Au cours des deux dernières décennies, grâce aux traitements antirétroviraux, la qualité et l’espérance de vie des personnes vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. ont été considérablement améliorées. Ce succès thérapeutique combiné aux bénéfices des antirétroviraux en matière de prévention du VIH a suscité de nouveaux espoirs de mettre fin à l’épidémie du VIH. Transformer cet espoir en réalité va nécessiter une accélération de la riposte et donc des actions ciblées envers les populations et les régions les plus affectées par le VIH. Cela ne sera possible que si l’on a une connaissance hautement précise et localisée de l’épidémie du VIH. Or jusqu’ici, notre connaissance de l’épidémie était le plus souvent limitée au niveau national. Dans une étude présentée en communication orale à la 21ème Conférence Internationale sur le SIDASida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. (AIDS 2016) qui se tient à Durban en Afrique du Sud, une équipe de recherche de l’INSERM, en collaboration avec l’InVS, montrent comment utiliser la modélisation statistique et les données de surveillance du VIH pour cartographier l’épidémie du VIH et ainsi orienter les actions de prévention et de dépistage.
Cette étude a permis d’estimer le nombre de nouvelles infections par le VIH, les délais entre infection et diagnostic du VIH et le nombre de personnes ignorant leur séropositivité pour le VIH, au niveau national et régional en France.
Un nombre de nouvelles infections qui ne diminue pas
Les estimations produites dans cette étude montrent que le nombre de nouvelles infections ne diminue pas en France et atteint 7100 nouvelles contaminations en 2013. Sur les 7100 nouvelles infections à VIH survenues en 2013, plus de 50% seraient survenues chez des personnes résidant dans trois régions (Figure 1 A): Ile-de-France (IDF) (42%), Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) (7%) et Rhône-Alpes (6%). Rapporté au nombre de personnes vivant dans chaque région, le nombre de nouvelles infections à VIH était le plus élevé en Guyane1Ces données comprennent également Saint-Martin et Saint-Barthélémy (18 pour 10000), Guadeloupe (7 pour 10000), IDF (4 pour 10000) et Martinique (3 pour 10000) (Figure 1 B). Le nombre de nouvelles infections serait en augmentation dans la région PACA alors qu’il restait stable en IDF.
Un délai entre infections et diagnostic important
Les délais entre infection et diagnostic (Figure 2) restent longs au niveau national, 3,3 ans en médiane, et dans certaines régions comme la Réunion (délai médian de 4,2 ans) et la Guyane (délai médian de 4 ans).
Une « épidémie cachée » qui se maintient
Le retard au diagnostic se traduit par l’existence et le maintien d’une « épidémie cachée », c’est-à-dire d’un nombre de personnes qui ignorent leur séropositivité. La répartition géographique des personnes ignorant leur séropositivité est similaire à la répartition géographique des nouvelles infections. Sur les 24800 personnes ignorant leur séropositivité pour le VIH à la fin de l’année 2013, plus de 50% vivaient dans trois régions (Figure 3 A): IDF (42%), PACA (6%) et Rhône-Alpes (6%). Rapporté au nombre de personnes vivant dans chaque région, le nombre de personnes ignorant leur séropositivité était le plus élevé en Guyane (66 pour 10000 habitants), en Guadeloupe (27 pour 10000), en Martinique (13 pour 10000) et en IDF (9 pour 10000) (Figure 3 B).
Deux populations principalement touchées
Cette étude permet également de préciser quelles sont les populations les plus affectées par le VIH dans chaque région française. En IDF, l’épidémie du VIH est concentrée chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et les personnes hétérosexuelles, femmes et hommes, nées en Afrique sub-saharienne. En PACA, ces sont les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. qui sont le plus touchés par le VIH, et l’augmentation du nombre de nouvelles infections dans cette région est essentiellement due à une augmentation du nombre de nouvelles infections chez les HSH résidant dans cette région. En Rhône-Alpes, ce sont les HSH et les femmes hétérosexuelles nées en Afrique subsaharienne qui sont le plus affectés par le VIH. En Guyane et en Guadeloupe, l’épidémie est principalement concentrée chez les femmes et hommes hétérosexuels nés en Amérique Latine ou en Haïti.
Cette étude met donc en évidence une répartition géographique de l’épidémie très hétérogène, mais également une épidémie concentrée dans certaines régions, avec plus de 50% des nouvelles infections du VIH et des personnes ignorant leur séropositivité regroupées dans trois régions de la métropole (IDF, PACA et Rhône-Alpes) et des taux très élevés dans les départements français d’Amérique (Guyane, Guadeloupe et Martinique). Cette forte concentration de l’épidémie dans un nombre réduit de régions donne l’opportunité d’intensifier les programmes de prévention et de dépistage dans ces régions pour avoir un impact significatif sur la transmission du VIH en France.
C’est la première fois, en France, mais également au niveau international, que sont produites des estimations au niveau local pour les trois principaux indicateurs épidémiologiques permettant de suivre la progression de l’épidémie et l’accès au diagnostic du VIH. Ces estimations vont permettre d’adapter les réponses aux besoins spécifiques de chaque région, et dans chaque région auprès des populations les plus touchées par le VIH, et par la suite d’évaluer l’impact de ces réponses sur l’épidémie du VIH.
Cette étude est financée par l’ANRS et HIVERA, dans le cadre des projets INDIC et HERMETIC
Abstract
Marty L, Cazein F, Pillonel J, Costagliola D, Supervie V & the HERMETIC study group. Mapping the HIV epidemic to improve prevention and care: the case of France. 21th International AIDS Conference, Durban, South Africa, July 18-22, 2016. Abstract TUAC0203.