Les chiffres 2016-2017 de la Prep en France: mise en perspective

L’Agence national de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vient de publier les premiers chiffres disponibles d’utilisateurs de la Prep en France. Entre le 1er janvier 2016 et le 31 juillet 2017, 5352 personnes ont été identifiées comme initiant un traitement préventif par Truvada® ou par ses génériques dans le cadre d’une prophilaxie pré-exposition (Prep). Un chiffre encore insuffisant.

Nombre de personnes ayant initié un traitement par Truvada® ou génériques pour une PrEP, par mois entre le 1er Janvier 2016 et le 31 Juillet 2017 (source : ANSM)

Ces chiffres, issus du système national d’information interrégimes de l’Assurance Maladie (SNIIRAM), étaient très attendus, notamment pour comprendre l’absence d’un «effet Prep» sur les décevants chiffres 2016 des découvertes de séropositivité en France. Ils peuvent aussi nous servir à mesurer le chemin à parcourir, particulièrement dans le cadre du projet «Vers Paris sans sida» et son bras scientifique, l’essai PrepPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. ANRS-PREVENIR, qui concerne dans un premier temps 3 000 «prepeurs» et «prepeuses».

Ainsi, c’est entre 300 et 400 personnes qui initient chaque mois une PrEP. La quasi‐totalité de ces initiations concerne des hommees, à 97.5%, et 70% de ces initiations ont eu lieu dans les régions Ile‐de‐France, PACA et Auvergne‐Rhône‐Alpes. Pour l’ANSM, «en s’appuyant sur les données collectées sur l’orientation sexuelle et les comportements à risque dans le cadre de la RTURTU Recommandation temporaire d’utilisation. L’ANSM peut encadrer des prescriptions non conformes à l’autorisation de mise sur le marché (AMM), sous réserve : qu'il existe un besoin thérapeutique non couvert et que le rapport bénéfice/risque du médicament soit présumé favorable, notamment à partir de données scientifiques publiées d’efficacité et de tolérance. Les RTU ont une durée maximale de 3 ans renouvelable. il est raisonnable de faire l’hypothèse que les hommes initiant la PrEP sont principalement des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH)». L’âge moyen des initiateurs était de 38,2 ans, ce qui confirme l’échec du dispositif actuel de Prep à toucher les plus jeunes et les plus vieux HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. 

Pour le moment, les caractéristiques des initiateurs de Truvada® ou génériques pour une PrEP depuis l’AMM sont similaires, en termes de sexe, d’âge et de région d’affiliation, à ceux des inititateurs de la période de RTU. Si on peut constater une augmentation constante des initiations de Prep, le chiffre total de personne sous prep reste modéré, voire insuffisant, particulièrement quand on estimation à 32 000 les HSH très exposés face au VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. 1Source : Enquête EPGL 2011. Sans compter, donc, les autres populations qui pourraient bénéficier de la Prep, comme les personnes trans ou les travailleurs du sexe, auprès desquelles tout reste encore à faire.

Une prescription majoritairement hospitalière

L’ANSM confirme par ailleur que l’initiation d’un traitement par Truvada® ou génériques pour une PrEP est majoritairement effectuée à l’hôpital ( 92% des personnes). Les initiations de traitement à l’extérieur de l’hôpital ( 8% des personnes, 7% durant la période de RTU et 10% durant la période d’AMM) correspondent a priori à des initiations de traitements par des médecins excerçant en CeGiDDCeGIDD Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Ces centres remplacent les Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) depuis le 1er janvier 2016. à l’extérieur de l’hôpital. La région parisienne compte 11 CeGIDD, dont 5 intra-hospitalier. Ces structures, fusion des centres de Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et des centres antivénériens (CIDISS), réalisent en Île-de-France aujourd’hui moins de 10 % des initiations de Prep et 6% des dépistages VIH.

Ce constat d’«hospitalo-centrisme» de la Prep intervient au moment où la Direction Générale de la Santé (DGS) a déployé des moyens supplémentaires très conséquents à destination des CeGIDD. Une enveloppe de 2,41 millions d’euros vient d’être débloquée par l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile de France rien que pour la Prep. Tous les centres sont concernés, y compris ceux qui, structurellement ou idéologiquement, font peu ou pas de PreP, à hauteur de 125 000 euros. Les grands centres hospitaliers non CeGIDD, eux, qui contribuent largement à la mise à disposition de la Prep comme le centre de l’hôpital St Louis (Plus de 1200 «prepeurs» hors de son CeGIDD) et celui de l’hôpital Tenon (470 prepeurs sans CeGIDD), doivent se contenter d’enveloppes de seulement 25000 euros.

De même, la Seine Saint Denis (93), qui concentre 17% des déclarations de VIH sur l’IdF, n’obtient que 10% de l’enveloppe de la DGS.

Au delà de la répartition de ces financements, ces derniers doivent servir à prendre en charge gratuitement, dans chaque CeGIDD, 50 à 75 demandes de Prep issues de personnes précaires et non couvertes par la Sécurité Sociale, consultation de santé sexuelle et Truvada® compris. Hors ces «prepeurs» de la précarité n’apparaissent pas pour l’heure dans cette cartographie de la Prep en France. Nous pouvons imaginer que cela va nécessiter un changement drastique des pratiques au sein des CeGIDD. La DGS mise sur un objectif de 15 000 «prepeurs» en 2020, dont 50% en Île-de-France.

Gilles Pialoux est chef de service à l’Hôpital Tenon.