«Although I am declaring a public health emergency of international concern, for the moment this is an outbreak that is concentrated among men who have sex with men, especially those with multiple sexual partners. That means that this is an outbreak that can be stopped with the right strategies in the right groups.»
Tedros Ghebreyesus, 23 juillet 2022
Depuis son apparition en Europe en mai 2022, la réponse sanitaire et politique à l’épidémie de variole du singe (monkeypox) navigue entre deux écueils, celui d’un manque de vigueur et celui de la stigmatisation de la communauté gay. Elle louvoie aussi, dans les toutes premières semaines, entre un excès de précaution, le classement MOT du virus qui impose des circuits de soin hypersécurisés retardant l’accès au diagnostic et la vaccination post-exposition, et la banalisation de l’atteinte, déclarée comme bénigne, d’évolution spontanée vers la guérison tout seul chez soi. Une simple maladie transmise lors de contacts intimes, mais pas reconnue comme une infection sexuellement transmissible (IST) et que tout le monde peut attraper.
Dans ces pays nouvellement concernés, en Europe et en Amérique du Nord, l’infection se concentre chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), trentenaires, habitant les métropoles urbaines. On y discute de formes très peu symptomatiques, ou pas du tout, qui peuvent nous laisser sous-estimer l’ampleur de l’épidémie, puisque seule la partie émergée de l’iceberg serait visible. Désormais, les formes très douloureuses, rapportées par de nombreux hommes atteints, prennent le pas sur le tableau clinique bénin du début, et en cette fin juillet, les premiers morts hors de la zone endémique sont à déplorer. Au 28 juillet, Santé Publique France décomptait 1955 cas, dont 814 en Île-de-France, avec seulement 12 femmes et deux enfants touchés (96 % chez les HSH) et 42 hospitalisations (3%).
Une urgence internationale
L’OMS, après avoir hésité fin juin, a décrété le 23 juillet avec un vote 9 contre 6 du Comité d’urgence du Règlement sanitaire international, que le monkeypox représentait une urgence de portée internationale.
Cette alerte a le mérite de replacer l’épidémie qui frappe violemment la population HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. comme un enjeu «universel», par l’augmentation du nombre de cas, sa diffusion rapide à de nouveaux pays, ses caractéristiques nouvelles et toutes les inconnues sur les modes de transmission et l’immunité qu’elle confère. Elle rappelle aussi le constat ancien que les épidémies négligées dans les pays pauvres ne viennent à la lumière que quand elles touchent les pays riches. L’OMS souhaite qu’une mobilisation internationale se mette en place, avec une approche One Health puisqu’il s’agit d’une maladie d’origine zoonotique (chez les rongeurs). L’agence demande que s’initie un effort de recherche dans toutes les directions ,et pour les pays qui en ont l’appareil industriel, de production en masse de vaccins, de tests diagnostiques et de potentiels traitements.
L’objectif reste d’arrêter la transmission interhumaine le plus rapidement possible avec la notion qu’il faut arrêter l’épidémie avant que la fenêtre d’opportunité pour la circonscrire ne se referme et qu’elle ne se diffuse beaucoup plus largement. Cet objectif passe par la nécessité d’agir avec et pour les communautés aujourd’hui les plus affectées.
Adresser d’abord le risque le plus élevé
La pandémie VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. a imposé, par une mobilisation militante, l’implication des communautés dans les politiques de santé publique et de recherche. Pour autant, même dans des pays où les droits des personnes LGBT ont avancé, l’homophobie et la transphobie persiste sous des formes plus ou moins ouvertes et insidieuses, et les travailleurs.ses du sexe subissent toujours l’exclusion sociale et politique. Ainsi, malgré l’expérience du VIH et un mouvement communautaire fort, la réponse des associations représentant les personnes exposées, comme celle des pouvoirs publics, ont semblé un temps paralysée par le risque de stigmatisation dans la construction de la réponse en santé publique.
En France, au 28 juillet 2022, parmi les 1796 cas décrits, 99% sont des hommes adultes et 96% des HSH. Ce sont eux qui supportent le poids très pénalisant de l’épidémie: douleur, angoisse, isolement, impact sur le mode de vie et la sexualité, santé mentale, stigmatisation, précarisation. Parallèlement, on ne peut que redouter l’arrivée de l’épidémie dans les pays qui criminalisent l’homosexualité, d’abord pour les personnes et les communautés atteintes, mais aussi parce que ce contexte répressif et violent empêcherait de déployer les mesures nécessaires.
La réponse en santé doit donc appliquer ses principes essentiels: s’adresser d’abord là où est le risque le plus élevé —les HSH, les plus exposés—, dans les régions les plus touchées —les grandes métropoles—, sans oublier les populations exclues, principalement les travailleurs.ses du sexe actuellement, avec comme y invite l’OMS aussi dans son langage onusien, un soutien à leurs besoins primaires: «Les politiques liées à l’isolement des cas devraient comprendre des programmes de soutien en matière de santé, santé psychologique, et des programmes de soutien matériel et financier pour vivre de manière décente.»
Seule cette approche de la santé publique est efficace en égalité et en efficacité.