Traitements — Interruptions brèves de traitement : Fallait oser

Bernard Hirschel a accepté de commenter pour Vih.org la question des interruptions brèves de traitement, suite à la publication de l’article de Jacques Leibowitch sur le sujet.

Quand apparut la trithérapie en 1996, les médecins et malades ont acquis des reflexes: «Frapper fort pour éviter des résistances»; «Virémie supprimée= traitement continu= succès durable»; «Une bonne adhérence thérapeutique c’est prendre plus de 95 pour cent des doses prescrites; si non, l’échec est programmé». Ce maximalisme thérapeutique fut encore renforcé quand l’étude SMART montra que le traitement intermittent était une fausse bonne idée.

Mais il y a divers types de traitement intermittent. Dans l’étude SMART, le traitement fut arrêté pendant plusieurs mois et la virémie remonta, jusqu’à ce que le compte des lymphocytes CD4 diminue en dessous de 250 par microL. Ce que propose Leibowitch est différent : Des interruptions brèves qui ne permettent pas au virus de redevenir détectable.

Les 48 patients de l’étude étaient donc tous traités de manière continue et avaient une virémie de moins de 50 copies par ml. Ils ont ensuite adopté un régime de 5 jours de traitement par semaine, puis à 4 jours par semaine. 39 ont continué à baisser leur traitement à 3 jours par semaine, dont 35 ont gardé une virémie indétectable. 12 sont allés encore plus loin, réduisant leur traitement à 2 jours sur 7, et 10/12 ont gardé une virémie indétectable. Les six patients en échec ont repris un traitement 7 sur 7, et la virémie fut de nouveau supprimée.

Le traitement intermittent suppressif

Jacques Leibowitch n’est pas le seul d’avoir exploré le traitement intermittent suppressif. Le travail de Dybul

1Dybul, M., Chun, T. W., Yoder, C., Hidalgo, B., Belson, M., Hertogs, K., Larder, B., Dewar, R. L., Fox, C. H., Hallahan, C. W., Justement, J. S., Migueles, S. A., Metcalf, J. A., Davey, R. T., Daucher, M., Pandya, P., Baseler, M., Ward, D. J., and Fauci, A. S. (2001) Short-cycle structured intermittent treatment of chronic HIV infection with highly active antiretroviral therapy: effects on virologic, immunologic, and toxicity parameters. Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 98, 15161-15166

fait œuvre de pionnier : 10 patients sous indinavir/ritonavir/ lamivudine/stavudine, 1 semaine sur 2, toujours avec virémie supprimée pendant 48 semaines. C. Cohen a eu du succès avec l’essai « FOTO » (five on, two off) où les patients ne prenaient pas leur traitement le weekend

2Cohen, C. J., Colson, A. E., Sheble-Hall, A. G., McLaughlin, K. A., and Morse, G. D. (2007) Pilot study of a novel short-cycle antiretroviral treatment interruption strategy: 48-week results of the five-days-on, two-days-off (FOTO) study. HIV Clin. Trials 8, 19-23 15.

. En contraste, l’essai Staccato a terminé prématurément

3 Ananworanich, J., Nuesch, R., Le Braz, M., Chetchotisakd, P., Vibhagool, A., Wicharuk, S., Ruxrungtham, K., Furrer, H., Cooper, D., Hirschel, B., and the Swiss HIV Cohort Study. (2003) Failures of 1 week on, 1 week off antiretroviral therapies in a randomized trial. AIDS 17, F33-F37

le bras « une semaine avec, une semaine sans » à cause d’une réémergence de la virémie pendant la semaine sans traitement

4Fischer, M., Hafner, R., Schneider, C., Trkola, A., Joos, B., Joller, H., Hirschel, B., Weber, R., and Gunthard, H. F., for the Swiss HIV Cohort Study (2003) HIV RNA in plasma rebounds within days during structured treatment interruptions. AIDS 17, 195- 199

.

Comment expliquer ces divergences? Le premier patient recruté dans l’étude STACCATO offre une explication possible. Depuis 9 ans, il prend son traitement de Combivir, puis de Truvada, toujours avec du Stocrin, toujours avec une virémie indétectable. En contraste, les nombreux patients en échec prenaient surtout du saquinavir boosté par du ritonavir. La très longue demi-vie de l’efavirenz et de l’atazanavir (médicaments reçus par quelques 80% des patients de l’étude de Leibowitch) expliquent peut-être pourquoi le traitement intermittent suppressif marche pour eux. En plus, les interruptions durent au maximum 5 jours comparé à 7 dans l’essai STACCATO.

Des problèmes pratiques

Est-ce que le traitement intermittent suppressif deviendra populaire ? On peut apprécier d’avoir congé le weekend … Les prises encore plus rares poseront peut-être des problèmes pratiques : Va t’on se souvenir de prendre ses pilules le lundi et le mardi seulement plutôt que tous les jours?

Reste évidemment la question des coûts, auxquels nos patients, protégés par nos systèmes de sécurité sociale, sont peu sensibles, mais qui gardent toute leur importance dans les pays pauvres.

Bibliographie

> Leibowitch J et al. Short cycles of anti-retroviral drugs provide intermittent yet effective therapy FASEB Journal published online Jan 26, 2010.