Le Checkpoint, une offre pluriprofessionnelle pour les chemsexeurs

En plein cœur du Sentier à Paris, le Checkpoint d’Arcat (Groupe SOS) offre un espace accueillant et lumineux à toutes les personnes LGBTI+ et travailleur·ses du sexe. Centre de santé sexuelle d’approche communautaire (CSSAC) et CeGIDD, il propose dépistage, mise sous PrEP rapide, outils de prévention, soins et consultations. Le tout gratuitement.

Ses baies vitrées ouvrent sur une petite place tranquille. Là tout est transparent, inclusif et bienveillant. Au Checkpoint Paris, les chemsexeurs ont la possibilité de rencontrer un médecin addictologue, un infirmier spécialisé en RdR et/ou un médiateur de santé, quelles que soient leurs motivations : évaluer, maîtriser, réduire et/ou arrêter. Maxime Odoul, l’infirmier coordinateur et Franck Aldon, l’infirmier de Safe qui propose une consultation spécialisée sur les plaies et complications post-injection le mercredi, ont présenté le dispositif à Swaps.

Une offre dédiée

En 2021, le Checkpoint a réfléchi à une offre dédiée, devant la problématique chemsexChemsex Le chemsex recouvre l’ensemble des pratiques relativement nouvelles apparues chez certains hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), mêlant sexe, le plus souvent en groupe, et la consommation de produits psychoactifs de synthèse. Sur une file active de 11 000 personnes, 25 à 30 % sont utilisateurs de substances psychoactives, et près de 500 chemsexeurs ont été identifiés. Le projet initial consistait à proposer une vacation d’addictologie et une de sexologie, vite embolisées par la demande des usagers. Un parcours pluriprofessionnel a été élaboré dans le cadre de la feuille de route en santé sexuelle 2021-2024, « en ciblant une approche sexologique, de santé mentale et addictologique, ce qui est généralement la porte d’entrée, selon Maxime Odoul. Nous avons pensé l’offre à destination des HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  qui venaient avec des complications lourdes : précarisation, troubles de santé mentale, troubles anxieux et dépressifs. Pour pouvoir parler librement sans redouter le double stigma (consommer des produits, avoir une orientation sexuelle gay et des pratiques hard ou éventuellement à risques), il faut des espaces safe et communautaires. »

Maxime Odoul et Franck Aldon, ©Christelle Destombes

« La porte d’entrée, c’est souvent le dépistage, indique Maxime. Nous sommes un centre de santé sexuelle, et quand on fait du chemsex le dépistage, c’est pertinent… Nous présentons notre prise en charge : les différents espaces, les consultations – que fait le sexologue, que fait le médecin addictologue, que fait l’infirmier en RdR. Les demandes, en priorité, c’est de faire le point sur les consommations, bien avant les questions de prise en charge sexologique, en santé mentale, ou l’évaluation psychiatrique et psychologique. Nous parlons des produits, nous posons des questions pour amener les gens à réfléchir, à autoévaluer leur conso : est-ce pour avoir des relations ? Y a-t-il des changements dans la vie sociale, professionnelle, relationnelle ? Ensuite, on leur demande si elles souhaitent rencontrer quelqu’un. »

Des partenariats pour orienter

Le Checkpoint est un sas d’orientation : travaillant en partenariat avec de nombreuses structures, il oriente les usagers selon leurs besoins. Les personnes vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. ou le VHC, ou souhaitant un sevrage, sont orientées vers l’hôpital pour un suivi, notamment les centres ayant une bonne expérience du sevrage aux cathinones et au GHB. Les personnes nécessitant un suivi psychiatrique peuvent être orientées vers des consultations spécialisées qui proposent des thérapies comportementales et cognitives aux chemsexeurs. Certaines structures de soins en addictologie et/ou en santé mentale comme l’hôpital F. Widal, le Csapa Monceau et CESAME (Enipse) proposent des thérapies comportementales et cognitives à destination des chemsexeurs. En tout, une quinzaine de partenaires pour les psychothérapies sont en connexion avec le Checkpoint.

Par ailleurs, des groupes d’autosupport sont co-animés avec un accompagnateur du Spot Beaumarchais et un médiateur du Checkpoint, le mardi au Spot où les participants parlent librement de leurs expériences ; le samedi au Checkpoint, des permanences en entrée libre sont organisées par ce même binôme. « C’est une porte d’entrée, y compris le week-end, qui permet de rencontrer quelqu’un, d’avoir du matériel de RdR », souligne Maxime. Le Checkpoint intervient aussi pour sensibiliser les professionnels à la question du chemsex. « Certains Csapa ou Caarud voyaient arriver des chemsexeurs, mais ne savaient pas comment les orienter ou accueillir la parole sur la sexualité, les pratiques. »

La question du slam

Les cathinones, injectées, posent un problème supplémentaire, ce qui a amené le checkpoint à répondre favorablement à la proposition de consultation infirmière avancée, proposée par l’association Safe1. « Il n’y a pas de formation sur la prise en charge des plaies et complications post-injection, rien dans les diplômes universitaires, souligne Franck Aldon. En fonction des produits, il peut y avoir des types de plaies particulières, surtout avec les cathinones, très corrosives. » Safe étant connue pour ses dispositifs de distribution de matériels de RdR, Franck estime que dans « sa file active parisienne de 600 personnes, ¼ sont chemsexeurs, à 90 % des injecteurs ».

Sa permanence tous formats – en présentiel, par mail, WhatsApp, téléphone – permet un accès, pour tous, à un soin, une orientation, un avis. « Les personnes peuvent venir pour réaliser des soins. L’idée, c’est de désengorger les urgences, et de faire monter les usagers en compétences sur leur capacité à analyser et prendre en charge les complications. » Avec des injections multipliées pendant des sessions chemsex pouvant aller jusqu’à 72h, Franck estime qu’il faudrait distribuer un nombre considérable de seringues : « Une aiguille = une tentative. Or, je n’ai croisé qu’un seul usager qui réussissait toutes ces injections du premier coup… Je préconise des seringues non serties avec les quantités d’aiguilles adaptées aux besoins et pratiques pour réduire les risques de complications (brûlures, inflammations, abcès, lésions cutanées…). »

Le Checkpoint facture les consultations aux personnes disposant de droits à la Sécurité sociale ou à l’Aide médicale d’État. Il utilise aussi l’enveloppe des centres de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) et bénéficie d’un financement de l’Agence régionale de santé pour trois ans. « Pour répondre aux besoins des personnes et être plus disponible, il faudrait que les postes soient à temps plein, estime Maxime. Développer le travail en réseau est également essentiel. » Le Checkpoint est un site pilote du projet Arpa et fait partie du réseau Chemsex, créé en 2015 par le centre de santé sexuelle 190.

Le Checkpoint
13 rue d’Alexandrie, 75002 Paris
40 personnes salariées, 20 à temps plein
5 à 6 reçoivent des chemsexeurs
Permanence avec ou sans rendez-vous les 2ᵉ et 4ᵉ samedi du mois,
Mail : accompagnement.chemsex@lekiosque.org

  1. Cette consultation se déroule dans le cadre d’une étude sur la prise en charge des plaies et complications post-injection INFI-COPP ↩︎