CROI 2018 — Session de communications orales libres: Prévention et dépistage

Le Dr Cédric Arvieux est à la CROI 2018 et nous reproduisons ici, avec son aimable autorisation, ses chroniques publiées in extenso sur le site du COREVIH Bretagne.

143LB HIGH UPTAKE AND REDUCED HIV-1 INCIDENCE IN AN OPEN-LABEL TRIAL OF THE DAPIVIRINE RING
Jared Baeten, Thesla Palanee-Phillips, Nyaradzo Mgodi, Ashley Mayo, Annalene Nel, Zeda Rosenberg, Sharon L. Hillier, Elizabeth Brown, for the MTN-025/HOPE Study Team

L’essai MTN-025 HOPE (HIV Prevention open Label Extension) est une extension en ouvert de l’essai en double insu ASPIRE, qui avait pour la première fois évaluer l’efficacité des anneaux vaginaux imprégnés de dapivirine dans la prévention de l’infection par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. Ce dernier avait montré une efficacité un peu décevante (réduction d’incidence de l’ordre de 30% chez les femmes du groupe dapivirine), qui semblait en grande partie en rapport avec des difficultés d’observance chez les femmes les plus jeunes.

Dans l’analyse intermédiaire de l’essai HOPE présentée ici,  1 407 femmes (dont 57% avaient participé à l’essai ASPIRE et ne s’était pas infectées pendant la période d’étude en insu) ont bénéficié d’un délivrance trimestrielle d’anneaux de dapivirine; 89% des anneaux retournés ont des taux résiduels de dapivirine < au seuil prouvant leur utilisation, ce qui montre une observanceObservance L’observance thérapeutique correspond au strict respect des prescriptions et des recommandations formulées par le médecin prescripteur tout au long d’un traitement, essentiel dans le cas du traitement anti-vih. (On parle aussi d'adhésion ou d'adhérence.) bien meilleure que dans l’essai initial en double insu.

En l’absence de bras placébo comparatif, il est nécessaire d’adapter l’analyse statistique pour avoir un comparateur, en calculant une « incidence théorique attendue »  (cette méthode avait déjà été utilisée dans l’essai PARTNERS-PrEP); l’incidence attendue en l’absence d’anneau aurait été de 4,1 infections/100 personnes années; Dans l’analyse intermédiaire de HOPE, elle est mesurée à 1.9, soit une réduction de risque de 54%.

il est difficile d’estimer une comparaison théorique à une PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. orale. La méta-analyse réalisée en 2016 (Fonner et al. AIDS 2016) retrouvait une incidence de 2% dans les essais de PrEP orale dans des conditions proches de celles de HOPE, et on se situe donc dans les mêmes ordres de chiffre.

L’étude HOPE se poursuit, et de nouveaux résultats seront disponibles en 2019. Une des limitations de l’étude est que les femmes qui ne s’étaient pas infectées au cours de l’essai contre PCB sont peut être « intrinsèquement » moins à risque de s’infecter par le VIH, ce qui peut faussement améliorer le résultat final indépendamment de l’efficacité des anneaux eux-mêmes.

144LB HIV INCIDENCE AND ADHERENCE IN DREAM: AN OPEN-LABEL TRIAL OF DAPIVIRINE VAGINAL RING
Annalene Nel, Neliette Van Niekerk, Ben Van Baelen, Zeda Rosenberg, for the The IPM 032/DREAM Study Team

Cette présentation est très similaire à la précédente : l’essai DREAM est une extension en ouvert de l’essai d’anneau de dapivirine en double insu RING, en Afrique du Sud et en Ouganda, avec 900 femmes inclues. L’âge médian est de 29 ans, dont environ 25% dans le groupe 18-24 ans. La plupart des femmes participant à l’essai sont célibataires.

La tolérance est très bonne, le taux de grossesse est faible mais la contraception était obligatoire à l’inclusion du fait du caractère nouveau du produit utilisé.

Les taux d’utilisation sont de 96% (contre 83% dans l’essai RING initial), ce qui montre la aussi une meilleure observance que dans la phase comportant un placébo.

Un simulation d’incidence a été générée, avec une incidence théorique calculée de 3,9/personnes/années. Dans l’analyse intermédiaire de l’essai DREAM, l’incidence est de 1.9%, soit une diminution de 54%.
Les limitations de l’étude sont les mêmes que pour la précédentes: d’une part les femmes non infectées dans la phase contre placébo peuvent être potentiellement moins à risque de se contaminer, et d’autre part la comparaison se fait par rapport à un bras théorique. Les effectifs ne sont pas suffisant dans l’analyse intermédiaire pour produire des statistiques par classe d’âge (dans RING, il y avait clairement une corrélation entre jeune âge et échec).

145 WHO REMAINS UNTESTED FOLLOWING NEAR-UNIVERSAL (>95%) POPULATION HIV TESTING?
Dalsone Kwarisiima, Jane Kabami, Norton Sang, Kevin Kadede, Atukunda Mucunguzi, Katherine Snyman, Tamara D. Clark, Elizabeth A. Bukusi, Teri Liegler, Edwin D. Charlebois, Laura B. Balzer, Maya L. Petersen, Moses R. Kamya, Diane V. Havlir, Gabriel Chamie

L’essai SEARCH, qui est toujours en cours, est une approche mixte de dépistage communautaire et de mise sous traitement.  L’objectif de cette sous-étude est de caractériser ceux qui ne sont pas testés, malgré les interventions itératives de dépistage à domicile destinées à obtenir une couverture de dépistage > 99% dans la population ciblée.

Près de 90 000 adultes ont été recensés au sein de 14 communautés sélectionnées, dont 87% étaient des résidents stables (définis comme ayant vécu dans la communautés plus de 6 mois au cours de la dernière année): après deux années de passages itératifs (tous les 6 mois) pour le dépistage à domicile, 2% des personnes recensées au début de l’étude n’avait encore jamais été testées pour le VIH.
Les facteurs de risque de n’avoir jamais été testé ne sont pas les mêmes pour les hommes et les femmes et sont les suivants ;avant tout être un homme (2/3 des non-testés sont des hommes); pour les hommes, être d’âge moyen (25-44 ans) et mobile; pour les femmes, être célibataire, plus âgée, ne pas avoir de personnes VIH+ au sein du foyer. Pour les hommes et les femmes : habiter au Kenya (plutôt qu’en Ouganda), avoir un meilleur niveau d’éducation scolaire. La raison la plus fréquente de ne pas avoir été testé reste la migration en dehors de la communauté.

Globalement le niveau de dépistage est très élevée à 2 ans, proche de 98% (y compris pour les résidents « non stables)1NDR : le lien vers le soin, qui est le principal challenge émergent dans ses stratégies de dépistage à domicile, n’a pas été présenté ici..

146 EXPANDED HIV TESTING ELIGIBILITY INCREASES DETECTION OF HIV INFECTIONS, WESTERN KENYA
Rachael Joseph, Paul K. Musingila, Fredrick Miruka, Lucy Ng’ang’a, Hellen Muttai, Kevin M. De Cock, Felix M. Mulama, Caroline O. Dande, Polycarp Musee, Stella Wanjohi

Cette étude a comparé une stratégie de dépistage basée sur les recommandations du ministère kenyan de la santé et une stratégie de dépistage renforcée (consistant à redépister des personnes déjà dépistées dans les 12 mois précédant), ce qui n’est pas dans la stratégie ministérielle. Un peu moins de 100 000 personnes ont été inclues dans l’étude; 20% avaient les critères du ministère de la santé, avec une prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. dans cette population de 2,4%; un peu plus de 70 000 personnes ont été testée alors qu’elles n’avaient pas les critères ministériels (essentiellement car elle avaient déjà été testées depuis moins de 12 mois). Pour 1 000 personnes testées, 158 ont les critères ministériels avec 3,6 dépistages positifs (soit 2,2% au sein de ce sous groupe), 650 sont hors des critères ministériels avec 6,3 dépistages positifs (soit 0,55% au sein de ce second sous-groupe considéré comme, moins à risque).

En pratique, on voit que dans cette population à prévalence élevée, le fait de tester de façon beaucoup plus rapprochée permet de dépister un nombre important de personnes positives qui aurait sinon échapper au dépistage avant la prochaine « indication » selon les recommandations du ministère, mais que la « rentabilité » du test est limitée.

A noter que l’étude cout-efficacité n’a pas été encore réalisée. Une étude des facteurs de risque d’être positif dans le groupe non ciblé par le ministère est en cours, afin d’essayer de cibler un peu mieux le dépistage ultérieur.

147 OPTIMAL HIV TESTING STRATEGIES TO INCREASE HIV DIAGNOSIS IN SOUTH AFRICA
Leigh F. Johnson, Gesine Meyer-Rath, Craig Van Rensburg, Caroline Govathson

Actuellement, environ 12 millions de test de dépistages sont réalisés chaque année en Afrique du Sud. En résumé, dans les projections actuelles des modélisations de cette étude, le plus « rentables » est de dépister: les partenaires des personnes nouvellement dépistées, les patients présentant des infections opportunistes (NDR : on s’en doutait un peu…) et les travailleuses du sexe sous PrEP. Tester les partenaires dans le cadre de la notification, ainsi que tester les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  serait très coût-efficace. Tester les travailleuses du sexe (hors du contexte spécifique de la PrEP) serait probablement coût-efficace, de même que proposer des autotests pour les partenaires de femmes enceintes mais le modèle utilisé ne permet pas de conclure de façon définitive sur ces deux dernières situations. Distribuer des autotests dans les zones difficile à atteindre où il y a un retard de dépistage serait probablement également efficace.

149 HIV SELF-TEST DISTRIBUTION INCREASES TEST FREQUENCY IN SOUTH AFRICAN MSM
Sheri A. Lippman, Tim Lane, Oscar Rabede, Hailey Gilmore, Yea-Hung Chen, Nkuli Mlotshwa, Kabelo Maleke, Alexander Marr, James A. McIntyre

L’étude a consisté a tester pour le VIH et proposer plusieurs autotest à emporter dans la foulée (oral ou sanguin) à des HSH sud-africains séronégatifs. Ils pouvaient utiliser les test pour eux même ou pour toute personne (famille, partenaires sexuels, amis) avec qui ils se sentaient en confiance. Les visites étaient trimestrielles, pour le feedback et le réapprovisionnement en auto-tests.

127 hommes ont été inclus; 55% choisissent le test sanguin, 20% le test salivaire et les autres prennent les deux. Au cours de la période d’étude, plus de 700 tests ont été proposés par les participants à leur entourage; 83% privilégient l’auto test pour leur prochain test (contre le dépistage assisté par un soignant), 64% préfèrent le test sanguin : probablement lié à un manque de confiance dans le test oral et le fait que l’auto test sanguin proposé est le même que celui qui est habituellement utilisé pour le dépistage par les soignants et que la plupart des MSM ont déjà fait dans des structures de dépistage avant d’intégrer l’étude.

Le taux de perdu de vue est un peu >10%. Le taux de liaison au soins des découvertes de positivité est de 70%, soit ce que l’on retrouve en moyenne en Afrique du Sud actuellement.
Les résultats de cette étude viennent juste d’être publiés (Lippman et al. J AIDS 2018).

Et voilà, terminé pour 2018 ! Obligé de quitter Boston un petit plus tôt que prévu pour des raisons climatiques, les deux dernières heures de symposium de la dernière journée sont passées à la trappe, mais n’hésitez pas à vous rattraper sur les webcastsEn espérant que la lecture des chroniques vous a plu… Rendez-vous début mars 2019 à Seattle pour la 26ème CROI, et en attendant pour quelques chroniques du congrès mondial à Amsterdam fin juillet 2018… et peut être une chronique surprise de fin d’année.