Plusieurs études ont montré l’efficacité de la doxycycline en prophylaxie post-exposition immédiate (doxyPEP), en particulier chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) exposés aux infections sexuellement transmissibles (IST). Depuis, les recommandations internationales, notamment européennes, ont intégré doxyPEP en vue de réduire l’incidence des ISTIST Infections sexuellement transmissibles. bactériennes.
DoxyPEP consiste en la prise de 200 mg de doxycycline dans les 72 heures suivant des rapports sexuels non protégés par des préservatifs et permet de limiter la transmission de la syphilis et des infections à gonocoque et à Chlamydia trachomatis.
Malgré son efficacité, cette nouvelle stratégie suscite des inquiétudes quant au risque de développement de résistances aux antibiotiques. Et c’est pourquoi les résultats de l’étude de la Pr Béatrice Berçot, réalisée dans le cadre de l’essai ANRS-MIE DOXYVAC et présentée à AIDS 2024, sont importants.
Des données rassurantes pour ceftriaxone, fluoroquinolones et aminosides
Pour étudier la résistance du gonocoque aux antibiotiques, les chercheurs ont suivi 545 HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. sous PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. orale, dont 362 ont reçu doxyPEP et 183 non. Les participants ont été suivis pendant une période médiane de 14 mois, avec des prélèvements trimestriels effectués sur trois sites anatomiques : anus, gorge et premier jet urinaire; par PCRPCR "Polymerase Chain Reaction" en anglais ou réaction en chaîne par polymérase en français. Il s'agit d'une méthode de biologie moléculaire d'amplification d'ADN in vitro (concentration et amplification génique par réaction de polymérisation en chaîne), utilisée dans les tests de dépistage. pour les trois IST bactériennes, et par culture pour le gonocoque.
Sur les 450 échantillons positifs pour le gonocoque en PCR (issus de 278 patients), 78 souches ont été cultivées: 7 au début de l’étude, 40 chez des participants non exposés à doxyPEP et 31 chez des participants exposés. De plus, 231 échantillons positifs en PCR ont été séquencés.
Les concentrations minimales inhibitrices (CMI) ont ensuite été déterminées pour les cultures positives, et des analyses de séquençage du génome bactérien ont été réalisées pour identifier des déterminants moléculaires de la résistance.
Les résultats ont montré que les CMI de la ceftriaxone, des fluoroquinolones et des aminosides étaient similaires entre les groupes doxyPEP et non doxyPEP. Aucune modification significative des déterminants génétiques de résistance pour ces antibiotiques n’a donc été observée.
Des signaux d’alerte pour pénicilline et tétracycline
En revanche, des différences notables ont été relevées concernant la résistance à la pénicilline et à la tétracycline:
- Les gènes TEM-1, associés à la résistance à la pénicilline, étaient plus fréquemment observés chez les participants sous doxyPEP (40,4%) comparé qui n’avaient pas été exposé à la doxyPEP (17,5%).
- Tous les isolats de gonocoque étaient résistants à la tétracycline, avec une résistance élevée plus fréquente dans le groupe doxyPEP (35,5% et 12,5%, respectivement).
- Le gène tetM, un déterminant génétique de la résistance à la tétracycline, était significativement plus présent dans le groupe doxyPEP (59,1% et 23,7%, respectivement).
- Aucune mutation dans le gène codant pour l’ARNr 23S, cible des antibiotiques inhibiteurs de la traduction génétique, n’a été détectée.
Ces résultats sont donc plutôt rassurants, malgré les différences observées dans les déterminants génétiques de la résistance: Les souches de gonocoque étudiées des participants sous doxyPEP conservent une sensibilité aux antibiotiques couramment utilisés pour leur traitement. Jusqu’à présent, aucun impact de doxyPEP sur la ceftriaxone, ciprofloxacine et sensibilité à l’azithromycine n’a été constaté.
En revanche, le nombre d’isolats résistants aux céphalosporines reste critique, et les chercheurs ont identifié un nouveau cluster GC avec une diminution de la sensibilité au céfixime et une résistance de haut niveau à la tétracycline, mais sans association claire avec doxyPEP.
Des données de suivi de l’utilisation de doxyPEP en conditions réelles permettront de compléter ces résultats. Pour Béatrice Berçot, il est en tout cas impératif de continuer de surveiller l’émergence d’isolats résistants aux céphalosporines de 3e génération.