Hospitaliers (ANGH), apportent ainsi pour la première fois un éclairage sérologique au lien unissant VHE et VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. dans l’hexagone1Hepatitis E virus in HIV-infected patients. Renou C, Lafeuillade A, Cadranel JF, Pavio N, Pariente A, Allègre T, Poggi C, Pénaranda G, Cordier F, Nicand E; ANGH. Hôpital de jour, Centre Hospitalier, Hyères, France. AIDS. 2010 Jun 19;24(10):1493-9. . Dans deux centres hospitaliers français – Creil et Toulon, au Nord et au Sud dont la représentativité est discutée dans l’article -, ces auteurs ont montré des prévalences d’anticorps anti-VHE assez fortes, et assez inattendues : 9% sur les 133 prélèvements du sud et la France et 3% sur les 112 prélèvements au nord, soit une différence significative (p=0,04). Les anomalies du bilan biologique sont pourtant similaires dans les deux régions et les deux populations. La différence de séroprévalence de cette co-infection VHE/VIH n’est pas expliquée pas des différences de caractéristiques VIH.
Vincent Mallet et Stanislas Pol, du groupe hospitalier Cochin – Saint-Vincent-de-Paul (AP-HP)2Brief Communication: Case Reports of Ribavirin Treatment for Chronic Hepatitis E. Mallet V, Nicand E, Sultanik P, Chakvetadze C, Tessé S, Thervet E, Mouthon L, Sogni P, Pol S. Institut Cochin, Université Paris Descartes (Unité Mixte de Recherche S1016), Centre National de la Recherche Scientifique (Unité Mixte de Recherche 8104), Institut National de la Santé et de la Recherche Medicale U.1016, Centre Universitaire des Saints-Pères (Unité Mixte de Recherche 775), Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Groupe Hospitalier Cochin Saint-Vincent de Paul, Hôpital Necker Enfants Malades, and Hôpital d’Instruction des Armées du Val-de-Grâce, Paris, France. Ann Intern Med. 2010 Jun 14. [Epub ahead of print], ont pour leur part proposé à deux patients immunodéprimés souffrant d’une infection chronique par le virus de l’hépatite E de suivre un traitement à base de ribavirine. Chez les deux patients, après deux semaines de traitement, le bilan hépatique s’était normalisé. Après quatre semaines de traitement, le virus était devenu indétectable. Enfin, après l’arrêt du traitement (respectivement 6 et 3 mois à ce jour), le bilan hépatique restait normal et le virus de l’hépatite E demeurait indécelable.
Ces données préliminaires soulève l’hypothèse d’un traitement potentiel du VHE par la ribavirine (seule ?) notamment comme traitement des formes graves d’infection par le virus de l’hépatite E. Une ouverture indiscutable pour une pathologie jugée souvent comme bénigne, dont la fréquence et/ou la sévérité sont probablement sous-estimées notamment au cours de l’infection VIH et de la grossesse. «», a déclaré Vincent Mallet. «En raison du manque de recul, on ne peut encore affirmer la guérison totale des patients, mais notre travail est une véritable avancée. Des tests cliniques doivent maintenant être menés pour trouver la dose, la formulation et la durée adéquates pour traiter les formes graves d’infection par le virus de l’hépatite E.» Ces travaux ont fait l’objet d’un dépôt d’une demande de brevet selon l’INSERM.
Une hépatite parfois négligée mais très répandue
Même si on l’oublie souvent – la majorité des cas survient dans les pays en voie de développement -, le virus de l’hépatite E est la première cause d’hépatite virale dans le monde. On estime que le tiers de la population mondiale a été infectée par le VHE. Le VHE, reconnu par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme une maladie humaine distincte depuis 1980, est un virus à ARN monocaténaire.
Si l’homme est considéré comme l’hôte naturel du virus de l’hépatite E humaine (VHE), des anticorps anti-VHE ou dirigés contre des virus étroitement apparentés ont été mis en évidence chez les primates et chez plusieurs autres espèces animales. L’hépatite E est une maladie à support hydrique. La consommation d’eau ayant subi une contamination fécale a été à l’origine d’épisodes épidémiques, et celle de fruits de mer crus de cas sporadiques dans les zones d’endémie, comme c’est le cas classiquement avec l’hépatite A (VHA). Les facteurs de risques classiques de l’infection à VHE sont liés à des conditions d’assainissement médiocres dans une grande partie de la planète.
On estime que la transmission interhumaine n’est pas courante. Rien n’indique que la transmission puisse se faire par les voies sexuelle ou transfusionnelle. Le nombre de cas sporadiques d’hépatite E sans rapport avec un voyage tropical est en augmentation depuis quelques années en Europe.
Le virus de l’hépatite E, dans sa forme aiguë, peut provoquer une hépatite fulminante, potentiellement mortelle chez les personnes âgées, particulièrement les femmes enceintes et chez les personnes ayant déjà une autre pathologie du foie (VHC, VHB ou autre). Le risque de chronicité à la différence du VHC et du VHB est considéré comme rare. Chez les personnes immunodéprimées (patients greffés, patients sous chimiothérapie mais paradoxalement peu d’informations concernant les personnes vivant avec le VIH sont disponibles), l’infection par le virus de l’hépatite E peut évoluer vers une hépatite chronique et entraîner une cirrhose.