La bascule tant espérée du nombre de nouvelles contaminations, entamée en 2020, ne semble pas se confirmer pour l’année 2021. Selon les chiffres de Santé publique France, présentés au congrès de la SFLS par Florence Lot, le nombre de découvertes de séropositivité est estimé à 5013 personnes, contre 4753 en 2020. Un chiffre qu’on peut considérer comme stable, les intervalles de confiance se chevauchant. Pas vraiment de quoi se réjouir, alors que les outils de prévention n’ont jamais été aussi performants.
Cette tendance est confirmée par la stabilité du nombre d’initiations de traitements antirétroviral (désormais rapidement après le diagnostic), tiré des données du Système national des données de santé (SNDS).
Ces chiffres de diagnostic sont stables pour l’ensemble des populations concernées depuis l’année dernière, mais la tendance est à une légère augmentation depuis 2012 chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) nés à l’étranger et chez les personnes trans.
Les chiffres de dépistage précoces et tardifs sont également stables, même si une légère tendance à une moindre précocité semble se dessiner chez les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. Globalement, il n’y a pas d’amélioration de la précocité du diagnostic.
Un recours dépistage qui n’augmente toujours pas suffisamment
Ce sont 5,7 millions de sérologies VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. qui ont été effectuées en 2021, en hausse de 8% par rapport à 2020. Mais ce nombre avait baissé de 13% en 2020 par rapport à 2019. On ne retrouve donc pas tout à fait les niveaux pré-covid en termes de nombre total de sérologies réalisés en 2021.
Un éventuel recours aux autotests ne permet pas de relativiser ce chiffre, puisqu’après une baisse de 30% entre 2019 et 2020, le nombre d’autotests vendus en pharmacie n’a ré-augmenté que de 15%.
En revanche, les bons chiffres du dépistage du premier semestre semblent dessiner une tendance à l’amélioration, avec presque 2 500 000 ayant bénéficié d’au moins un dépistage du VIH au début de l’année. Soit le plus haut niveau depuis 2014.
En CeGIDDCeGIDD Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Ces centres remplacent les Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) depuis le 1er janvier 2016. après une baisse du nombre de dépistage de 35% en 2020 —les centres ont été fermés à cause des confinements—, le nombre de sérologies réalisées a augmenté de 16%, là aussi, à un niveau insuffisant.
Des données trop fragiles
Il faut le dire franchement : l’épidémie de VIH en France est une épidémie mal surveillée et c’est toute la qualité de l’information épidémiologique qui se dégrade depuis quelques années, parce que nous manquons de données brutes. Malgré le travail toujours remarquable des épidémiologistes de Santé publique France, les données de 2021, quoiqu’éclairantes, restent donc fragiles. Et ce manque de données robustes empêchent les équipes de produire des données d’incidence (du moment de l’infection, donc, et pas seulement du moment de la découverte de l’infection) fiables.
Rappelons que le VIH est une infection à déclaration obligatoire, mais l’année dernière, seulement 59% des déclarations obligatoires ont été renseignées par les biologistes et les cliniciens. L’exhaustivité est donc encore une fois en baisse par rapport à l’année précédente, avec seulement 2917 déclarations reçues par Santé publique France. C’est ce nombre qui a été corrigé, en prenant en compte les délais, la sous-déclaration et les valeurs manquantes, pour obtenir le chiffre de 5013 nouvelles découvertes de séropositivité en 2020.
Pour Olivier Bouchaud, co-président du congrès de la SFLS avec Bernadette Rwegera, les premières pistes à explorer pour améliorer cette situation sont la mise en place d’une interrogation plus facile du SNDS et une intégration du VIH aux système de déclaration des infections SIDEPSIDEP SIDEP (Système d’Information de DEpistage Populationnel) est un système de surveillance qui vise au suivi exhaustif de l’ensemble des tests effectués en France dans les laboratoires de ville et dans les laboratoires hospitaliers pour la recherche du SARS-CoV-2. Il plaide également pour que les CoreVIH, dans le cadre de leur travail de proximité, obtiennent les moyens de réaliser et tenir une microbiologie de qualité.