Le débat contradictoire commence à démarrer en France (Nguyen, Bajos, Dubois-Arber, O’Malley, & Pirkle, 2010) alors qu’il est déjà bien lancé au plan international et dans des pays comme l’Australie, comme l’a exposé le Pr John de Wit dans la conférence qu’il a donnée à l’Unité InsermInserm Institut national de la recherche médicale. 1018 à l’Hôpital de Bicêtre, le 28 Septembre et dans un récent éditorial du Journal of Aids (Cohen, 2010).
«Hors de contrôle»
Un double tabou est finalement tombé: on reconnaît que la situation française est «hors de contrôle» en ce qui concerne les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. et on reconnaît que cette situation ne concerne que principalement des groupes à risques (Le Vu, et al., 2010). On a cessé d’englober les migrants d’Afrique Sub-saharienne dans le groupe de «transmission par voie hétérosexuelle» tel que le faisait le Centre de Surveillance du sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. il n’y a pas encore si longtemps. Les deux groupes les plus vulnérables présentent des caractéristiques différentes: d’un côté des hommes plutôt plus instruits que la moyenne de la population et plutôt bien informés du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et de l’autre, des hommes et des femmes plus souvent en situation de précarité. Dans ces deux groupes, de fortes proportions d’individus qui découvrent l’infection à VIH à partir du moment où les symptômes du sida apparaissent (Institut-National-de-Veille-Sanitaire, 2009). C’est à dire que le recours au dépistage systématique reste encore insuffisant parmi les groupes à risque.
C’est dans ce contexte qu’on discute des «nouveaux paradigmes» qui, sont fondés sur l’idée de la prévention combinée associant différentes approches préventives (les préservatifs qui «restent le socle de la prévention») ainsi que l’usage des tests de dépistage, des traitements qui ont un effet sur la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. et le potentiel de contamination des personnes séropositives. Ils incluent en outre toute une batterie de traitements pré et post-exposition, et des techniques chirurgicales comme la circoncision masculine, réservée pour l’instant à certaines zones de l’Afrique Australe.
Le temps de la prévention comportementale serait révolu
Il fut un temps où la grande majorité des articles de prévention publiés dans des revues médicales ou de santé commençaient par la litanie: «En l’absence de vaccin et de traitements, la prévention fondée sur la modification des comportements reste la seule façon de lutter contre le VIH.» Et en cette absence, il fallait en passer par le développement de stratégies «comportementales» et la prise en compte des dimensions sociales et culturelles des comportements à risque. Ceci était probablement vécu comme une obligation inévitable, mais de toute façon provisoire, qu’on finirait bien par abandonner le jour où l’on aurait découvert le magic bullet tant attendu qui résoudrait tous les problèmes grâce à des molécules produites par l’industrie pharmaceutique.
Il a fallu ainsi s’interroger sur les différentes sexualités plus ou moins incontrôlables et tenter de réussir le tour de force consistant à respecter les cultures sexuelles minoritaires et les objectifs de la santé publique (Parker R., Herdt G., & Carballo, 1991). C’est grâce à cette «absence de vaccin et de traitement», que les chercheurs en sciences sociales ont investi le champ de la santé publique et ont continué à travailler sur la sexualité, domaine de recherche moribond avant l’arrivée de l’épidémie. Les grandes enquêtes pluridisciplinaires sur les comportements sexuels, qui avaient pour objectif d’orienter les politiques de prévention, n’auraient jamais vu le jour sans cette «absence» (Bajos, Bozon, & Belzer, 2008; Spira, Bajos, & Groupe-ACSF, 1993), de même que toute la série des enquêtes qualitatives réalisées à cette époque et après (Giami & Schiltz, 2004).
Lorsque pour la première fois, en 1991, j’avais décidé de me rendre à la Conférence Internationale sur le sida qui se tenait à Florence, un ami médecin s’était étonné de ma participation et s’était demandé ce que j’allais faire dans une conférence médicale. Cette conférence internationale, qui regroupait toutes les disciplines scientifiques a été considérée en séance plénière comme un «jamboree politique» par Anthony Fauci. Les premières CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. (Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections) se sont tenues à partir de 1994, à l’écart ou à l’abri des associations et des tracks de prévention dans lesquelles étaient cantonnées les sciences de l’homme et de la société. Le repli, la stratégie de prise de distance et la volonté hégémonique des sciences bio-médicales ne datent pas de l’émergence des «nouveaux paradigmes de la prévention». La CROI de l’année 2010 a poursuivi dans la voie d’une prise de distance avec les modèles comportementaux et le développement des approches dites combinées fondées sur les approches bio-médicales.
Efficacité théorique versus efficacité pratique : une controverse
Il est certain que l’usage régulier et systématique du préservatif masculin qui aurait permis d’enrayer l’épidémie ou de diminuer de façon significative sa progression n’a pas été au rendez-vous et qu’une grande partie des difficultés que l’on rencontre actuellement sont liées à un usage insuffisant et non-systématique des préservatifs, surtout parmi les populations les plus exposées au virus. L’absence ou l’insuffisance d’utilisation du préservatif ne met pas en cause l’efficacité théorique du préservatif. Lorsqu’il est bien utilisé et de façon appropriée, son efficacité théorique est supérieure à 80%, c’est-à-dire comparable à celle des nouvelles stratégies de réduction des risques. Il faut poursuivre et développer la recherche dans ce domaine de façon prioritaire.
Le rapport Lert-Pialoux présente un tableau de comparaison de l’efficacité de réduction des risques de trois méthodes : le préservatif masculin, la circoncision et les anti-rétroviraux (ART) sur lesquelles est fondée l’approche combinée.
Outil |
Réduction du risque |
Références |
Circoncision |
– 60 % |
Auvert 2005, Bailey 2007 Gray 2007, (Afrique) |
Préservatif |
– 80 % [35,4%-94,2%] |
Cochrane 2001 Weller & Davis-Beaty |
Charge virale(Haart) |
– 92 % |
Attia et al. Aids 2009 |
Quelques exemples de RDRs (d’après (Lert & Pialoux, 2009, page 17)
Tout d’abord en ce qui concerne la circoncision masculine, il faut rappeler que cette efficacité ne concerne dans l’immédiat que les hommes hétérosexuels, dans le cadre d’essais encadrés incluant un suivi et du counselling et sur une période de 24 mois. A la date de la publication du rapport, les auteurs ne pouvaient pas avoir connaissance de la méta-analyse Cochrane de Siegfried, Muller, Deeks et Volmink publiée en Août 2010, qui apporte des précisions sur l’efficacité de la circoncision masculine en concluant qu’«il y a de fortes preuves que la circoncision masculine médicale réduit l’acquisition du VIH chez les hommes hétérosexuels de 38% à 66% sur 24 mois». Cette méta-analyse postérieure à la publication du rapport permet de nuancer l’enthousiasme associé à la circoncision masculine.
En ce qui concerne l’usage des anti-rétroviraux, la méta-analyse de Attia et al, apporte une conclusion qui limite la portée du 92% présenté dans le tableau: «Notre étude confirme les positions de l’OMS selon lesquelles, actuellement, il n’y a pas de preuves suffisantes pour formuler des recommandations sur le rôle des ARV dans la prévention du VIH, au niveau individuel au niveau de la population» (Attia, Egger, Muller, Zwahlen, & Low, 2009). Par ailleurs, il faut préciser que cette méta-analyse n’a porté que sur des couples stables hétérosexuels discordants dont le partenaire séropositif était traité avec des ART et pas sur les HSH dont la vie sexuelle est plus diversifiée. Publiée plus récemment, l’étude de Fengyi et de ses collègues a aussi mis en évidence que la probabilité d’infection lors de rapports anaux non-protégée n’avait pas diminuée grâce aux ART (Jin, et al., 2010). Le débat reste donc ouvert.
Enfin en ce qui concerne les préservatifs, les données de la méta-analyse qui est citée dans le tableau ne concernent aussi que les couples hétérosexuels séro-discordants, des couples stables ayant une vie sexuelle relativement monogame. Mais cette méta-analyse est fondée sur une quarantaine d’études portant sur plusieurs années.
Globalement, les données sur lesquelles est fondé le «nouveau paradigme» de la prévention ne portent pas sur la principale population dans laquelle l’épidémie de VIH reste concentrée en France (Le Vu, et al., 2010) et l’usage du préservatif conserve une efficacité très élevée à un coût limité. Le rapport Lert-Pialoux développe ici une confusion entre des données d’efficacité pratique du préservatif établies en population générale et des données d’efficacité théorique établies à partir d’essais ou de populations de patients tous hétérosexuels, chez lesquelles l’efficacité théorique est toujours plus élevée que l’efficacité pratique. C’est là que le débat est biaisé et posé de façon inégale. Les tenants de la «nouvelle prophylaxie médicale» ne se situent pas au niveau de l’efficacité pratique (effectiveness) et prennent pas assez en compte les limites liées à l’accès, aux coûts et à l’acceptabilité individuelle et sociale de ces nouveaux outils. Quand l’accès aux tests et la compliance aux traitements pose toujours problème en France (Institut-National-de-Veille-Sanitaire, 2009) et dans d’autres pays, on fait comme si les outils bio-médicaux s’imposaient de soi sans aucune nécessité d’accompagnement psycho-social ou de suivi et que leur efficacité limitée serait fondée sur une meilleure efficacité pratique. Un très récent éditorial du JAIDS tire la sonnette d’alarme, à partir d’une étude chinoise, qui met en évidence qu’en dépit du suivi et du counsellling, les ART n’ont pas assuré la protection escomptée chez des couples séroprévalents (Cohen, 2010; Wang, et al., 2010). La «vraie vie» a l’air plus compliquée que les situations de laboratoire.
Médicaments, vaccins, contraceptifs et approches comportementales
Or l’histoire —et pas seulement l’histoire du sida— nous apporte un certain nombre d’enseignements concernant la nécessité d’articuler les approches bio-médicales (et médicamenteuses) et les approches dites comportementales.
L’avènement de la pilule contraceptive hormonale dont on a longtemps imaginé qu’elle allait enfin permettre le «contrôle de la fécondité» et endiguer les grossesses non-programmées ou non-désirées, n’a pas évité qu’en France, plus de 200000 avortements sont pratiqués chaque année, dont près de 20% chez des utilisatrices de la pilule. L’efficacité pratique de la pilule est doublement limitée du fait que toutes les femmes en âge de procréer ne la prennent pas et que près d’une sur cinq qui l’utilise voit quand même survenir une grossesse non-programmée. Les travaux de Nathalie Bajos et de son équipe ont clairement établi que cette situation était explicable à l’aide de facteurs et de déterminants sociaux et relationnels (Bajos, Ferrand, & équipe-GINE, 2002). Le Magic Bullet contraceptif a en fait permis la mise en place de tout un système de prévention combinée associant plusieurs méthodes et a certainement contribué à diminuer la fréquence des grossesses non-désirées mais pas de façon suffisamment significative, surtout chez les utilisatrices de la pilule parmi lesquelles on aurait pu s’attendre à de meilleurs résultats.
Le test de dépistage est aussi une pratique comportementale et les refus de bénéficier d’un tel test sont fondés sur des motivations psychologiques et sociales plus ou moins inconscientes. Les données les plus récentes (Centers-for-Disease-Control-and-Prevention, 2010; Institut-National-de-Veille-Sanitaire, 2009) mettent en évidence les limites de la pratique des tests de dépistage (Adam, et al., 2009) de même qu’en France où l’on sait que le dépistage doit encore gagner beaucoup de terrain et vaincre des résistances fortes. Qui a envie de savoir qu’il est porteur du virus VIH, alors que de nombreux travaux en France et dans d’autres pays continuent de mettre en évidence que le sida reste synonyme de mort? On observe les mêmes réticences à l’égard du dépistage des différents cancers, et principalement des cancers génitaux, ainsi que du diabète. Qui a envie de savoir qu’il est atteint d’une maladie grave et chronique alors que les symptômes ne sont pas visibles et que cela va l’obliger à prendre des traitements contraignants, à modifier son mode de vie, son alimentation, sa vie sexuelle, son sommeil, jusqu’à la fin de ses jours ? Quelles sont les ressources qui sont mises en œuvre pour assurer un minimum de dépistage de ces maladies favorisant un traitement précoce? Le déni de la maladie et du risque reste le mode de prévention le plus répandu. Dans ce contexte, peut-on penser qu’il sera plus facile de développer le dépistage de la population que de renforcer l’usage du préservatif?
Dans le domaine des troubles de l’érection, on a cru que la mise sur le marché du sildénafil, «la pilule du bonheur», allait résoudre de façon magique les troubles de l’érection, c’est à dire de permettre d’avoir des érections sur simple commande. En dépit de toutes les campagnes de l’industrie pharmaceutique, ces médicaments n’ont pas réussi la «médicamentalisation de la sexualité» et les patients ont continué à affluer chez les sexologues pour traiter leurs troubles sexuels en optant pour des méthodes psychologiques (Giami & de Colomby, 2002). Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, la mise sur le marché de ces médicaments a stimulé le recours aux psycho-sexothérapies, c’est à dire, dans des traitements combinés.
Les essais vaccinaux contre le VIH méritent un commentaire plus détaillé. Lorsque l’ANRS a décidé de s’engager dans des essais vaccinaux de phase 1, le recrutement et la sélection des volontaires sains pour participer aux essais de tolérance du Canary Pox (le candidat vaccin) s’est avéré beaucoup plus complexe que cela n’avait été prévu par les responsables scientifiques de l’époque. Les institutions pressenties pour aider au recrutement des volontaires ont opposé des réticences à engager leurs adhérents dans cette affaire. Face à cette difficulté inattendue, un groupe de travail pluridisciplinaire a été constitué pour mettre en place un protocole de recrutement, de sélection et de suivi de ce qui allait devenir le réseau des volontaires de l’ANRS.
Ce groupe de travail a été composé d’un philosophe, un psycho-sociologue un épidémiologiste, des cliniciens (somaticiens et psychiatres) et un économiste. Il a fallu résoudre deux problèmes: d’une part, il était difficile de recruter un nombre suffisant de volontaires qui présentaient les critères d’inclusion, et d’autre part, plus de 90% des candidats qui se sont portés volontaires n’avaient pas le profil nécessaire pour une participation dans un essai de tolérance. Il a donc fallu cibler le recrutement et mettre au point un protocole de sélection. Sans l’apport des sciences de l’homme et de la société et des psys, les essais vaccinaux n’auraient jamais pu avoir lieu en France (Giami & Lavigne, 1997; Giami, Lavigne, & VAX, 1996). Le modèle français, élaboré à cette époque a été repris tel quel dans de nombreux pays et notamment au Brésil lors des essais développés à Sao Paulo. Cette expérience avait bien mis en évidence combien un essai s’inscrivant de plain pied dans le bio-médical ne pouvait fonctionner que grâce à la participation des SHS à pied d’égalité.
Quelles perspectives?
On se trouve ainsi dans la situation paradoxale dans laquelle une méthode de réduction des risques dotée d’une efficacité théorique élevée (le préservatif), mais qui nécessite un travail d’accompagnement psycho-social et éducatif très important et soutenu dans la durée, et probablement à renforcer, est implicitement reléguée au second plan par le choix de développer des stratégies dites bio-médicales dont on oublie parfois qu’elles sont – aussi -des approches comportementales. La structure éditoriale du Rapport Lert-Pialoux témoigne des priorités axées sur les approches médicalisées et du nécessaire développement de la recherche sur celles-ci alors que les approches préventives psycho-sociales n’ont pas mobilisé le même type de réflexion. Les choix politiques se portent actuellement sur des outils dont on connaît mal l’efficacité pratique et le taux d’acceptabilité à long terme. Le développement de ces méthodes peut aussi être perçu comme une incitation à se débarrasser des préservatifs ce qui en limitera leur efficacité pratique combinée.
On se souvient des campagnes de stérilisation masculine forcée en Inde dont le principal outil d’incitation consistait en l’attribution d’un poste de radio à transistors pour les hommes qui acceptaient l’opération. On se souvient aussi des résistances contre les campagnes de vaccination contre la variole au Brésil, au début du siècle, campagnes perçues par les populations comme une tentative d’assainir par la force les quartiers populaires de la ville de Rio de Janeiro (Löwy, 2009).
Les nouveaux outils de prévention constituent ainsi un déplacement de la surveillance préventive. Dans la première phase où l’on se trouvait en « l’absence de vaccins et de traitements » l’essentiel de la prévention a porté sur la surveillance et les modifications des comportements sexuels des groupes les plus à risque, et même de la population générale moins exposée au risque d’infection. Il s’est ainsi agi d’une première phase fondée sur les approches comportementales et la transformation des significations et des conduites sexuelles en conduites sanitaires. La deuxième phase que nous sommes en train de vivre actuellement consiste dans le développement d’une surveillance de la présence du virus et de la charge virale qui atteint les individus. Cette nouvelle médicamentalisation, fondée sur le recours à des outils pharmacologiques et bio-médicaux, déplace ainsi le contrôle sur les individus et désexualise la prévention. Mais elle n’en annule pas moins la dimension de modification du comportement et d’incitation à l’adoption de comportements de santé et de soumission à la surveillance médicale. Ce qui d’une certaine façon pose le même type de problèmes que l’incitation à l’utilisation de préservatifs. Il n’est pas plus « naturel » d’utiliser des préservatifs que d’aller subir un test de dépistage ou de commencer un traitement médicamenteux lourd et avec des effets secondaires désagréables. C’est aussi une des idées développées par John de Wit dans son intervention.
Il est erroné de penser que l’efficacité relative attribuée aux outils de prévention bio-médicaux (test de dépistage, traitements, pré, et post exposition, traitement par ARV, circoncision, gel microbicides, etc…) peut permettre de faire l’économie des accompagnements psycho-sociaux, éducatifs et de la communication. Bien au contraire, il faut d’ores et déjà envisager que le développement et le succès de ces outils ne pourra être assuré qu’avec l’appui des méthodes de la prévention traditionnelle comportementale, psycho-sociale, sans compter les actions à mener au plan structurel. Si on considère désormais que treatment is prevention et non plus seulement treatment as prevention, il ne faut pas oublier que les traitements et les nouveaux outils de réduction des risques sont des méthodes qui nécessitent un accompagnement et un suivi comportemental. Loin de considérer qu’il y a une opposition entre les approches comportementales, il est important d’affirmer d’emblée que les méthodes bio-médicales sont fondamentalement des méthodes comportementales qui doivent être traitées comme telles et c’est à cette seule condition qui permettra leur succès.
Dans un article récent publié sur Vih.org, on citait une phrase de Bernard Hirschel : «La prévention est à une impasse, lâche-t-il. Depuis plus de 20 ans, on a toujours les mêmes stratégies : la modification des comportements sexuels, l’utilisation des préservatifs. Mais l’expérience a prouvé que ces méthodes ne sont pas suffisamment efficaces. En théorie c’est bien, en pratique beaucoup moins.» (Persiaux, 2010). Le problème avec les approches bio-médicales, c’est qu’il s’agit aussi d’une modification comportementale et que si en théorie c’est bien, on se sait pas encore ce que ça va donner en pratique….
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