Quatuor : Prendre moins, contrôler autant

Pour alléger une multithérapie antirétrovirale contre le VIH, on peut proposer aux patients de prendre moins de molécules ou on peut, comme dans l’étude Quatuor, aménager des jours sans prise. Les résultats, précédemment présentés à la CROI 2021, ont été publiés le 2 février 2022 dans The Lancet HIV.

Article mis à jour le 16/02/2022.

L’un des axes importants de recherche de l’ANRS est l’amélioration de la qualité de vie des personnes vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. (PVVIH). Plusieurs stratégies sont actuellement explorées pour limiter la toxicité médicamenteuse à long terme et améliorer l’observance, comme l’utilisation de traitements injectables à longue durée d’action ou l’allégement thérapeutiques, via le recours à une bithérapie ou à la réduction du nombre de doses.

L’étude ANRS QUATUOR s’est penchée sur le traitement intermittent, avec la prise des antirétroviraux (ARV) quatre jours consécutifs par semaine, suivis de trois jours de «pause». En 2017, l’étude pilote ouverte ANRS 4D avait déjà montré le succès thérapeutique de cette stratégie chez 96% des patients après 48 semaines. Le Dr Pierre de Truchis1hôpital Raymond-Poincaré AP-HPAP-HP Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, précise que, «contrairement à d’autres approches de simplification, comme les études de bithérapie, la stratégie QUATUOR utilise la même combinaison efficace et tolérée déjà en cours chez le patient, sans introduction de nouvelle molécule. Les combinaisons thérapeutiques étudiées dans QUATUOR sont parmi les plus utilisées, en particulier les traitements comprenant des inhibiteurs d’intégrase

Les résultats de Quatuor, présentés par l’un des auteurs, Roland Landman2Université de Paris, INSERMInserm Institut national de la recherche médicale. IMEA, Hôpital Bichat-Claude Bernard, AP-HP, Paris, France à l’occasion de la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. 2021, avaient confirmé l’intérêt de la prise discontinue quatre jours sur sept. 

ANRS 170 Quatuor est un essai de phase III ouvert, multicentrique, prospectif et randomisé, mis à en place à la suite de l’étude 4D. Le but était de comparer un traitement intermittent par multithérapie 4 jours sur 7 par rapport à un traitement continu pris tous les jours. Les participants avaient tous une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. contrôlée depuis plus d’un an, grâce à un traitement comprenant un inhibiteur d’intégrase (InSTI), un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI), ou un inhibiteur de protéase (IP). 

Étude Quatuor, CROI 2021

À la quarante-huitième semaine (S48) de l’essai, la prise 4 jours sur 7 s’était montrée aussi efficace, chez 318 patients du bras en allégement, que la prise en continu. Il n’y avait pas de différence en termes d’évolution de l’ADN total du VIH, de virémie résiduelle plasmatique et d’ARN viral dans le sperme. L’ensemble des participants de l’essai avait ensuite suivi le protocole de thérapie allégé jusqu’à la semaine 96. Les 621 patients restants étaient traités par anti-intégrase pour 48,3%, par inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse pour 46,1% et par  inhibiteur de protéase pour 5,6%. 

Résultats de l’étude Quatuor, CROI 2021

Selon les dernières données, à S96, le succès thérapeutique était de 92,7% [IC à 95% IC 90,2-95,2] chez les personnes en 4 jours sur 7, contre 96,1% chez celles en continu. Le taux d’échec virologique —deux charges virales consécutives inférieures à 50 copies/mL— était de 4,2 % [2,2-6,2] globalement, de 5,3% [1,9-8,6] sous INNTINNRTI Les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI en Français ou «non-nucleoside reverse transcriptase inhibitors», NNRTI, en anglais) ont un effet inhibiteur direct sur la transcriptase inverse (TI) du VIH-1 en formant une liaison réversible et non compétitive avec l'enzyme. La nevirapine, la delavirdine et l'efavirenz sont des NNRTI. et de 2,4% [0,6-4,1] sous InSTI. Parmi les 318 patients en discontinu depuis le début de l’étude, on retrouve 6 échecs virologiques avant la 48e semaine et 13 échecs virologiques après.

Aucun effet indésirable n’a été observé et les marqueurs pro-inflammatoires ne montrent aucune variation biologique délétère. Avec ces résultats, Quatuor valide encore un peu plus la stratégie discontinue de 4 jours sur 7 en tant qu’alternative efficace à la prise quotidienne.

A l’occasion de la publication de l’étude, le Dr Roland Landman a déclaré : «La stratégie évaluée par QUATUOR représente une alternative efficace pour les patients qui ont une bonne adhésion au traitement et qui utilisent une combinaison de traitements limitant la survenue de résistance. (…) Des études virologiques et pharmacologiques supplémentaires, ainsi que l’efficacité à plus long terme (96 semaines) sont en cours d’analyse. Par ailleurs, la stratégie intermittente est étudiée dans de nouvelles études y compris avec des stratégies de bithérapie comme dans l’étude ANRS DUETTO en cours actuellement.»