L’Onusida laisse-t-il tomber les acteurs communautaires de la région Moyen-Orient Afrique du nord ?

Dans une tribune parue le 4 septembre 2023 dans Lancet HIV, un groupe d’experts et d’acteurs communautaires de la région MENA (Middle East and North Africa) demande à l’Onusida de revenir sur sa décision de fermer son bureau régional du Caire.

«Avec l’appui du bureau régional, le directeur Pays de l’Onusida nous a apporté un soutien précieux dans la défense des droits des populations clés (1), criminalisées au Maroc comme dans tous les pays de la région MENA (2). C’est avec cet appui que nous avons obtenu que des représentants des populations clés siègent au CCM (Comité de coordination Maroc du Fonds mondial), que le Conseil national des Droits de l’Homme recommande le respect de leurs droits. Être rattaché à une autre région nous privera de ce levier», indique Hakima Himmich, fondatrice de l’Association de lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. du Maroc, jointe par la rédaction de Vih.org.

L’Onusida a des bureaux dans certains pays de la région, souvent avec un très petit effectif. Ce bureau régional, aujourd’hui menacé, était un espace pour les communautés VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. pour mettre en commun leurs difficultés. Perdre ce bureau les prive aussi d’un lieu où les acteurs de la société civile, en position faible dans leur environnement national, pouvaient s’exprimer, faire vivre des réseaux et garder le lien avec les communautés internationales. Cette mise en commun, appuyée par une rare organisation onusienne présente dans la région, permettait d’interpeller les gouvernements et d’attirer l’intérêt des financeurs internationaux – fonds bien nécessaires, tant sont faibles les contributions nationales. Quelques pays se voient proposer de rattacher leur bureau «pays» à des bureaux régionaux existant dans d’autres régions de l’Afrique : le Soudan et l’Égypte au bureau de Johannesburg, ceux du Maroc, de Tunisie et d’Algérie à celui de Dakar. Pour les 14 autres pays, rien n’est prévu. Cette situation fragilise le plaidoyer interne et externe de ce collectif d’acteurs dans une région où l’épidémie progresse : + 61% de nouvelles infections entre 2010 et 2022 et une cascade de soins calamiteuse : 67-50-45 (2023 UNAIDS Path report).

Ce qui génère l’appel des auteurs de cette tribune, c’est la perte de ce levier dans un environnement marqué par des conflits de longue durée et les déplacements forcés de population, par une criminalisation des populations clés et ceci dans un environnement socioculturel hostile. Ils en appellent à une égalité de traitement par rapport aux autres régions du monde, pour emmener ces populations vers la fin du sida.

  1. Homosexuels, travailleuses du sexe, usagers de drogue et personnes trans ↩︎
  2. Algérie, Bahreïn, Djibouti, Égypte, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Oman, Qatar, Arabie saoudite, Somalie, Soudan, Syrie, Tunisie, Émirats arabes unis, Yémen ↩︎