CROI 2016 — Une CROI à la pelvis Presley

Sans doute un effet du hasard de programmation, mais la CROi 2016 s’est figée, ces dernières 24 heures, au niveau du pelvis: Sperme, vagin et rectum, pour être précis.

Ebola invité à la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. et le sperme qui pose question

Cela a débuté tard dans la journée de mardi par la communication de Douada Sissoko (Inserm U897, Bordeaux) dans la session spéciale «EBOLA : un an plus tard». L’information y est de taille: en suivant de manière prospective 26 convalescents d’Ebola en Guinée qui acceptaient de donner régulièrement de leur intime personne, il a été observé qu’environ 10% des patients pouvait avoir une virémie détectable dans le sperme jusqu’à un an après l’apparition de la maladie. D’ou un impact évident sur les programmes à long terme de soins pour les survivants de Ebola qui devraient inclure la mise en œuvre des tests de sperme, du counseling dédié afin d’éviter la transmission sexuelle potentielle.

Gel rectal «à la demande»: un bon niveau d’acceptabilité

On attendait beaucoup de l’étude MTN-O17 (#108LB), première étude de Phase 2 du gel rectal à base de tenofovir. Une étude qui concernait 187 participants hommes ayant des rapports avec d’autres hommes (HSH) ou des femmes trans (TGW) recruté(e)s dans les États-Unis (4 sites, 42%), la Thaïlande (2 sites, 29%), le Pérou (1 site, 19%), et l’Afrique du Sud (1 site, 10%). Avec une moyenne de âge de 31,1 ans (18-64). Douze pour cent étaient des femmes trans par auto-évaluation. L’étude MTN-017 comparait le gel rectal de tenofovir dans une formulation réduite en glycérine RG), mieux adapté à la muqueuse rectale, avec 1% de ténofovir (TFV), soit en application quotidienne, soit avant/après les rapports anaux réceptifs ou comparé à la PrepPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. orale par emtricitabine/fumarate de disoproxil (Truvada). Les participants ont été examinés toutes les 4 semaines. L’observance au traitement préventif a été défini comme haute si >80% des doses attendues étaient prises avec des résultats donnés aux participants lors de la visite suivante.

Une forte adhérence était moins fréquente avec le gel quotidien (Odds Ratio (OR): 0,35, p <0,001). L’adhésion à l’utilisation de gel d’au moins deux fois par semaine (RAI régime) était semblable à la PreP continue par FTC/TDF (p = 0,7) avec aucune différence dans l’intention d’utiliser le produit pour la prévention du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. (p = 0,2). Conclusions: l’application rectale de gel de TFV RG était «safe» chez les  MSM et les TGW. Le développement de produits rectaux devrait se concentrer sur des schémas posologiques plus commodes que continue. Comme la Prep orale, si l’on en croit les résultats de l’essai ANRS-Ipergay…

Un début de standing ovation pour les résultas pourtant médiocres des annaux vaginaux à base de Dapivrine

Revenons rapidement (voir l’édito du 23 Fevrier) sur les trés attendus des deux essais ASPIRE (MTN 020) et Ring Study IPM 027) qui testent l’efficacité d’un anneau vaginal, en polyuréthane, contenant un médicament anti-VIH qui est libéré progressivement (30 jours, mais possiblement 90) une fois placé dans le vagin. Dans les deux cas, il s’agit de la dapivirine. L’étude ASPIRE menée au Malawi, en Afrique du Sud, en Ouganda et au Zimbabwe a montré que l’incidence de l’infection par le VIH-1 était diminuée de 27 % (95% intervalle de confiance [IC] , de 1 à 46; p = 0,05) par rapport au groupe placeboPlacebo Substance inerte, sans activité pharmacologique, ayant la même apparence que le produit auquel on souhaite le comparer. (NDR rien à voir avec le groupe de rock alternatif formé en 1994 à Londres par Brian Molko et Stefan Olsdal.) Et réduit de 37% (IC 95% , 12 à 56 ; P = 0,007) si l’on exclut les femmes mal observantes. Dans une analyse post hoc, il apparait plus de contaminations dans le tranche 18-21 ans dans le bras avec anneau vaginal que dans le bras placebo! Par ailleurs les incidences observées sont très élevées: entre 3,3%/année et 4,5% année. Aucune information n’a par ailleurs été donnée sur les autres ISTIST Infections sexuellement transmissibles.  et sur le taux de… grossesse. Des résultats décevants à l’heure où la Prep orale continue ou «à la demande» (Ipergay-Anrs et Proud) affichent un niveau de réduction des risques de 86% avec une bonne supérieure de l’intervalle de confiance à 99%!

Même niveau de déception inversement proportionnelle aux applaudissements pour l’étude Ring Study (IPM027) conduites en Ouganda et en Afrique du sud auprés de 1959 femmes. Et qui conduit à une baisse du risque de contamination VIH1 de 31 % (95% intervalle de confiance de 0,9-51,5) par rapport au groupe placebo.

La flore fecale (microbiote) des HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  est différente

Les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH) ont toujours, semble t-il, un microbiote fécal sensiblement plus riche et plus diversifié que les individus non-HSH. Après stratification sur la pratique sexuelle, le VIH-1 infection est constamment associé à une richesse bactérienne plus réduite. Ce qui est un facteur de confusion potentiel de toutes les études sur le microbiome fécal humain. Pourtant, le VIH-1 reste indépendamment associée à la richesse bactérienne réduite, ce qui offre de nouvelles études visant à améliorer la dysfonctionnement immunitaire induite par le VIH et notamment à diminuer les causes d’inflammation chronique et de translocation bactérienne.

La patient de Düsseldorf « guéri» après celui de Berlin?

La fameux et très communicant patient de Berlin aurait-il un jumeau, second mouton à cinq pattes donc dans la série des communications mi-scientifiques, mi-science-fiction? Le patient de Berlin est présumé être la seule personne guérie de l’infection à VIH par transplantation de cellules hématopoïétiques souches (HSCT) à partir d’un donneur non apparenté homozygote CCR5-delta 32, anomalie génétique censée empêcher l’entrée du VIH dans les cellules. Les tentatives visant à reproduire la guérison par HSCT ont échoué en raison de rebond viral ou de décès dûs à la maladie sous-jacente. Les allemands rapportent le cas d’un patient en vie, bien que négatif pour l’ADN pro viral VIH 900 jours après la greffe allogénique CCR5-d32.

Cet homme de 41 ans, infecté par le VIH, a été diagnostiqué la leucémie myéloïde aiguë en Janvier 2011. Le diagnostic de l’infection par le VIH date d’octobre 2010. Il avait été traité avec TDF / FTC + DRV puis pour éviter les interactions avec la chimiothérapie, DRV été remplacé par RAL en 03/2011. Il a obtenu une rémission complète de sa leucémie de l’AML après le 1er cure d’initiation et a reçu un 2e induction et une 3e cure de consolidation. En septembre 2012, il rechute et reçoit un 2e cycle à haute dose de cytarabine. Et une greffe de moelle, 8.74x10e6 / kg cellules périphériques souches issues d’un donneur d’un CCR5-D32 après conditionnement avec la fludarabine et tréosulfan en Février 2013.

Au final, pas de mutation importante et le tropisme du VIH était bien CCR5. La charge de l’ADN proviral était de  29 400 COP/mL et  sur le western blot, les bandes attendues n’ont pu être détectée. Au cours de la transplantation et jusqu’à aujourd’hui, le patient est resté dans ce statut «guéri». Comme dans le cas du patient de Berlin, tous les tests du patient de Düsseldorf suggèrent que le VIH peut avoir été éradiqué et qu’il est peut-être la deuxième personne guéri du VIH par greffe allogénique CCR5-d32. D’autres recherches sont en cours avant d’envisager l’arrêt du traitement antirétroviral dans ce cas aussi rare que non reproductible.

— En collaboration avec le E-journal (Edimark/la lettre de l’infectiologue) avec à la rédaction : jean-Philippe Madiou, Valérie Pourcher-Martinez, Laurence Morand-Joubert et Rodolphe Garaffo.