Le Pr Serge Paul Eholié1CHU de Treichville, Abidajn, Côte d’Ivoire a souligné, en tant que clinicien, que les troisièmes lignes de traitement représentaient la prise en charge de «multi-échecs». Citant les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, et s’inspirant de patients dont il assure le suivi, il a souligné la difficulté de mettre en œuvre une troisième ligne dans une situation où à la disponibilité des médicaments s’associent des besoins de formation de praticiens, mais aussi de connaissances de la réponse virologique et du profil de résistances du patient – donc la possibilité de charges virales et de génotypes-, de son adhérence et de documentation et d’évaluation des stratégies. En conclusion, au-delà de l’aspect pragmatique de l’accès aux antirétroviraux, la possibilité de troisièmes lignes de traitement dépend d’un ensemble de conditions aujourd’hui non remplies.
Le Dr Avelin Aghokeng2IRD UMR-145/UM1, Cameroun, virologue, a ensuite rappelé le «succès virologique» de l’accès aux antirétroviraux, dont nous devons nous souvenir pour anticiper la question des troisièmes lignes «qui arrivera vite», alors que nous n’avons aujourd’hui que «très peu de données». Et de démontrer que le recyclage des INRT et INNRT, et l’utilisation des IP étaient plus ou moins probables, mais que la plus sûre des solutions résidait dans l’élaboration de nouvelles molécules. Avec elles surviendront toutefois la nécessité d’évaluer coûts, disponibilité, faisabilité et, ensuite, simplification. Là aussi, les conclusions s’imposent: est-il raisonnable de continuer sans pouvoir réaliser de charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. ni de tests de résistance?
Pour le Pr Benjamin Coriat3Président AC 27, ANRS &Université Paris 13, CEPN-CNRS, compte tenu du coût des traitements et de l’extrême concentration du marché des charges virales et de l’équipement adéquat, une feuille de route devra être élaborée. Elle doit tirer les enseignements de l’histoire récente afin de récréer le cercle vertueux des 1ères lignes : casser la «boîte noire» du suivi virologique, baisser le prix des traitements et redéfinir le rôle des Global Health Initiatives, qui doivent ne plus se contenter de vendre des médicaments, mais les accompagner en fourniture de matériel de suivi et en formation. Et de souligner qu’aucune «efficacité ne sera possible sans respect du principe de base d’équité».
En ouverture du débat qui a suivi, le Pr Patrice Debré4Ambassadeur chargé de la lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. et les maladies transmissibles, France a plaidé pour un renforcement des capacités, un élargissement et un renforcement des responsabilités des structures internationales, une augmentation de la formation et une observanceObservance L’observance thérapeutique correspond au strict respect des prescriptions et des recommandations formulées par le médecin prescripteur tout au long d’un traitement, essentiel dans le cas du traitement anti-vih. (On parle aussi d'adhésion ou d'adhérence.) mesurée aux 1ère et 2nde lignes. Le Dr Bintou Dembélé Keita5Directrice, Arcad-Sida, Mali, médecin communautaire, a partagé son expérience de terrain dans un pays particulièrement engagé dans une réponse globale au VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. Malgré tout, cet accès reste pour elle «un rêve». Les besoins de troisième ligne existent, mais face au coût, des traitements comme de la charge virale ou du génotypage (possible au Mali), ils demeurent difficiles à combler. «Nous avons besoin d’aide, nous n’avons pas le choix, cela nous rattrape», a-t-elle conclu.
Le public a apporté son expérience, mettant en exergue la nécessité d’une démarche organisée et coordonnée. Pêle-mêle, la certitude d’un besoin de 3ème ligne, d’une charge virale, de premières lignes plus robustes pour retarder au plus les switchs, de personnels formés.
En conclusion, le Pr Pierre Dellamonica a insisté sur la globalisation des objectifs : tous les acteurs doivent s’engager à leur niveau. L’industrie en poursuivant son effort de baisse des prix et de formation des personnels de santé, qui eux-mêmes ont à s’engager dans l’accompagnement des patients, le tout encadré par un soutien des institutions internationales qui doivent élargir leur offre, notamment dans l’accessibilité aux charges virales et aux génotypes, accompagnées dans cette démarche par les industriels de ce secteur.
Ce symposium a donc mis en avant la nécessité d’une action globale, où chaque acteur doit s’engager à sa hauteur et participer à réinstaurer un cercle vertueux. Sans cette démarche, l’accès aux troisièmes lignes de traitement restera ce qu’il est aujourd’hui pour le Dr Bintou Dembélé Keita : une utopie.
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