L’Aide médicale de l’État (AME), mise en place en 2000, permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’une prise en charge de leurs soins. Le 15 mars 2023, un amendement proposant sa suppression a été voté au Sénat. Plusieurs sociétés savantes, dont la Société de pathologies infectieuses (SPILF), la Société de réanimation de langue française (SRLF), et la Société française de médecine d’urgence (SFMU), ainsi que France assos santé, s’inquiètent des conséquences pour l’accès aux soins de cette population déjà très exposée1Ganapathi et al. N Engl J Med 2019; Prats-Uribe et al. Eur J Public Health 2020; Guillon et al.; EurJ Health Economics 2018; Kraft et al. J Pédiatr 2009. Selon ces organisations, l’amendement va à l’encontre des principes des droits humains garantissant un droit à la santé pour tous.
Même en ne considérant que l’angle de la santé publique, cette suppression constitue un non-sens économique et pourrait avoir de graves conséquences pour le système de santé français : les pathologies hospitalières prises en charge tardivement sont particulièrement coûteuses. La migration pour raison de santé, souvent invoquée pour attaquer l’AME, est pourtant minoritaire parmi les motifs de départ des pays d’origine et les études constatent à l’inverse un non-recours à ce droit important (49% selon l’enquête Premiers pas, y compris pour les personnes atteintes de maladies chroniques).
Un coût extrêmement faible
Les organisations signataires rappellent que le coût des soins couverts par l’AME ne représente que 0,4% des dépenses de l’Assurance maladie en France2Vignier et al. Front Public Health. 2022 et que plusieurs économistes de la santé n’ont pas constaté de surconsommation de soins inutiles par les bénéficiaires.
Les sociétés savantes appellent les députés et les sénateurs à ne pas supprimer l’AME et à revenir sur les restrictions qui lui ont été adjointes. France assos santé dénonce également les restrictions apportées en commission des lois du Sénat et appelle à un accès effectif aux soins pour les étrangers en situation irrégulière. D’autres organisations ont dénoncé cette suppression, comme la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, qui a déclaré dans un communiqué: «À une époque où la pandémie a démontré la nécessité de penser la santé comme un bien de l’humanité à défendre ensemble, ces reculs ne sont pas des réponses de santé, mais des outils de ségrégation pour entretenir et flatter les peurs de l’autre.»
L’intégration de l’AME au régime général de la Sécurité sociale, comme le demandent de longue date les associations humanitaires et de nombreux acteurs de la santé, apparaît comme la seule solution pour mettre fin à ces menaces régulières contre l’accès aux soins pour tous.