La présence de symptômes persistants après une infection par le Sars-CoV-2 bénéficie de plusieurs dénominations. L’état-post CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. (EPC) est la définition de l’OMS d’octobre 2021 qui prend en compte la présence de symptômes au-delà de deux mois après l’infection par le Sars-CoV-2 et qui ne peuvent pas être expliqués par un autre diagnostic. Cette définition prend également en compte la notion d’impact de la maladie sur les activités quotidiennes. Dans la littérature scientifique, le post-acute sequelae Sars-CoV-2 infection (PASC) est fréquemment utilisé. Sa définition varie d’un travail à l’autre, notamment sur la durée de la persistance des symptômes après l’événement infectieux aigu. Enfin, le Covid long est la dénomination la plus fréquemment utilisée dans le langage courant et est apparue dès mi-2020 sur les réseaux sociaux. Elle décrit la plainte, bien réelle, des patients.
Ces définitions et dénominations restent peu satisfaisantes pour le clinicien, le patient et le chercheur. Elle résulte du fait que la symptomatologie, en dehors de l’anosmie, n’est pas spécifique et que le mécanisme physiopathologique n’est pas connu.
Quoi qu’il en soit et quelle que soit la définition utilisée, un certain nombre de plaintes ont été décrites dès les première publications de 2020. Parmi elles, on trouve l’asthénie, la dyspnée, les douleurs diffuses (surtout thoraciques), l’anosmie, les troubles du sommeil et les plaintes cognitives. Ces symptômes peuvent être associés et sont fluctuants avec, en général, une persistance de l’asthénie, parfois très intense.
«Cadres syndromiques »
Les travaux plus récents ont permis de définir des «cadres syndromiques» en groupant les patients selon leurs symptômes. Les études s’accordent sur au moins trois groupes de patients :
- ceux ayant peu de symptômes (essentiellement l’asthénie isolée ou l’anosmie),
- les patients dont les symptômes sont essentiellement pulmonaires et thoraciques et
- les patients aux plaintes multiples et neurologiques (troubles de la mémoire et de la concentration).
Ces symptômes étant peu spécifiques, l’étude de leur imputabilité à l’infection Sars-CoV-2 a nécessité l’élaboration de travaux épidémiologiques comparant des individus ayant été infectés par le Sars-CoV-2 à des individus n’ayant pas été infectés. Il ressort de ces travaux un excès de risque pour l’asthénie, la dyspnée, les douleurs thoraciques, les plaintes cognitives chez les patients ayant un historique d’infection par le Sars-CoV-2. L’imputabilité au Sars-CoV-2 d’autres symptômes très prévalents en population générale comme les troubles du sommeil, les plaintes digestives ou les douleurs articulaires sont discutées. De plus, lorsqu’on compare des individus ayant présenté un événement respiratoire d’allure infectieuse mais non documenté à des individus ayant présenté un Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. l’excès de risque de symptômes persistants diminue (à l’exception de l’anosmie), ce d’autant qu’il existe un ajustement sur le nombre de symptômes présentés à la phase aiguë. Ces travaux comparatifs apportent des informations majeures :
- 1) L’état post Covid (ou Covid long) existe ;
- 2) cet état de santé n’est peut-être pas spécifique à l’infection par le Sars-CoV-2 et
- 3) il semble être dépendant de l’intensité de l’événement infectieux initial (hospitalisation, nombre de symptômes présents à la phase aiguë).
Les travaux épidémiologiques ont permis de mettre en évidence des facteurs de risque de l’EPC à savoir le sexe féminin, l’obésité, le diabète, les pathologies respiratoires chroniques, la dépression. D’autres facteurs de risques sont discutés comme le tabagisme ou l’âge dont l’importance est variable selon la définition du PASC, prenant ou non en compte la notion d’impact sur la vie quotidienne.
Combien d’EPC ?
La problématique de l’imputabilité rend complexe l’estimation du nombre d’individus présentant un EPC. Les études transversales pré-2022 estiment que 10 à 30% des personnes n’ayant pas été hospitalisés à la phase aiguë de l’infection ont encore au moins un symptôme à 3 mois de l’infection. Pour les personnes ayant été hospitalisées, les cohortes françaises et internationales montrent qu’au moins 2/3 des individus ont encore des plaintes somatiques à 6 mois de l’infection.
Les travaux en population générale adulte les plus récents et les plus fiables sur le plan méthodologique sont français. Santé publique France a conduit une étude en mars-avril 2022 (méthode des quotas) et une étude entre septembre et novembre 2022 (échantillonnage aléatoire).
Ces deux études transversales estiment qu’environ 4% de la population française est touchée par l’EPC (définition OMS), soit plus de 2 millions d’individus. Selon la définition utilisée ou la déclaration d’un Covid long par le participant à l’étude, cette prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. peut doubler. Le fait que deux travaux à 6 mois d’intervalle trouvent des prévalences similaires ne doit pas faire croire que l’EPC est un état «figé». Il s’agit d’un processus dynamique. Plus de 90% des PASC sont guéris à un an de l’infection mais les vagues successives de Covid entrainent de nouveaux EPC. Il semble toutefois que le nombre de nouveaux cas d’EPC diminue. Leurs caractéristiques et la durée de cet état restent à déterminer.
Comment prévenir l’EPC ?
Les facteurs de risques d’EPC découverts ont des faibles odds ratio, signant qu’il paraît difficile à l’heure actuelle de définir une population précise à haut risque d’EPC. Les mesures de prévention portent donc sur la prévention du Covid-19 à savoir le port du masque et la vaccination. Les personnes faisant un Covid-19 après une vaccination sont moins à risque d’EPC que ceux n’ayant pas été vaccinés. Pour les patients pouvant bénéficier de traitements antiviraux (Paxlovid), les travaux sur les cohortes de vétérans américains montrent une diminution du risque de PASC si le patient a bénéficié de ce type de traitement. À noter qu’un essai randomisé proposant la metformine à la phase aiguë de l’infection à des patients à haut risque de Covid-19 sévère a montré une diminutions des PASC si ce traitement est pris précocement. Il reste à déterminer si ces traitements peuvent être bénéfiques dans d’autres situation ou s’ils ne font que diminuer le risque de PASC de ces populations pour le rapprocher de celui de la population générale.
Que sait-on de la physiopathologie ?
Il existe une quantité non négligeable d’articles scientifiques portant sur l’exploration de mécanismes physiopathologiques pouvant être associé à l’EPC. Ces travaux restent de faible niveau de preuve car :
- La définition des cas est rarement décrite que ce soit en termes de
o Documentation de l’infection ;
o Temporalité entre l’infection et le prélèvement ayant servi aux analyses des travaux ;
o Description des comorbidités ;
• Les groupes témoins sont discutables. La présence d’un groupe de patients «Covid sans symptôme persistant» est rare ;
• Les cas ne sont souvent pas comparables aux témoins en termes d’âge ou de sexe, de date d’infection ;
• Les groupes restent de taille modeste.
Enfin, la plupart des travaux s’intéressent aux patients ayant été hospitalisés à la phase initiale de la maladie. Rien n’indique que les mécanismes physiopathologiques entrainant des symptômes persistants soient les mêmes chez des personnes ayant nécessité une prise en charge hospitalière initiale ou une prise en charge ambulatoire.
Quoi qu’il en soit, des travaux vont dans le sens des hypothèses de persistances virales, d’inflammations chroniques, notamment vasculaires. Des travaux récents s’intéressent aux phénomènes immunologiques de la phase initiale de la maladie comme déterminant de EPC (activation lymphocytaire et des neutrophiles). Insistons sur le fait que tous ces travaux mettent en avant l’association entre marqueurs biologiques et la présence de symptômes mais n’expliquent pas le mécanisme aboutissant à tel ou tel symptôme.
Les atteintes d’organes pourraient être multiples et s’expliquer par le tropisme du virus, l’atteinte vasculaire ou le déclenchement de mécanismes inflammatoires systémiques. Cependant, il semble que l’atteinte neurologique puisse expliquer une grande partie des symptômes : la fatigue, les troubles ventilatoires (notamment l’hyperventilation), les douleurs, les troubles de la concentration et de l’attention sont probablement très interdépendants mais peuvent avoir une origine neurologique. Ces symptômes pourraient également être expliqués par des troubles somatiques fonctionnels allant également dans le sens de l’atteinte neurologique et neuropsychologique au sens large. Ces hypothèses ne sont pas à opposer, les troubles somatiques fonctionnels pouvant s’associer à des pathologies somatiques.
Quelle prise en charge ?
La Haute autorité de Santé a émis des réponse rapides dès 2021 qui ont été mises à jour en 2023. Elles comportent des fiches pratiques à destination des médecins mais également des différents acteurs de la prise en charge. La prise en charge peut être dans la majorité des cas ambulatoire et réalisée en médecine de ville avec une coordination de différents soignants par le médecin traitant.
La prise en charge initiale doit être la plus précoce possible. Elle consiste à réaliser une consultation médicale visant à détailler l’événement initial, l’évolution des symptômes et chercher les diagnostics différentiels. Un bilan biologique (bilan d’asthénie) et morphologique (scanner thoracique) minimal doit être proposé. La recherche d’un syndrome d’hyperventilation, de troubles dysautonomiques est à réaliser. Selon l’intensité des symptômes, des explorations complémentaires et des consultations spécialisées sont à proposer (cardiologue, pneumologue et neurologue essentiellement). L’objectif (et la difficulté) est de limiter l’errance médicale en proposant un schéma de prise en charge clair, limitant les examens au strict nécessaire. Une fois le diagnostic porté, il convient de le nommer et d’insister sur le fait que les plaintes des patients sont réelles, quelle qu’en soit leur cause.
Il faut ensuite proposer un projet de soins pluri-professionnel. La réadaptation ventilatoire puis la réadaptation douce à l’effort par un kinésithérapeute ou des ateliers de groupe sont les éléments centraux de cette prise en charge auxquelles s’ajoutent l’orthophonie, la neuropsychologie (peu disponible), les séances de psychologie clinique. La réévaluation du programme doit être régulière. L’apparition de nouveaux symptômes fera rechercher des diagnostics différentiels. Aucun traitement symptomatique soulageant les symptômes n’est contre-indiqué. En cas de soins multiples et complexe, une prise en charge à 100% est possible moyennant une description précise du plan de soin.
En savoir plus :
Robineau O et al , Long-lasting Symptoms After an Acute COVID-19 Infection and Factors Associated With Their Resolution ; JAMA Netw Open. 2022 Nov; 5(11): e2240985.
Matta J. et al. Association of Self-reported COVID-19 Infection and SARS-CoV-2 Serology Test Results With Persistent Physical Symptoms Among French Adults During the COVID-19 Pandemic. JAMA Intern Med. 2022 Jan; 182(1): 1–7. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8576624/