Compte-rendu — 4e workshop « HIV Treatment as Prevention (Tasp) »

Quatre jours, du 1er au 4 avril 2014, ont réuni 247 participants à Vancouver autour des grandes thématiques suivantes: les nouvelles cibles de la prévention et du traitement, les preuves de l’efficacité préventive du traitement anti-rétroviral (ARV), les co-infections, l’engagement au niveaux national et international, le coût des traitements, l’adhésion du patient au traitement, les dimensions du dépistage et les différents tests, la sensibilisation du milieu médical et du public.

Les deux premières sessions ont été animées par des diplomates, ambassadeurs bilatéraux et responsables d’organisations internationales. Ils ont d’une part souligné le chemin parcouru depuis plus de vingt ans par la communauté internationale et les politiques publiques nationales, les progrès accomplis tant du point de vue médical que sociétal. D’autre part, ils ont défini les nouveaux objectifs de la lutte contre le VIH : dépistage, prévention, traitement, intégration.

La troisième session était consacrée à des initiatives de terrain : le TaspTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). (Treatment as Prevention ou traitement comme prévention) en Chine, la promotion du préservatif au Viêt-Nam, le traitement, le suivi et les soins gratuits mis en oeuvre en France, dépistage et traitement ciblés sur les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  au Brésil, la mobilisation des communautés en Ouganda pour développer le traitement ARV, l’innovation dans l’approche du financement au Pays-Bas, le développement de génériques d’ARVaux États-Unis pour en favoriser l’accès à travers le monde, le modèle d’intégration du TAsP dans le programme de routine contre le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. au Swaziland.

La quatrième session était centrée sur la question de l’accès au traitement. Ont été évoqués : une approche prenant en compte les droits de l’Homme dans le test et le traitement des personnes vivant avec le VIH ; l’évaluation réelle du coût important ignoré de l’inaction causée par l’attente que le taux de CD4 décline jusqu’à atteindre le niveau admis par le pays en question (depuis 2013, l’OMS recommande de commencer letraitement ARV à partir de 500 CD4 mais nombre de pays en sont toujours aux recommandations précédentes à 350 CD4, voire à celles de 2010 de moins de 350 et d’autres n’en sont pas encore à la systématisation du traitement ARV) ; les difficultés à atteindre les patients dans les pays en développement ; l’audace de solliciter le secteur privé pour mettre en oeuvre de nouvelles solutions dans les systèmes de santé ; la production locale de génériques et leurs licences pour augmenter le nombre des personnes traitées.

La cinquième table ronde a passé en revue les méthodes et les meilleures pratiques pour mettre en œuvre des résultats performants. D’une part, des études sur les expériences de Treatment as Prevention ont été menées dans les conditions de la vie normale, d’autre part la construction de bases de données ont nécessité des partenariats entre différentes organisations et selon sur de longues périodes. Par ailleurs, l’harmonisation des données permet de maximiser les initiatives scientifiques avec des coûts minimaux tant financiers que eu égard aux risques et au temps passé.

Les sixième et septième sessions ont poursuivi ce tour d’horizon des meilleures pratiques pour prendre en compte le défi de l’identification des cas d’infection aigue, les avantages à engager résolument la communauté médicale dans la généralisation du test VIH de routine, les difficultés à comprendre les ressorts de l’adhésion au traitement et les causes de son abandon ou de son mauvais suivi. Il s’agit en effet de réévaluer les bénéfices réels de ces différents types d’action : en matière de santé d’abord bien sûr (qualité de vie avec la maladie, longévité, co-infections, cancers) mais aussi d’un point de vue financier à moyen et long terme.

Une représentation géographique inégale

Différentes régions du monde étaient représentées mais de façon inégale. L’Amérique du Nord était largement représentée tant par les Etats-Unis que par le Canada avec notamment les chercheurs de Vancouver, promoteurs de nombreux projets novateurs et co-fondateurs du TAsP. Quant à l’Amérique latine, cinq pays étaient représentés : l’Argentine et le Brésil avec plusieurs participants, ainsi que Cuba, le Mexique et Panama. Pour l’Asie, on notera tout particulièrement la présence très active de la Chine et du Viet Nam manifestement engagés désormais résolument dans le combat commun contre le VIH.

L’Afrique, bien sûr où l’épidémie frappe très durement plusieurs pays et sous régions (notamment au sud et à l’est du continent) était fortement représentée, tant à travers ses ressortissants membres de grandes organisations internationales ou d’organisations internationales et d’ONG (ONUSIDA, UNICEF, Fondation Gates par exemple) que par des acteurs sur le terrain dans les pays suivants : Afrique du Sud , Ghana, Gambie, Kenya, Malawi, Mozambique, Ouganda, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe.

L’Europe, bien représentée, l’était en particulier par des acteurs français de poids, engagés de longue date dans la lutte contre le VIH ainsi que par la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Espagne. La seule région gravement absente est l’ensemble Maghreb-Moyen Orient où la maladie qui reste tabou fait pourtant des dégâts importants.

Ainsi, les rapports techniques d’épidémiologie et de biologie ont croisé les problématiques plus réflexives d’ordre sociologiques, psychologiques et politiques, présentant un panorama très complet des enjeux complexes et des défis actuels de la lutte contre le VIH, illustré par de nombreux exemples de terrain dans plusieurs pays. Il convient de souligner cette montée en puissance de la dimension pluridisciplinaire de cette rencontre annuelle. Non seulement les responsables politiques en tant que promoteurs de politiques publiques et bailleurs de fond ont bien sûr une part importante mais surtout des responsables associatifs et des spécialistes de sciences humaines et sociales y ont été accueillis avec enthousiasme par le milieu médical et les chercheurs virologues et épidémiologues, habitués de ce type de colloques.

La lutte contre le VIH appelle en effet les croisements de points de vue tant trans-nationaux que trans-disciplinaires. Les recherches sur le virus, les traitements, les vaccins sont certes fondamentales, tout comme les études statistiques, les évaluations et les projections épidémiologiques. Mais l’imagination, la prise en compte des aspects sociologiques culturels et psychologiques ainsi que la dimension de la mobilisation sont essentielles notamment pour les stratégies de prévention. Or, pour atteindre l’objectif des trois zéros de l’Onusida, ce saut épistémologique est absolument indispensable pour surmonter la stagnation des progrès enregistrés jusqu’ici et les blocages persistants.