A l’heure de la prévention biomédicale, le dépistage du VIH doit donc encore être intensifié dans les populations les plus exposées, afin de réduire la proportion de ceux qui ignorent leur séropositivité et leur permettre de bénéficier d’un traitement antirétroviral. L’effet Tasp «Treatment as Prevention», qui empêche la transmission du VIH chez les personnes séropositives avec une charge virale indétectable, constitue un atout majeur pour contrôler l’épidémie, tout comme il est essentiel que la Prep puissent être proposée à l’occasion d’un test négatif. Chez les HSH le recours au dépistage reste très fortement insuffisant.
Ainsi, dans l’enquête menée par l’équipe d’Annie Velter, socio-démographe à Santé publique France, 30% des participants n’avait pas réalisé de test depuis un an. Pire, 17% d’entre eux n’avaient jamais réalisé de sérologie Seuls 53% d’entre eux, sur une population de près de 14500 HSH, avait eu recours au dépistage au moins une fois dans l’année. Ces derniers ont eu tendance à privilégier assez fortement les laboratoires privés (55% des sérologies réalisés) et les CeGIDD (28%) pour réaliser leurs tests.
Aucun dépistage VIH au cours de la vie pour 17% des participants
Que savons-nous des participants de l’étude qui déclarent n’avoir jamais réalisé de test? Il s’agit d’une population plus jeune, d’un âge médian de 22 ans, dont près de la moitié habite dans une ville ou un lieu de résidence de moins de 20 000 habitants. Cette particularité géographique semble confirmer une difficulté d’accès à des lieux ou des actions de dépistage, ainsi qu’aux moyens de préventions.
Ils sont moins nombreux à se considérer comme homosexuels (68% contre 86% des hommes ayant eu recours au test dans l’année écoulée). Leur cercles amicaux sont majoritairement hétérosexuels (95%) et ils déclarent fréquenter moins les établissements de convivialité gay. Leur score de détresse psychologique, telle que mesurée par le MH5 et correspondant à un état de santé mentale dégradée associé à des symptômes de nature anxiodépressive, est plus élevé que chez les autres participants (40%, contre 37% chez les HSH ayant réalisé un test dans les 12 derniers mois, et 15% en moyenne chez les hommes hétérosexuels). Enfin, ils sont moins nombreux à déclarer une relation stable avec un homme au cours des 6 derniers mois.
Leur perception des risques liés au VIH est également faussée: Ils sont 57% à auto-évaluer leur risque d’être contaminé par le VIH comme nul ou très faible et seuls 28% d’entre eux savent qu’un test de dépistage est recommandé tous les 3 mois pour les HSH. Enfin, s’ils déclarent moins de partenaires dans les 6 derniers mois (un seul pour 46% d’entre eux, contre 25% chez les HSH ayant effectué un test dans l’année), ils sont aussi moins nombreux à protéger les rapports avec un partenaire occasionnel inconnu avec le préservatif ou les traitements: 70% contre 82%.
Le rapport au dépistage est donc très varié chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, avec un recours et une perception des risques différents. Les biographies sexuelles variées demandent que les messages de prévention et d’incitation au dépistage prennent en compte cette diversité, pour espérer pouvoir appliquer les recommandations de la HAS.
Une autre forme d’autodépistage que l’autotest à l’étude
Une piste de recherche, actuellement étudié par l’étude Mémodépistages, proposent à des participants fortement exposés et insuffisamment dépistés, de réaliser et de renvoyer des auto-prélèvements sanguins, urinaires, anaux et pharyngés à domicile. Les premiers résultats sont encourageants, et les kits récupérés très majoritairement exploitables pour le dépistage. Sur les 2028 kits renvoyés, 8 ont ainsi révélés une séropositivité au VIH. L’étude continue jusqu’à décembre 2019.
L’exemple britannique
Des pistes d’inspirations à l’amélioration au recours au dépistage peuvent également trouvées dans dans d’autres pays, comme au Royaume-Uni: Une baisse de plus de 30% du nombre de personnes diagnostiquées séropositives a été constaté, et ce, alors que le nombre de tests réalisés ne cesse d’augmenter.
En Grande Bretagne, c’est depuis 2012 qu’on recommande au HSH très exposés de réaliser un test tous les 3 mois. A Londres, de nouveaux centres de dépistage ont vu le jour. Dans la clinique Dean Street Express, les gens s’enregistrent sur une borne, récupèrent leurs tubes, font leur propres prélèvements, les déposent et ont les résultats trois heures plus tard dans la journée. La clinique reçoit environ 430 personnes par jour.
Le nombre de tests réalisés par les HSH britannique a augmenté de 50% entre 2013 et 2016, et le nombre d’HSH qui avait déjà réalisé un test dans l’année précédente a augmenté de 60%. En 2014, ils étaient 92% à avoir réalisé un test dans l’année. Cette augmentation de la fréquence des tests avec la mise sous traitement précoce (dès le diagnostic) et la promotion de la Prep semblent expliquer des résultats qu’on aimerait connaître en France.