Covid-19 : les personnes vivant avec le VIH immunodéprimées, oubliées de la priorisation de la vaccination

Alors que la campagne de vaccination en France peine à trouver son rythme de croisière et que la colère gronde, les personnes vivant avec le VIH, et particulièrement les immunodéprimées, ne sont pas considérées «à très haut risque face au Covid-19». Aucune donnée solide ne permet pourtant de l’affirmer, au contraire.

Dans un communiqué commun, la Société Française de lutte contre le sida (SFLS) et le TRT-5 CHV, regroupement d’associations de personnes concernées, annoncent avoir saisi la Haute Autorité de santé (HAS) afin que les personnes vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. (PVVIH) «non contrôlées sur le plan immuno-virologique puissent être priorisées dans la liste des personnes actuellement vaccinables». La SFLS demande également de «proposer dès à présent la vaccination à toutes les personnes qui ont un risque significativement plus élevé de forme grave de Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. y compris les personnes les plus précaires». En effet, les personnes immunodéprimées conjuguent souvent d’autres facteurs de vulnérabilité vis-à-vis du Covid-19, notamment sociaux.

Le communiqué indique qu’il est «particulièrement compliqué» pour les acteurs de terrain dans la lutte contre le VIH/sida de «justifier que la revue de la littérature ne permette pas actuellement de considérer dans les listes de priorisation de vaccination de Covid-19 les personnes vivant avec le VIH et particulièrement immunodéprimées (taux de CD4 inférieur à 200/mm3) et/ou en échappement virologique, ce qui représente une partie non négligeable de la file active de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) en ville comme à l’hôpital»

Cette demande est également appuyée par une recommandation de l’Académie nationale de médecine, publié le 20 janvier dernier, et qui préconise «d’inclure les PVVIHPVVIH Personne vivant avec le VIH parmi les populations vulnérables devant bénéficier dès que possible de la vaccination, sans considération d’âge» et «de confier l’indication et le suivi de cette vaccination au médecin référent»

Aujourd’hui, les personnes vivant avec le VIH ne sont pas spécifiquement considérées comme exposées face au CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. tant qu’elles bénéficient d’un traitement efficace contre le VIH et qu’elles ne connaissent pas d’immunodépression. Et elles ne sont donc pas classées comme vulnérables et ne sont pas prioritaires pour accéder aux vaccins contre le SARS-CoV-2. Mais les données solides sur le plan méthodologique concernant les interrelations entre VIH et Covid-19 sont encore largement manquantes. 

Un manque de données solides

La position de la SFLS et du TRT-5 CHV n’est pas isolée. Dans un avis commun, les sociétés savantes européennes, dont l’EACS, demandent également que les PVVIH soient considérées comme prioritaires par rapport à la vaccination. En effet, à mesure que de plus en plus de données deviennent disponibles, on constate un risque plus élevé de problèmes chez les personnes co-infectées par le VIH et le Covid-19. 

Ainsi, une première étude réalisée au Royaume-Uni chez les patients hospitalisés pour Covid-19 indique un risque ajusté plus important de 1,69 chez les PvVIH. (Les chercheurs n’ont toutefois pas eu accès aux données concernant le traitement antirétroviral, la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. ou le nombre de CD4.)1Geretti AM, Stockdale AJ, Kelly SH, Cevik M, Collins S, Waters L, Villa G, Docherty A, Harrison EM, Turtle L, Openshaw PJM, Baillie JK, Sabin CA, Semple MG. Outcomes of COVID-19 related hospitalization among people with HIV in the ISARIC WHO Clinical Characterization Protocol (UK): a prospective observational study. Clin Infect Dis. 2020 Oct 23:ciaa1605. doi: 10.1093/cid/ciaa1605. Epub ahead of print.

Dans une autre, le rapport de risque était de 2.59, tout en ne pouvant pas dissocier d’éventuels facteurs de confusion (comme l’âge, le sexe, le statut social ou l’origine ethnique), et la plupart des personnes décédées souffraient de comorbidités.2Bhaskaran K, Rentsch CT, MacKenna B et al. HIV infection and COVID-19 death: a population-based cohort analysis of UK primary care data and linked national death registrations within the OpenSAFELY platform. Lancet HIV 2021 Jan;8(1):e24-e32

Des données récemment soumises par l’État de New York montrent que les PVVIH étaient plus souvent hospitalisées, particulièrement si leur charge virale n’était pas contrôlée, et étaient plus nombreuses à décéder à l’hôpital.3Tesoriero JM, Swain CAE, Pierce JL, Zamboni L, Wu M, Holtgrave DR, Gonzalez CJ, Udo T, Morne JE, Hart-Malloy R, Rajulu DT, Leung SYJ, Rosenberg ES. Elevated COVID-19 outcomes among persons living with diagnosed HIV infection in New York State: Results from a population-level match of HIV, COVID-19, and hospitalization databases. Medrxiv doi: https://doi.org/10.1101/2020.11.04.20226118

Certaines personnes vivant avec le VIH particulièrement exposées

Les résultats récents confirment dans tous les cas que les personnes immunodéprimées (celles avec moins de 350 CD4 par µL) sont très exposées face au Covid-19 et risquent de développer une forme plus grave de la maladie.4Hoffmann C, Casado JL, Härter G, Vizcarra P, Moreno A, Cattaneo D, Meraviglia P, Spinner CD, Schabaz F, Grunwald S, Gervasoni C. Immune deficiency is a risk factor for severe COVID-19 in people living with HIV. HIV Med. 2020 Dec 27. doi: 10.1111/hiv.13037. Epub ahead of print. Dans une étude réalisée dans la province Cap-Occidental en Afrique du Sud chez les PVVIH hospitalisés, un taux de CD4 inférieur à 200 par µL était également associé à un risque de mortalité accru5Boulle A, Davies MA, Hussey H, et al. Risk factors for COVID-19 death in a population cohort study from the Western Cape Province, South Africa. Clin Infect Dis. 2020 Aug 29:ciaa1198. doi: 10.1093/cid/ciaa1198. Epub ahead of print.

Mais encore une fois, d’autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte : une petite étude réalisée au sud de Londres, au Royaume-Uni, a montré une morbidité et une mortalité substantielles dues au Covid-19 chez les PVVIH noirs, même parmi ceux sous traitement efficace.6Childs K, Post FA, Norcross C, Ottaway Z, Hamlyn E, Quinn K, Juniper T, Taylor C. Hospitalized Patients With COVID-19 and Human Immunodeficiency Virus: A Case Series. Clin Infect Dis. 2020 Nov 5;71(8):2021-2022. doi: 10.1093/cid/ciaa657. Des données similaires ont également été rapportées en France7Etienne N, Karmochkine M, Slama L, Pavie J, Batisse D, Usubillaga R, Letembet VA, Brazille P, Canouï E, Slama D, Joumaa H, Canoui-Poitrine F, Segaux L, Weiss L, Viard JP, Salmon D; COVID-19 ID Team. HIV infection and COVID-19: risk factors for severe disease. AIDS. 2020 Oct 1;34(12):1771-1774..

L’immunodépression, facteur possible d’émergence des variants 

Enfin, une nouvelle hypothèse relie l’apparition de variants récents et immunodépression. Il est possible que le variant d’Afrique de Sud par exemple soit apparu chez des personnes séropositives au VIH immunodéprimées et non traitées, dans les quartiers pauvres du Cap. Une hypothèse proche de celle expliquant l’émergence des variants anglais chez des malades d’hématologie immunodéprimés, qui eux avaient reçu du plasma de patients guéris à visée thérapeutique. Même si pour l’heure, aucune donnée scientifique n’est venue confirmer ou infirmer ces hypothèses.

Mais lorsqu’on voit la rapidité avec laquelle les variants plus contagieux du SARS-CoV-2, anglais comme celui d’Afrique du Sud, sont devenus majoritaires en quelques semaines dans les deux pays, on comprend mieux le titre du dernier avis du Conseil Scientifique: «Entre vaccins et Variants : une course contre la montre»!   

Dans tous les cas, il reste impérieux, pour l’ensemble des responsables et des acteurs de terrain que les personnes vivant avec le VIH n’interrompent pas leur suivi médical durant ces mois difficiles et n’hésitent pas à se rapprocher de leur médecin au sujet de la vaccination —l’occasion aussi de revoir son calendrier vaccinal—, particulièrement si elles souffrent de comorbidités.