Cet article fait partie du numéro 146 de la revue Transcriptases, qui doit être publié prochainement.
Rilpivirine
(inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse)
Dans la classe des inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse, la rilpivirine (RPV), proche au niveau structural de l’étravirine (ETR) a été développée par Janssen depuis quelques années avec des résultats récents en phase III (ECHO et THRIVE) chez les patients naïfs. Outre le fait qu’il existe un pourcentage plus élevé d’échecs virologiques dans le bras RPV par rapport au bras éfavirenz (EFV) (10 % versus 6 %), la mutation E138K sélectionnée sous RPV est fréquemment retrouvée avec la mutation M184I1Eron J et al., « Characterization of the resistance profile of TMC278 : 48-week analysis of the Phase III studies ECHO and THRIVE », ICAAC 2010, Abstract H-1810). Cette association a posé la question d’une interaction entre les mutations à la RPV et les mutations au 3TC/FTC (lamivudine / emtricitabine). Des expériences de compétition in vitro ont montré que le mutant E138K/M184I possède un avantage réplicatif en présence d’ETR par rapport au mutant E138K/M184V. De plus, le mutant E138K/M184I développe une résistance phénotypique plus élevée à l’étravirine, l’éfavirenz et à la lamivudine que le mutant E138K/M184V. Ces données peuvent expliquer le profil génotypique particulier observé lors des échecs sous RPV2Hu Z et al., « Fitness interactions of RPV and 3TC/FTC resistance mutations : a possible explanation for the association of E138K and M184I in clinical trials », CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. 2011, Abstract # 594
. La rilpivirine a été approuvée en mai 2011 aux Etats-Unis par la Food and Drug Administration, elle est en cours d’évaluation en Europe.
Dolutégravir
(inhibiteur de l’intégrase)
Dans la classe des inhibiteurs d’intégrase, le dolutégravirDolutégravir Le dolutégravir, nom de marque de Tivicay® et présent dans Juluca® et Triumeq®, appartient à la une classe de médicaments antirétroviraux appelés inhibiteurs de l'intégrase. Il est utilisé en combinaison avec d'autres médicaments anti-VIH. (DTG, GSK-1349572) est un nouvel inhibiteur développé récemment par ViiV Healthcare. Les résultats préliminaires de l’étude VIKING (cohorte 1 avec du dolutégravir à 50 mg en une fois/jour) obtenus chez 27 patients prétraités en échec avec une résistance génotypique à au moins deux classes d’antirétroviraux et au raltégravir (RAL) ont montré qu’à J11, 78 % (21/27) des patients présentent une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. inférieure à 400 copies/ml ou une diminution d’au moins 0,7 log de charge virale. En fonction des différents profils de résistance au raltégravir (Q148H/K/R seul ou associé à une autre mutation, profil N155H et/ou Y143H), l’efficacité antivirale est nettement réduite chez les patients porteurs d’un virus avec le profil Q148 (33 %), comparé aux virus dépourvus de cette mutation (100 %). Il existe une corrélation élevée entre l’évolution de l’index de résistance du dolutégravir et la réponse à J11 (r=0,79 ; p < 0,001)3 Eron J et al., « Activity of a next generation integrase inhibitor (IBI), S/GSK1349572, in subjects with HIV exhibiting raltegravir resistance : initial results of VIKING study (ING112961) », IAC 2010, Abstract # MOAB010.
A la CROI, ce sont les résultats de l’étude de cohorte II qui ont été présentés. Au total, 24 patients prétraités en échec (CV ≥ 1 000 copies/ml) avec une résistance génotypique au RAL (index de résistance > 128) et à au moins deux classes d’antirétroviraux ont reçu du dolutégravir à raison de 50 mg deux fois par jour tout en continuant leur traitement antirétroviral jusqu’à J11, date à laquelle le traitement antirétroviral était optimisé (à la différence de l’étude de cohorte I, il était nécessaire pour l’optimisation d’avoir au moins un antirétroviral pleinement actif). Les résultats montrent qu’à J11, 96 % des patients (23/24) présentent une charge virale inférieure à 400 copies/ml (n=13) ou une diminution d’au moins 0,7 log copies/ml (n=23) de leur charge virale (pour rappel : 78 % dans la cohorte I). La dose de 50 mg deux fois par jour apparaît comme plus efficace chez les patients prétraités avec une résistance au raltégravir.
Ces résultats préliminaires doivent être interprétés avec prudence en raison du nombre de patients étudiés et surtout de la courte durée de suivi sous traitement (11 jours). Les résultats à S24 de cette étude de phase IIb permettront de mieux conclure sur l’efficacité du dolutégravir chez les patients infectés par un virus résistant au raltégravir4Eron J et al., « DTG in subjects with HIV exhibiting RAL resistance : functional monotherapy results of VIKING study cohort II », CROI 2011, Abstract # 151LB.
BMS-663068
(inhibiteur d’attachement)
Parmi les approches thérapeutiques innovantes figure le développement par BMS du premier inhibiteur d’attachement. Ce nouveau composé est optimisé en termes de puissance (affinité de liaison pour la gp120) et de formulation pour permettre la prise orale par rapport à la première génération (BMS-448043). Le composé BMS-663068 est une prodrogue administrée par voie orale. Son métabolite actif, le composé BMS-626529, se lie à la gp120 virale et inhibe l’attachement du virus au récepteur principal CD4.
L’analyse phénotypique déterminée par le test phénotypique de Monogram (Phenosense Entry) montre une sensibilité très variable en fonction des sous-types viraux. Les VIH-1 recombinants CRF01_AE et les VIH-2 présentent une résistance naturelle à ce composé. D’autre part, plusieurs mutations proches du site de fixation du CD4 sont sélectionnées in vitro sous des concentrations croissantes de cet inhibiteur. Des mutations uniques (L116P, A204D, M426L, M475I) ou combinée (M434I/V506M) sont responsables d’une résistance phénotypique, parfois très élevée (> 340). Leur fréquence variable sous forme de polymorphisme (entre 0,06 et 8,45 % selon la mutation) chez le virus de sous-type B impose avant la mise au traitement, un séquençage initial de la gp120 pour s’assurer de la sensibilité virale5Nowicka-Sans B et al., « Antiviral activity of a new small molecule HIV-1 attachment inhibitor, BMS-626529, the parent of BMS-663068 », CROI 2011, Abstract # 518.
Les patients inclus dans l’essai de monothérapie de BMS-663068 à différentes doses (600 ou 1 200 mg associé ou non à 100 mg de ritonavir) pendant 8 jours sont naïfs ou en arrêt de traitement depuis plus de 8 semaines, infectés par des virus de sous-type B uniquement, avec un taux de CD4 > 200/mm3 et une charge virale > 5 000 copies/ml. Dix patients ont été inclus dans chaque bras (au total 50 patients). Neuf patients ont été exclus de l’analyse finale en raison d’une IC50 (le minimum à atteindre en termes de concentrations pour qu’une molécule soit efficace dans un compartiment de l’organisme) > 0,1 μM au BMS-663068 (n=7) ou de donnée manquante de l’IC50 à l’inclusion (n=2).
Les médianes de charge virale et de CD4 à l’inclusion sont de 4,70 log copies/ml et 430 CD4/mm3. A 8 jours de monothérapie, une diminution médiane de la charge virale comprise entre 1,6 log copies/ml et 1,8 log copies/ml est observée selon le bras. La diminution de la charge virale à J8 est corrélée au niveau de l’IC50 à l’initiation6Nettles R et al., « Pharmacodynamics, safety and pharmacokinetics of BMS-663068 : a potentially first in class oral HIV attachment inhibitor », CROI 2011, Abstract # 49. Ces données encourageantes vont permettre de débuter des essais de phase III.