Faut-il fermer les écoles lors de la prochaine pandémie ?

Une session de l’ESCMID Global s’est penchée sur le rôle des enfants dans la transmission du covid. Vittoria Colizza, (Sorbonne Université, Inserm) a présenté des données interrogeant la conduite à tenir lors de la prochaine pandémie.

La fermeture des écoles a été une des mesures les plus précoces et souvent adoptées pendant la pandémie covid-19 en particulier durant la première vague. À ce stade, les décisions étaient prises dans l’incertitude et avec des preuves très limitées ; le rôle des enfants dans la transmission étant alors encore en cours d’évaluation. À mesure de la progression de l’épidémie et de la disponibilité de nouvelles données, il est devenu clair que les enfants avaient un rôle substantiel dans la dynamique de transmission. Les travaux de modélisation en France ont montré que les contacts en milieu scolaire contribuaient pour environ 50 à 70% à l’ensemble de la transmission chez les enfants (1,2), résultats corroborés par l’épidémiologie et la génomique en Belgique (3) et en Italie (4). Ces résultats soulignent la nécessité de fonder les interventions dans les écoles sur des bases scientifiques.

Historiquement, la modélisation et les études observationnelles avaient montré que les vacances scolaires programmées peuvent diminuer la transmission pendant les épidémies de grippe saisonnière (5,6) et, en 2009, pendant l’épidémie H1N1 (7,8). Cependant, les fermetures « réactives » pendant une pandémie sont fondamentalement différentes. Ces fermetures peuvent amener une adaptation des comportements ou des arrangements alternatifs pour la prise en charge des enfants, adaptations qui modifient les modes de contacts et réduisent les bénéfices épidémiologiques attendus. C’est pourquoi, nous devons être prudents dans l’extrapolation des résultats portant sur l’effet des vacances scolaires programmées aux contextes d’urgence pandémique.

Si les fermetures d’école ont pu être justifiées comme une mesure de protection dans l’urgence, la poursuite et le renouvellement de leur utilisation par vagues successives – et aussi pendant la période qui a précédé la large disponibilité du vaccin – doivent être désormais évaluées de façon critique. Ces mesures ont un effet collatéral substantiel sur les apprentissages, la santé mentale, le développement et l’équité.

La question que posent les fermetures scolaires doit être reformulée : au lieu de se demander si les écoles doivent être fermées, nous devrions nous demander comment les garder ouvertes en sécurité pendant une pandémie. Pour traiter cette question, plusieurs types d’interventions dans les écoles ont été revues. Nos résultats en France et en Suisse montrent que les programmes de dépistage hebdomadaire, quand ils sont mis en œuvre avec une forte adhésion, peuvent efficacement réduire la transmission en minimisant les interruptions scolaires – en particulier en réduisant le nombre de jours d’école perdus comparativement aux fermetures réactives. Ces stratégies offrent une alternative plus équilibrée et soutenable qui protège à la fois la santé et la scolarité des enfants.

Pour répondre aux défis à venir, nous devons repenser plus largement la préparation aux pandémies. Nous ne pouvons pas seulement répliquer les réponses basées sur les pandémies passées comme la grippe ou le covid-19. Les pathogènes peuvent être différents quant aux modes de transmission selon l’âge, aux profils de sévérité et aux implications de santé publique. Les stratégies de préparation doivent s’adapter à la situation : les enfants sont-ils vecteurs ou risquent-ils pour leur santé ? Elles doivent aussi être flexibles et spécifiques aux pathogènes. De plus, le succès des interventions basées sur les écoles dépend non seulement de ce qui s’y passe, mais aussi de l’ensemble plus large des interventions non-médicales dans la population. Une réponse planifiée efficace aux pandémies requiert une perspective systémique, coordonnée et dynamique, reconnaissant l’interdépendance des environnements et des stratégies. Ainsi, pour protéger la santé publique, les droits et le bien-être des enfants lors de la prochaine pandémie, il est essentiel d’adopter une approche prospective et fondée sur les preuves.

Références :

  1. Colosi, E. et al. Screening and vaccination against COVID-19 to minimise school closure: a modelling study. The Lancet Infectious Diseases 22, 977–989 (2022).
  2. Colosi, E., Lina, B., Elias, C., Vanhems, P. & Colizza, V. Proactive vs. reactive COVID-19 screening in schools: lessons from experimental protocols in France during the Delta and Omicron waves. 2025.01.17.25320676 Preprint at https://doi.org/10.1101/2025.01.17.25320676 (2025).
  3. Kremer, C. et al. Reconstruction of SARS-CoV-2 Outbreaks in a Primary School Using Epidemiological and Genomic Data. http://medrxiv.org/lookup/doi/10.1101/2022.10.17.22281175 (2022)doi:10.1101/2022.10.17.22281175.
  4. Molina Grané, C. et al. SARS-CoV-2 transmission patterns in educational settings during the Alpha wave in Reggio-Emilia, Italy. Epidemics 44, 100712 (2023).
  5. Cauchemez, S., Valleron, A.-J., Boëlle, P.-Y., Flahault, A. & Ferguson, N. M. Estimating the impact of school closure on influenza transmission from Sentinel data. Nature 452, 750–754 (2008).
  6. Endo, A. et al. Within and between classroom transmission patterns of seasonal influenza among primary school students in Matsumoto city, Japan. Proceedings of the National Academy of Sciences 118, e2112605118 (2021).
  7. Chao, D. L., Halloran, M. E. & Longini, I. M., Jr. School opening dates predict pandemic influenza A(H1N1) outbreaks in the United States. The Journal of Infectious Diseases 202, 877–880 (2010).
  8. Eames, K. T. D., Tilston, N. L., Brooks-Pollock, E. & Edmunds, W. J. Measured dynamic social contact patterns explain the spread of H1N1v influenza. PLoS Comput. Biol. 8, e1002425 (2012).
  9. Colosi, E. et al. Minimising school disruption under high incidence conditions due to the Omicron variant in France, Switzerland, Italy, in January 2022. Eurosurveillance 28, 2200192