Vers la rémission du VIH : les essais en cours et à venir de l’ANRS-MIE

Plusieurs stratégies thérapeutiques innovantes sont actuellement testées en France pour permettre aux personnes vivant avec le VIH de se passer de traitement antirétroviral à vie.

Pierre Delobel, chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Toulouse, a récemment dressé un état des lieux des recherches sur la rémission de l’infection VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. menées par l’Agence nationale de recherche sur le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. et les hépatites virales – Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE). Un objectif qui mobilise le consortium ANRS Rhiviera (Remission of HIV Infection Era, ère de rémission de l’infection VIH) et le groupe Immunothérapie de l’ANRS, regroupant chercheurs et cliniciens.

Rémission plutôt que guérison

Malgré les progrès considérables des traitements antirétroviraux, ceux-ci restent contraignants puisqu’ils doivent être pris à vie, d’où l’importance de développer des alternatives permettant une rémission durable.

Les scientifiques préfèrent d’ailleurs parler de rémission plutôt que de guérison (Cure en anglais). Cette dernière impliquerait l’éradication complète du virus, un objectif quasi inaccessible en raison de la capacité du VIH à persister dans des réservoirs viraux. À ce jour, seule une poignée de patients peuvent être considérés comme probablement guéris : il s’agit de personnes ayant reçu des allogreffes de moelle osseuse pour traiter une leucémie ou un lymphome, avec un donneur porteur d’une mutation génétique rare (délétion CCR5Δ32/Δ32) empêchant le virus de pénétrer dans les cellules. Une situation exceptionnelle, non généralisable, compte tenu de la lourdeur de l’immunodépression induite, à des patients qui ne sont pas atteints d’une maladie grave hématologique nécessitant une allogreffe de moelle.

La rémission est un objectif plus atteignable. Elle consiste à tolérer la présence d’un réservoir viral résiduel minime, maintenu sous contrôle par le système immunitaire, sans nécessiter de traitement antirétroviral. Rappelons que cette situation existe déjà naturellement chez certains patients appelés contrôleurs du VIH – qu’ils soient contrôleurs naturels ou post-traitement. L’étude approfondie de ces cas a permis de mieux comprendre les mécanismes immunologiques du contrôle viral et d’élaborer des stratégies thérapeutiques innovantes.

Source : Françoise Barré-Sinoussi et Asier Sáez-Cirión (Institut Pasteur)

Rhiviera 01 et 02 : deux essais aux stratégies distinctes

L’essai Rhiviera 01, dont les inclusions sont terminées, a adopté une approche originale en sélectionnant des patients présentant un profil génétique favorable au contrôle de l’infection. Ces profils ont été identifiés à partir d’études menées chez des contrôleurs du VIH post-traitement. Les résultats, actuellement en cours d’analyse, sont attendus fin 2026 ou début 2027. Sur la base des résultats obtenus dans l’étude ANRS iVISCONTI et la cohorte ANRS CO6 PRIMO, l’hypothèse émise est que les patients infectés par le VIH qui initient un traitement antirétroviral (TARV) au cours d’une primo-infectionPrimo-infection Premier contact d’un agent infectieux avec un organisme vivant. La primo-infection est un moment clé du diagnostic et de la prévention car les charges virales VIH observées durant cette période sont extrêmement élevées. C’est une période où la personne infectée par le VIH est très contaminante. Historiquement il a été démontré que ce qui a contribué, dans les années 80, à l’épidémie VIH dans certaines grandes villes américaines comme San Francisco, c’est non seulement les pratiques à risques mais aussi le fait que de nombreuses personnes se trouvaient au même moment au stade de primo-infection. par le VIH-1 et qui sont porteurs du génotype B35 (B53) Bw4TTC2 ont une capacité accrue de contrôle lors de l’interruption du traitement. Le but de l’essai est d ‘évaluer la probabilité de contrôle de l’infection par le VIH, définie par une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. < 400 cp/mL, lors d’une interruption analytique du traitement antirétroviral chez des participants de la cohorte ANRS CO6 PRIMO traités précocement et qui portent précisément  le génotype CMH B35 (B53) Bw4TTC2.

Rhiviera 02, lancé au printemps 2024, est toujours en phase de recrutement avec 32 participants inclus sur un objectif de 69. Cet essai cible des patients diagnostiqués très précocement en primo-infection. Outre le traitement antirétroviral habituel, ils reçoivent des anticorps neutralisants à large spectre. Ces anticorps anti-VIH possèdent une double action : ils neutralisent le virus tout en stimulant la réponse immunitaire. Après un an de traitement, une tentative d’arrêt du traitement antirétroviral est effectuée pour vérifier si le réservoir viral reste silencieux sans rebond virologique. Le recrutement de Rhiviera 02 devrait se poursuivre en 2026 et une partie de 2027, avec des résultats espérés en 2028 ou 2029. Cette stratégie s’appuie notamment sur les résultats encourageants de l’essai britannique Rio, présenté l’année dernière, qui utilise également des anticorps neutralisants.

Deux nouveaux essais en préparation

Le futur essai Rhiviera 03 adoptera une stratégie différente basée sur deux immunomodulateurs : le baricitinib et le sirolimus. Ces médicaments, administrés pendant dix semaines, devraient éteindre le réservoir viral et empêcher le rebond à l’arrêt du traitement antirétroviral. Le recrutement débutera en 2026 pour une durée d’environ deux ans, avec des résultats attendus entre 2029 et 2030.

Un quatrième essai incluant l’utilisation d’acétate de glatiramère est également prévu pour 2026, mais avec un objectif différent. Il ne vise pas la rémission mais l’amélioration de la restauration immunitaire chez des patients en succès virologique dont les lymphocytes CD4 restent anormalement bas. L’acétate de glatiramère sera testé, après avoir montré des résultats préliminaires prometteurs chez des singes infectés par le SIV (virus de l’immunodéficience simienne, cousin du VIH).

De multiples pistes de recherche, donc, pour espérer offrir des perspectives réelles aux personnes vivant avec le VIH de se libérer de la contrainte du traitement à vie.