CROI 2010 — La CROI à l’assaut des «prophylacto-septiques»
Le Pr Gilles Pialoux est à la CROI 2010, qui se tient cette année à San Francisco, du 16 au 19 février et coordonne le E-journal en direct de la CROI 2010 pour La Lettre de l’infectiologue. Cette année, les nouveaux outils de prévention sont présents dès la lecture du programme de la conférence.
> Consulter Le E-journal en direct de la CROI 2010.
Traditionnellement, durant le délicat J0 de la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. en attendant la session d’ouverture et après, cette année, 11 heures 30 de vol, on compte et on se compte! Cette 17ème CROI, sise en un lieu historique de la lutte contre le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et du prix payé par la communauté gay au sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. San Francisco, n’a pas dérogé à la règle. Comptage du nombre de repas pris ce jour-le-plus-long (5), des heures de décalage (9) et réglage des montres, comptage des participants (3500 ?) et des abstracts (956, et un taux d’acceptation de 52%), comptage des posters à passer en revue, comptage de tout de ce que l’on n’a pas fait en terme de recherche clinique depuis la précédente CROI et qui est dans le programme, fait par d’autres…
Et aussi comptage des français qui s’exposeront durant ces quatre journées de la conférence… Et il n’y en aura pas tant que çà en cette CROI californienne. Deux français invités ont droit à leur vignette photo: Jacqueline Capeau, pour la stéatose hépatique, et Olivier Schwartz pour les mécanismes de transfert cellulaire du VIH, tous deux souriants et on les comprend; une poignée seulement fera retentir le french accent: Stéphane Le Vu, Yves Levy, Laurence Weiss, Cyril Clavel, Gilles Peytavin, Odile Launay…
Et puis s’il faut compter sur une idée forte dés la lecture du programme, outre les confrontations de stratégies antirétrovirales (ARV), c’est bien l’entrée en force dans le débat scientifique des nouveaux outils de Prévention VIH. Du premier pré-workshop pour graduate students à la session de clôture il est question de prévention positive, de l’importance des couples séro-discordants dans la transmission du VIH, de la primo-infectionPrimo-infection Premier contact d’un agent infectieux avec un organisme vivant. La primo-infection est un moment clé du diagnostic et de la prévention car les charges virales VIH observées durant cette période sont extrêmement élevées. C’est une période où la personne infectée par le VIH est très contaminante. Historiquement il a été démontré que ce qui a contribué, dans les années 80, à l’épidémie VIH dans certaines grandes villes américaines comme San Francisco, c’est non seulement les pratiques à risques mais aussi le fait que de nombreuses personnes se trouvaient au même moment au stade de primo-infection. comme impact sur la dissémination du VIH, des calculs d’incidence VIH, notamment en France (# 36LB) , du traitement anti-rétroviral comme outil de prévention ou TaspTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). (Panacée ou boite de pandore? s’interroge Kenneth Mayer, # 63), du dépistage comme outil préventif (session 10), mais aussi de la diffusion des antirétroviraux dans les fluide sexuels (session 24), de l’échec des microbicides (PRO2000 ; # 87LB) et de la prophylaxie pré exposition ou PrePPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. dans les modèles animaux.
Un menu plus que copieux, donc. Très attendu dans ce secteur novateur et encore polémique : les expériences de San Francisco où la décroissance globale, en communauté gay, de la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. VIH est associée à une baisse des nouvelles contaminations1données qui contrastent avec la publication simultanée à la CROI (Jin et al. AIDS 2010 ;24 : on line) sur le risque de transmission par acte chez les gays australiens qui serait stable depuis les Haart. (# 33) et l’expérience de recherche-action menée par Julio Montaner auprès des usagers de drogues en Colombie Britannique qui a vu diminuer l’incidence du VIH dans cette population en associant dépistage et mise sous ARV drastiques (# 88LB). Expériences dont on espère qu’elles seront entendues des «prophylacto-septiques» au-delà de l’Atlantique. Ceux-là mêmes qui, en France, ont conduit la Cour des Comptes à épingler, dans son dernier rapport 2010, une «politique publique de lutte contre le VIH/sida insuffisamment active» et «le caractère marginal des dépenses de prévention et de dépistage VIH».