PRIMO: la PrEP protège les hommes les plus exposés

La cohorte française PRIMO inclut des personnes lors d’une primo-infection aiguë par le VIH, symptomatique ou non. Elle apporte un regard inédit sur les effets, entre 2014 et 2021, des évolutions majeures que sont l’annonce de l’efficacité préventive du traitement antirétroviral, dont l’initiation est recommandée dès le diagnostic depuis 2014 et la disponibilité de la PrEP depuis 2016.

En décrivant au cours du temps, les pratiques de prévention avant et après le diagnostic, l’analyse de cette étude montre comment ces moyens de prévention affectent les comportements des hommes ayant des relations avec des hommes: évolution des comportements sexuels et préventifs des patients dans les 6 mois précédant la primo-infection; nombre de partenaires, occurrence et raison des rapports sans préservatif; et après le diagnostic, les mêmes informations et l’incidence des IST  

La cohorte PRIMO

L’étude porte sur 609 hommes inclus dans la cohorte. Les comportements des 6 mois précédant le diagnostic sont documentés à l’inclusion, après le diagnostic, ils sont documentés de façon rapprochée sur la première année, tous les 6 mois à partir de la deuxième année de traitement jusqu’en 2019, puis à partir de 2020 tous les ans. La durée de suivi dans la cohorte en médiane est de 33,6 mois avec un maximum 86 mois.

Au fil des générations annuelles d’hommes ayant séroconverti, on voit baisser drastiquement le nombre de partenaires sexuels dans les 6 mois avant le diagnostic de 10 (IQR 3-19) en 2014 à 4 (IQR 2-10) en 2019 et 6 en 2020-21. La proportion d’hommes rapportant des rapports sans préservatif  est très élevée, mais augmente quand même, de 78% en 2014 à 98% en 2020-21; tandis que 7,2% des hommes diagnostiqués en primo-infection ont pris au moins une fois la PrEP dans les 6 mois précédant le diagnostic.

Globalement ce nombre de partenaires décroissant parmi les hommes ayant séroconverti montre que la  PrEP a bien protégé les hommes les plus exposés par leur comportement sexuel depuis sa mise à disposition en 2016 : les séropositifs sont désormais des hommes qui ont moins de partenaires, et de plus en plus et massivement des rapports sans préservatifs. 

Après le diagnostic, 92% des hommes suivis sont sexuellement actifs, mais le nombre de partenaires baisse la première année post-diagnostic dans toutes les générations, puis connaît une sorte de stabilisation à partir de la deuxième année.

Évolution au cours du temps des raisons de non-utilisation du préservatif lors du suivi des HSH séropositifs déclarant au moins une fois une utilisation irrégulière du préservatif au cours des 12 mois précédents. Source.

Les rapports non protégés par préservatif avec les partenaires stables ou occasionnels après le diagnostic, qui concernaient déjà plus de la moitié des hommes en 2014 et 2015, augmente pour atteindre 84,2% en 2021. La raison avancée est la prévention biomédicale via les traitements, dont la part dans les raisons rapportées de non-protection par préservatif augmente régulièrement entre 2014 et 2020-21. Ainsi, parmi les raisons données pour ne pas utiliser le préservatif, la prise de PrEP par le partenaire est citée par 25% des hommes suivis en 2020-21, tandis que 30% environ, et de façon assez stable sur les différentes générations, cite la séropositivité de leurs partenaires et l’effet TasP (traitement comme prévention).  En 2019, 34,7% des hommes avaient une IST au moment du diagnostic VIH Au cours du suivi post-diagnostic, les IST ont fortement augmenté après l’actualisation des recommandations de dépistage et passent de 14 pour 100 personnes années (IC 95% 3-26) en 2014 à 40 (IC 95% 24-56) en 2020-21. L’incidence croît plus rapidement pour la syphilis, elle est moindre pour les chlamydiae, tandis qu’elle est stable pour la gonococcie. L’incidence des IST après le diagnostic est associée de façon indépendante aux rapports non protégés, au nombre de partenaires, à l’absence de relation stable et à un âge inférieur à 35 ans. 

Étendre la protection de la PrEP à tous les HSH

Cet article apporte une démonstration utile et inédite dans sa forme, de l’efficacité de la PrEP qui a protégé du VIH les hommes qui avaient le plus grand nombre de partenaires. Ses résultats invitent à l’étendre de manière résolue vers des hommes avec peu ou en tout cas moins de partenaires.  

Chez les hommes séropositifs, le message concernant l’effet préventif des ARV chez les personnes traitées, le fameux «Indétectable = Intransmissible», semble bien passé, car il est invoqué, et de plus en plus, à l’appui de la non-protection par le préservatif. C’est une bonne chose puisque ce message de non-transmissibilité apporte sans doute d’autres bénéfices pour le bien-être des personnes séropositives.

Logiquement, avec une forte baisse des rapports avec préservatif après le diagnostic de séropositivité, l’incidence des IST est forte. Elle devient stable après 2016, peut-être en raison de profils de comportement sexuel des hommes les plus récemment diagnostiqués : avec les générations, le nombre de partenaires avant le diagnostic décroît et il reste aussi inférieur après le diagnostic, de génération en génération. 

Cette analyse des informations de la cohorte PRIMO suggère d’étendre la PrEP aux HSH peu exposés, rejoignant les enseignements à tirer du tassement des initiations de PrEP dans l’année 2023-24 ; ceci tout en continuant à renforcer le message sur l’intransmissibilité du virus chez les personnes traitées. Pour autant, de nouvelles ressources de prophylaxie pré ou post exposition sont indispensables pour réduire la fréquence des IST, certaines existent déjà (notamment la prophylaxie post-exposition par la doxycycline),  mais de façon encore trop partielle, appelant à poursuivre les efforts de recherche sur une prévention efficace des IST.

Bibliographie

Baltes V, de Boissieu P, Champenois K, Luan L, Seng R, Essat A, Novelli S, Spire B, Molina JM, Goujard C, Meyer L; ANRS PRIMO cohort study group. Sexual behaviour and STIs among MSM living with HIV in the PrEP era: the French ANRS PRIMO cohort study. J Int AIDS Soc. 2024 Mar;27(3):e26226. doi: 10.1002/jia2.26226. PMID: 38462760; PMCID: PMC10935706.