Élection de Donald Trump : l’arrivée de Robert F. Kennedy, Jr. ou le complotisme sanitaire au pouvoir

Donald Trump a été élu à la présidence des États-Unis pour un second mandat. Robert F. Kennedy, Jr, son choix comme futur ministre de la Santé, est un complotiste notoire, anti-vaccination et négationniste du VIH.

Il n’est pas dans la tradition de Vih.org, site d’analyse critique des publications scientifiques concernant un vaste champ, qui va du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. aux maladies émergentes en passant par la RDR, de commenter la politique. Mais il est arrivé dans le passé que l’actualité politique, avec tout ce qui peut y peser en défaveur des objectifs internationaux de santé publique, notamment dans la lutte contre le VIH, nous oblige autrement. Ce fut le cas, par exemple le 23 novembre 2016, avec une interview de William McColl, alors directeur des politiques de santé de AIDS United, l’une des plus grandes associations de lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. aux États-Unis, à propos des annonces de Trump suite à sa première élection. La revue scientifique Nature avait constaté en 2019 que «les déclarations et la politique de Trump ont largement miné la confiance et rendu l’accès aux soins plus difficiles pour ceux qui dans certaines communautés ont un risque plus important de contracter le VIH, notamment les personnes de couleur, les usagers de drogues, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les personnes transgenres, les personnes précaires».

Robert F. Kennedy, Jr. : Fake news en pagaille

Mais l’heure n’est pas de faire le bilan de Trump, mais bien d’analyser les risques liés à la nomination d’un personnage aussi sulfureux qu’adepte des fake news, Robert F. Kennedy, Jr. (RFK), neveu de l’ancien président américain, John Fitzgerald Kennedy, et l’un des fils de Robert F. Kennedy.

Robert F. Kennedy, Jr. speaking with supporters at a campaign rally at the Fox Tucson Theatre in Tucson, Arizona. Gage Skidmore
Robert F. Kennedy, Jr., Tucson, Arizona. Photo: Gage Skidmore.

Ses états de service en tant qu’avocat sont bien connus et contrastés. Diplômé de Harvard, avocat pour des ONG environnementales, RFK a longtemps fait trembler les grands groupes de l’industrie chimique ou agroalimentaire. C’est lui par exemple qui obtient en 2018 que la firme Monsanto soit condamnée à indemniser des agriculteurs qui avaient développé des lymphomes après avoir été exposés au Roundup, le fameux herbicide à base de glyphosate.

Il est plus connu pour ses prises de positions délirantes et complotistes couvrant des sujets variés, le CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. le VIH, les vaccinations ou les personnes transgenres, qui sont des thématiques dans le champ de vih.org. Et constituent autant d’arguments d’inquiétudes majeures à l’échelle internationale et, bien sûr, à l’intérieur du territoire américain. Le CCDH (Center for Counturing Digital Hate), l’un des sites les plus engagés dans la lutte contre le complotisme et les fake news, avait analysé pendant la crise du Covid, la désinformation sur les différents réseaux sociaux (X, Facebook…) et démontré qu’une douzaine de personnes était responsables de 65% du contenu anti-vaccin. Robert F. Kennedy, Jr. y figurait à la deuxième place !

Il fut, pendant la crise du Covid, la figure de proue internationale anti-vaccin, anti-confinement et négationniste des origines du Covid. Sa citation la plus célèbre sur cette thématique en dit long sur son niveau de dérive révisionniste: «il y a un argument selon lequel « le virus » est ethniquement préparé. Le Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. attaque certaines races de manières disproportionnées […] Le Covid-19 est préparé pour attaquer les Caucasiens et les Noirs. Les personnes les plus immunisées sont les Juifs ashkénazes et les Chinois». Déclaration de juillet 2023 que l’on peut retrouver sur le site Conspiracy Watch, l’observatoire international du conspirationnisme.

Robert F. Kennedy, Jr. est le fondateur de Children’s Health Defense, une plateforme dont la mission est de remettre en question la sécurité des vaccins, notamment du Covid. En mars 2021, ce site totalisait plus de 2,3 millions de visites. Il hébergeait plusieurs articles de désinformation repérés par les organismes de fact checking, qui affirmaient entre autres que les vaccins ARN messager pouvaient modifier de manière permanente l’ADN des personnes vaccinées et que les enfants non vaccinés étaient en meilleure santé que les vaccinés. Le 7 avril 2000, RFK Jr a accusé Bill Gates, une de ses cibles favorites, d’avoir financé un vaccin en Inde qui aurait «paralysé 490 000 enfants», affirmation qui ne repose sur aucune étude et aucune donnée scientifique. Au-delà du Covid, RFK Jr a allégué que «le vaccin contre la grippe est 2,2 fois plus mortel que le Covid-19».

Il est l’un des promoteurs de la fake news selon laquelle ceux qui soutiennent les vaccins, et Bill Gates en particulier, veulent «nous mettre une puce électronique» en nous vaccinant. Fervent attaquant de Big Pharma, il a écrit un livre, Anthony Fauci, Bill Gates, Big Pharma, leur guerre mondiale contre la démocratie et la santé publique, vendu à plus d’1 million d’exemplaires aux États-Unis, traduit en français et préfacé par… le Pr Christian Perronne.

Le 6 novembre 2024, sur X, RFK Jr. a reçu logiquement le soutien du retraité savant de Marseille, Didier Raoult: «Avec Trump président après un héroïque parcours, un casting exceptionnel, va pouvoir se mettre en place: Musk qui peut restaurer la liberté d’expression et aider à supprimer la censure qui a explosée [sic] dans le monde occidental détruisant nos valeurs démocratiques. Le sénateur Kennedy, qui reprend le combat de son père Bob Kennedy contre la mafia moderne, c’est-à-dire les GAFA (Bill Gates en tête) et le Big Pharma. Je vous conseille de lire son livre… corruption, achat de la presse, achat des politiques, vente de drogues addictives (dérivés de la morphine), c’est le miroir de la mafia des années 60.»

Négationniste… et antivaccin

Mais RFK Jr. a étendu son sujet de conspiration bien au-delà du Covid. Il a, par exemple, affirmé (Rolling Stone, 27 juin 2023) que «c’était la recherche vaccinale qui était responsable à la fois du VIH et de la grippe espagnole!». En 2022, RFK Jr compare les restrictions de liberté et le confinement imposés pour lutter contre la pandémie aux persécutions des Juifs en Allemagne nazie, poussant une grande partie de sa famille à se désolidariser de lui.

Il est aussi un des rares négationnistes du sida ayant encore une audience aussi importante aux États-Unis. RFK Jr. fait référence à «l’orthodoxie» selon lequel le VIH est à lui-seul la cause du sida tout en répétant que, thème classique de ces négationnistes: « personne n’a été en mesure de citer une étude qui démontre leurs hypothèses en utilisant des preuves scientifiques ».

Enfin, et uniquement parce qu’il faut bien terminer ce billet d’inquiétude et d’humeur, il reprend à son compte, comme Trump lors de sa première campagne électorale, avant de se rétracter notamment à cause de la récente épidémie de rougeole aux États-Unis, les études fallacieuses retirées du Lancet d’Andrew Wakefield, qui établissaient un lien entre la vaccination contre la rougeole et l’autisme. Article pourtant truffé d’erreurs méthodologiques, de manipulations des chiffres et de conflits d’intérêts majeurs (pour seul exemple, Wakefield était avocat des associations de plaignants contre la vaccination en Angleterre), qui ne fut rétracté qu’en 2010, soit douze ans après sa publication.

Rapport du CCDH sur les désinformateurs, n° 2 RFK.

Le futur ministre de la Santé a souvent mis en scène la sienne. Outre qu’il avait été dépendant à l’héroïne pendant une quinzaine d’années, il reconnaissait en 2012 souffrir de problèmes neurologiques en raison d’une intoxication au mercure due à une trop grande consommation de sandwichs au thon (!) et la présence d’un ver parasite dans son cerveau qu’il se ferait extraire. En tant que ministre de la Santé, Robert Kennedy, Jr. sera à la tête de 27 agences gouvernementales, dont la Food and Drug Administration (FDA) et les Centers for Disease Control (CDC).