Un dépliant à glisser dans la poche – « Sex and substance use, Is everything going fine? » – est disponible dans la salle d’attente. L’idée de ce dépliant informatif est d’indiquer aux chemsexeurs qu’ici, ils peuvent en parler sans peur du jugement.« Le Checkpoint est avant tout une clinique spécialisée VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et ISTIST Infections sexuellement transmissibles. créée pendant la pandémie de CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. lorsqu’il était difficile d’atteindre les gens alors qu’ils avaient peut-être des activités à risque, explique-t-il. Je me suis dit que, tôt ou tard, tout le monde aurait besoin du Checkpoint, pour accéder au dépistage des IST. »
Communication graphique réfléchie
Le Checkpoint Berlin, ouvert en 2019, est le fruit d’une coopération entre l’Aide berlinoise sur le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. (Berliner Aids-Hilfe), l’association des médecins infectiologues allemands (Dagna) et le Conseil gay berlinois (Schwulenberatung Berlin). Comme les autres centres de santé sexuelle dédiés aux LGBTQIA+ en Europe, le Checkpoint a dans sa clientèle des usagers de chems. Christopher Clay, de son côté, parle facilement de ses « expériences », et d’« une passion pour le sujet du chemsexChemsex Le chemsex recouvre l’ensemble des pratiques relativement nouvelles apparues chez certains hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), mêlant sexe, le plus souvent en groupe, et la consommation de produits psychoactifs de synthèse. ». Outre le Checkpoint, il travaille également pour un autre projet du Conseil gay berlinois, Sidekicks entièrement dédié à la prévention en matière de drogues.
« Au sein de ces deux organisations, je milite pour que l’on fasse plus sur le chemsex, en identifiant de nouveaux projets et en les menant à bien. » C’est ainsi qu’est né le Chemsex Check, une sorte de « bingo du chemsex » qui aide à peser le pour et le contre et à définir ses propres limites. Dedans, une liste de propositions énumère « les effets positifs et négatifs du chemsex ». On peut y lire : « J’améliore mon estime de moi », « j’ai une vie sexuelle épanouie » mais aussi « je vois moins mes amis », « je n’ai plus de relations sexuelles sobres », « je consomme seul », « je partage mes seringues », etc. « La liste commence par des choses positives afin de refléter l’expérience des usagers ; nous ne savons pas où ils en sont à ce stade, et nous voulons leur faire comprendre que nous ne parlons pas seulement des problèmes et des risques. Nous essayons de représenter l’expérience dans son ensemble », explique son concepteur.
Cette approche motivationnelle se veut une aide à la décision, sans score, ni bon point. Les chemsexeurs peuvent entourer les propositions dans lesquelles ils se reconnaissent et dresser une ligne entre les choses qu’ils acceptent de faire et celles qu’ils refusent. Au final, ils peuvent additionner les pours et les contres, se fixer des buts et sont incités à pousser la porte du Checkpoint pour venir discuter de leur consommation de substances, via les rendez-vous « Just Talk » en physique ou visio. Après avoir été testé auprès d’une vingtaine d’usagers et envoyé à David Stuart lui-même pour recueillir son avis, cet outil est aujourd’hui en cours d’adaptation en France au sein du Checkpoint de Aides et il a d’ores et déjà été adopté à Hambourg et traduit en suédois.
Des consultations spécifiques
Mais « Just Talk » n’a pas été conçu pour aborder le seul chemsex. La question y est pourtant largement abordée et le Checkpoint réfléchit à créer une offre de soutien spécifique, une intervention plus structurée. « Nous allons bientôt proposer cinq rendez-vous consécutifs avec nos conseillers, explique Christopher. Le Chemsex Check sera rempli durant le premier module et servira de première évaluation. Cette intervention ressemblera à ce que David Stuart faisait à Londres : identifier un objectif – réduire, mieux consommer, arrêter, etc. – et organiser un suivi pour aider à atteindre l’objectif fixé. » Ce nouveau dispositif devrait être disponible à la fin de l’année.
Berlin, avec ses immenses clubs et sa scène queer d’avant-garde, est l’une des plaques tournantes de la fête gay. Pourtant, sa réponse au chemsex ne semble pas à la hauteur de la situation. Le Conseil gay berlinois offre bien des groupes de parole hebdomadaires, animés par des psychologues, sans inscription, alternativement en anglais et en allemand. Le Conseil propose également un soutien plus structuré « en matière de toxicomanie, de réhabilitation, d’orientation vers des thérapies et tous ces merveilleux services, indique Christopher, il est tout simplement débordé, avec des listes d’attente de près de neuf mois pour obtenir un rendez-vous. Il fallait combler les lacunes, un grand nombre de personnes attendent de l’aide. »
Des nouvelles drogues
Difficile là aussi d’estimer précisément l’ampleur du phénomène, et on attend avec impatience les résultats de l’étude EMIS 2024. Une chose est claire, Berlin est aujourd’hui en proie à de nouvelles drogues. Comme le « monkey dust », une substance de plus en plus utilisée, fumable, plus puissante et plus risquée de la méphédrone et de la 3-MMC. « C’est encore un produit de niche, dit Christopher, mais il est devenu très visible dans le milieu. Et cela nous fait craindre que, comme le G ou la méphédrone auparavant, il se répande dans le milieu festif en général, et pas seulement dans les soirées privées. »
Pour Sidekicks, le versant RdR de son activité, Christopher se rend dans les clubs gay, où des documents d’information, des conseils et du matériel de Rdr sont distribués. « Nos conseils portent pour moitié sur la consommation de substances et pour moitié sur la sexualité et le sexe à moindre risque. Certains clubs ont cependant du mal avec la distribution de matériel… » Si la méphédrone et la 3-MMC sont populaires dans le milieu festif, le « G » avec ses risques d’overdose, est banni des clubs. « Les clubs détestent vraiment le G, c’est la seule substance qu’ils vérifient à l’entrée du club, des panneaux disent “tolérance zéro, vous serez immédiatement banni en cas de possession de G”, ce qui est problématique parce que cela ne fait que rendre la consommation plus souterraine », déplore Christopher.
Sidekicks distribue cependant une petite carte d’info – recto verso anglais-allemand – avec les conseils pour réagir devant une urgence comme une overdose. Une autre brochure vise à prévenir les risques associés au chemsex, à destination des plus jeunes. Facile à glisser dans la poche, elle décrit le phénomène, les substances utilisées, les risques encourus, les précautions à prendre, les interactions avec les traitements et dispense des conseils de RdR. Les produits sont présentés avec un code couleur pour marquer l’échelle de risque – rouge pour le monkey dust –, pour informer de manière pragmatique. « Les personnes peuvent ainsi être en mesure de fixer leurs propres limites et de prendre la bonne décision, ou de prendre des décisions qui leur conviennent dans ce contexte. »
RdR dans les lieux privés
Ce travail de prévention également dupliqué sur les réseaux sociaux se heurte parfois aux algorithmes régis par les règles américaines, qui ne font pas la distinction entre la RdR et la promotion des usages. Alors que la fête se déplace dans les lieux privés, Sidekicks planche sur deux mallettes de RdR que les usagers pourraient commander sur Internet, pour toucher tous les usagers. L’idée est de fournir une mallette adaptée avec des objets éprouvés en matière de RdR sexe et drogues – l’une des mallettes propose une seringue pour les injecteurs –, mais aussi des suppléments alimentaires au magnésium pour limiter les crispations de la mâchoire.
Entrer en contact avec les usagers dans les lieux privés et évoquer le sujet du consentement, tels sont les deux projets au cœur de l’action de Christopher Clay. « Je veux que les personnes dans les soirées privées bénéficient aussi de la réduction des risques grâce à ce pack. Cela permettrait de faciliter l’accès au système d’aide. C’est très important d’agir tôt et de soutenir les gens dès les premières étapes de leur parcours d’usager, et pas seulement lorsqu’ils ont désespérément besoin d’aide. »
Checkpoint Berlin
25 personnes
Hermannstr. 256-258,
Ouvert du lundi au vendredi de 14 h à 20 h.
Sidekicks.berlin
8 personnes dédiées à la RdR dans les clubs.
Boîte postale 12 05 05, 10595 Berlin
Le site, outre des informations, propose une carte des lieux de support chemsex à Berlin.