UNGASS 2016 — Plateforme interassociative française pour une participation de la société civile dans les débats internationaux sur les politiques de drogues

Sans l’intégrer dans la délégation officielle, la MILDECA a soutenu la participation de la société civile française aux rencontres organisées par l’ONU à Vienne. Ce soutien a été le fruit de négociations sur plusieurs années. Désormais, une plateforme associative française sera consultée lors de chaque rencontre annuelle de la Commission des stupéfiants de Vienne.

Collectif constitué de l’Association française de réduction des risques (AFR) / Aides / Asud / Chanvre et Libertés / la Fédération des CIRC (Collectif d’information et de recherche) / Fédération Addiction / Médecins du Monde / Principes actifs / Psychoactif / le Réseau français de réduction des risques / Safe / SOS Hépatites.

Une meilleure reconnaissance de la société civile dans un contexte en mouvement

à l’ONU, la voix de la France sur les politiques en matière de drogues est portée par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), par le ministère des Affaires étrangères et par la diplomatie française permanente auprès des instances onusiennes concernées. L’ensemble de ces acteurs forme une délégation officielle, qui se déplace et est en charge des négociations au sein des instances internationales. Cette délégation ne permet pas de place «officielle» pour les représentants de la société civile sur les drogues, comme cela peut être le cas dans les délégations nationales d’autres pays (le Portugal par exemple).

En 2012, les présidents guatémaltèque, mexicain et colombien ont fait part de leurs critiques du plan mondial de lutte contre la drogue qui, depuis 2009, organisait au travers de résolutions fortement répressives une « guerre à la drogue » dont l’Amérique latine et centrale commençait à constater largement l’échec. Les conséquences parfois dévastatrices de ce plan ont poussé 92 états à suivre ces trois premiers gouvernements, pour demander à ce que l’évaluation du plan de 2009, initialement prévue en 2019, soit avancée en 2016.

Alors que plusieurs états expérimentent de nouvelles manières d’interpréter et d’appliquer les conventions cadres sur la politique mondiale en la matière, et suite à ces demandes, l’Assemblée générale de l’ONU a voté, en 2014, l’organisation d’une session extraordinaire de l’assemblée générale sur la politiques des drogues, qui aura donc lieu en avril prochain à New York.

Dans le même temps, la délégation officielle française suite au changement de présidence de la MILDECA et aux nouvelles sollicitations de nombreuses associations, s’est ouverte à la société civile. Des échanges ont lieu en amont de l’United Nations General Assembly Special Sessions (UNGASS) et au moment des débats.
Pour désigner ce représentant, l’Association française de réduction des risques (AFR), Aides, Asud, Chanvre et Libertés, la Fédération des CIRC (Collectif d’information et de recherche cannabique), la Fédération Addiction, Médecins du Monde, Principes actifs, Psychoactif, le Réseau français de réduction des risques (RdR), Safe et SOS Hépatites se sont donc réunis en plateforme.

En 2014, c’est l’AFR, qui a été désignée pour représenter la société civile dans la délégation. Elle a ainsi été à la Commission des stupéfiants (CND) de l’ONU à Vienne, et a rencontré la diplomatie et le ministère des Affaires étrangères à cette occasion.

L’année d’après, c’est l’association Safe qui, à son tour, a été l’interlocuteur privilégié de la délégation officielle, et qui a pu, à nouveau, représenter la société civile à Vienne. Cette fois-ci, ce fut l’occasion de participer aux segments de débats spécialement dédiés à la préparation de l’UNGASS; segments durant lesquels les pays ont pu exprimer leur position en matière d’évaluation et de priorités pour le plan drogues de l’ONU, et l’interprétation des conventions internationales.

En 2016, année de l’UNGASS et d’un premier jalon possible vers une nouvelle orientation en matière de politique mondiale des drogues, c’est l’association Aides qui représentera la plateforme. Les échanges avec la MILDECA et, dans une moindre mesure, avec le ministère des Affaires étrangères ont commencé dès l’automne 2015, en cohérence avec les réunions publiques organisées par la mission interministérielle pour préparer l’UNGASS, et un premier volet de recommandations a été publié dès le mois de septembre.

La plateforme s’est notamment constituée autour d’une même volonté de demander une position française forte, à la fois au niveau national et international, mais aussi à l’échelle européenne, où se jouent de nombreux débats.

Un travail à plusieurs échelles : nationale, européenne et internationale

Cette plateforme s’est révélée décisive pour porter les expertises et revendications de la société civile auprès des décideurs et des représentants de l’état français, et faire peser l’expertise du monde associatif dans les débats politiques internationaux.

Regroupement de 12 associations, elle a œuvré principalement dans la perspective de la session extraordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU (UNGASS) sur la politique mondiale des drogues, prévue en avril 2016.

Dans ce cadre, la plateforme a reçu un important soutien opérationnel du Consortium international sur les politiques des drogues (IDPC)1Pour en savoir plus sur les activités de l’IDPC, rendez-vous sur leur site Internet idpc.net. Elle a multiplié les rendez-vous à Paris avec la MILDECA et le ministère des Affaires étrangères, et à la commission des stupéfiants de l’ONU à Vienne auprès de la diplomatie française permanente et de l’ambassade. Elle y a demandé une voix française forte sur la santé, la RdR, l’abolition de la peine de mort pour les crimes et délits, et la réorientation de la politique mondiale en la matière vers une approche équilibrée, qui dépénalise l’usage et la possession de produits stupéfiants.

Ainsi dans la suite de ces rencontres, la plateforme a rédigé une note de plaidoyer respectant la structure du document final de l’UNGASS 2016, et demandant:

  • l’abolition des sanctions pénales contre l’usage de drogues;
  • l’amélioration effective, évaluée et contraignante de l’accès aux médicaments contrôlés;
  • la promotion de la RdR en des termes forts et d’un traitement de la dépendance fondé sur des preuves scientifiques et sur la volonté du sujet;
  • le changement de posture pour s’éloigner d’une réponse centrée sur la sanction;
  • la réorientation des priorités vers une approche équilibrée entre maintien de l’ordre et réduction de l’offre de drogues;
  • l’abolition complète de la peine de mort pour les délits liés aux drogues;
  • une meilleure coordination des actions contre la criminalité organisée, le blanchiment d’argent et la corruption; – la promotion des droits humains et la fin des incarcérations des femmes pour des délits non violents liés aux drogues;
  • la promotion de dispositifs adaptés aux publics jeunes; – la révision du système de classification des produits stupéfiants, notamment des médicaments utiles et des nouveaux produits de synthèse;
  • dépénaliser la culture locale, traditionnelle, utilisée pour la production à petite échelle de produits classés stupéfiants;
  • la constitution de comité d’évaluation indépendant pour rendre un avis scientifique en 2019 sur les résultats de la politique actuelle en matière de drogues.

Un plaidoyer cohérent, qui vient nourrir la voix de la société civile

Traduit en anglais, ce document a été relayé auprès de l’ensemble des pouvoirs publics français et européens. Il a également accompagné et est venu compléter de nombreuses recommandations d’instances représentatives de la société civile – comme celles du groupe de la société civile dédié à la préparation de l’UNGASS auprès de la commission européenne (via le forum européen de la société civile sur les drogues), celles produites par la Civil Society Task Force auprès de l’ONU, celles des comités d’ONG de Vienne et de New York, celles de l’IDPC, celle d’associations internationales, nord-américaines, bulgares, sud-américaines, britanniques, etc.

Ce plaidoyer rejoint donc un corpus riche déjà porté par les associations partenaires à l’international, ainsi que les prises de position de certains pays comme le Vénézuéla ou la Colombie, ainsi qu’aux documents cadres déjà produits par l’ONU en perspective de l’UNGASS, et auxquels il fait régulièrement écho.

Il a également été construit à partir des comptes rendus des échanges à Vienne et de nos échanges avec les institutions publiques, réalisés par les représentants successifs de la plateforme. Ces comptes rendus donnent dans le détail la nature des prises de position, des lignes de forces et des points de débats entre pays présents à l’ONU.

Ainsi, les communications de la plateforme se fondent toujours sur les principaux points de débats que nos associations apprennent de leurs échanges lors des rendez-vous avec les institutions publiques, et observent dans les discours entre nations, à l’ONU comme au sein des instances européennes.

Cette plateforme a adopté une approche fondée sur la réalité des enjeux devant nous, et tournée vers un renouvellement des politiques sur les drogues que nous appelons de nos vœux, collectivement et de concert avec une large part de la société civile mondiale.

Nous ne sommes pas certains que la révolution tant attendue de l’UNGASS 2016 soit à la hauteur des espérances et de l’énergie déployée mais le travail se fait pas à pas et il permet de continuer à partager et à construire collectivement avec des histoires et des cultures associatives différentes, tournés vers un même objectif.