La campagne vaccinale de l’hiver 2025-2026 invisibilise la vaccination covid

Il n’aura pas échappé à certains d’entre nous combien il est difficile, pour cette année 2025, de s’y retrouver dans certaines recommandations vaccinales et les processus de diffusion des recommandations et campagnes des autorités de santé. Tant on y perçoit parfois de l’incohérence qui entraine inévitablement une certaine dose d’incompréhension.

Pourtant, notre pays est richement doté en groupes d’experts vaccinaux et en structures (HAS, CTV, HCSP, SPILF, ANSM, SPF, Commission de transparence…), même si, in fine, la loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique dans son article L3111-1 du Code de la Santé Publique précise que « la politique de vaccination est élaborée par le ministre chargé de la Santé qui fixe les conditions d’immunisation, énonce les recommandations nécessaires et rend public le calendrier des vaccinations après avis de la Haute Autorité de santé »1.

S’agissant de la vaccination contre les virus hivernaux, en premier lieu desquels la grippe, rappelons que nous sortons d’une saison 2024-2025 particulièrement active. La France, d’après le Bulletin de Santé Publique France en date du 16 avril 20252, a connu une épidémie plus précoce et d’une durée de 12 semaines engendrant près de 3 millions de consultations pour symptômes grippaux en ville, 29 000 hospitalisations après passage aux Urgences pour syndrome grippal, un fort impact en termes de mortalité et une circulation inhabituelle de 3 virus (A (H1N1), tdm09, A (H3N2) et B-victoria – ciblés il est vrai par les vaccins prévalents recommandés par l’OMS3). Même constat aux États-Unis où, indépendamment des positions adoptées par Trump et Kennedy concernant la vaccination, le rapport MMWR4 du 11 septembre 2025 indique que la saison en cours se distingue par le taux d’hospitalisations cumulées le plus élevé enregistré depuis la période 2010-2011. Durant l’hiver 2024-2025 aux Etats-Unis, le pourcentage de patients hospitalisés admis en soins intensifs était de 16,8% et ceux recevant une ventilation mécanique de 6,1% – des taux néanmoins similaires aux épisodes hivernaux précédents.

Une couverture vaccinale contre la grippe toujours insuffisante

En France, le taux de couverture vaccinale a été estimé à 53,7% chez les plus de 65 ans et à 25,3% chez les moins de 65 ans à risque de complications. Des chiffres insuffisants mais relativement stables par rapport à la saison précédente. Aux États-Unis, seul un tiers des patients hospitalisés étaient vaccinés. Le poids du fardeau grippal s’est pourtant alourdi comme en témoignent plusieurs publications récentes qui reçoivent malheureusement peu d’écho dans la presse grand public. À l’instar des encéphalopathies nécrosantes aiguës (ENA) associées à la grippe chez des enfants, une forme grave d’encéphalopathie associée à la grippe (EIA). Pendant la saison grippale 2024-2025, le CDC a rapporté 192 cas suspects d’EIA dont 37 (34 %) ont été classés dans la sous-catégorie ENA ; 41 % des enfants atteints d’ENA sont décédés. Seuls 16 % des enfants atteints d’EIA qui étaient éligibles à la vaccination avaient reçu le vaccin contre la grippe 2024-20255. Que dire aussi de la confirmation qu’au-delà de morbi-mortalité directe du virus grippal ou des surinfections, nombre d’études convergent pour y associer une surrisque cardiovasculaire comme l’a souligné en 2025, dans sa déclaration6, la société européenne de cardiologie : « la vaccination est une nouvelle forme de prévention cardiovasculaire ».  Enfin, au Danemark, une étude récente, s’appuyant sur la base nationale de données de santé portant sur 6 millions de résidents7, avait déjà établi que le CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. avait été encore plus fréquent et plus grave que la grippe au cours des saisons 2022-2023 et 2023-20248.

  • Par rapport à la grippe, le taux d’incidence des hospitalisations liées au Covid était deux fois plus élevé (taux d’incidence relatif = 2,04 [IC à 95 % 1,38-3,02]), et celui des décès trois fois plus élevé (3,19 [IC à 95 % 2,24-4,53]).
  • L’hospitalisation pour Covid présentait un risque de mortalité à 30 jours plus élevé que l’hospitalisation pour grippe (rapport de risque [RR] 1,23 [IC à 95 % : 1,08-1,37]), en raison des comorbidités ; ceux qui n’étaient pas vaccinés et les patients de sexe masculin étaient particulièrement vulnérables.
  • Pour la saison 2024-2025, les admissions liées au Covid ont diminué de 45 % par rapport à 2023-2024 (passant de 8 354 à 4 562), tandis que celles liées à la grippe ont augmenté de 39 % (passant de 4 548 à 6 326).
  •  Le taux d’incidence ajusté des admissions était plus faible pour le Covid que pour la grippe (0,51 [IC à 95 % : 0,36-0,71]), mais le taux de mortalité ajusté était similaire (0,80 [0,62-1,0]).

Pour les auteurs danois, « le changement de ratio entre un risque de mortalité plus élevé pour le Covid en 2022-2024 et une quasi-parité avec la grippe en 2024-2025 s’expliquerait par une amélioration de l’immunité cellulaire contre le Covid, une détérioration de l’immunité cellulaire contre la grippe, ou les deux »7.

« Le Covid, c’est fini ? »

La campagne de vaccination antigrippale a commencé le 9 septembre à Mayotte et le 14 octobre en métropole, aux Antilles et en Guyane. Jusque-là, rien de spécifique mais le diable se loge parfois dans les détails. Tous les assurés éligibles à la vaccination antigrippale ont reçu un « bon pour » de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Comme chaque hiver. Pour ce qui est des femmes enceintes et des patients obèses, c’est aux médecins de proposer le fameux document qui invite ces personnes à risques à se faire vacciner. Surprise cette année, le bon de la Cnam s’adresse essentiellement à la grippe sur 4 pages, avec pour seul message choc : « Cet hiver, dites stop à la grippe ». Y sont détaillés le pourquoi, l’efficacité, les effets secondaires et les mesures barrières qui « ne sont pas suffisantes ». Le Covid n’a droit qu’à trois petites lignes en bas de la lettre du Médecin-conseil national. Exit le Covid dans l’esprit des patients. Alors que très clairement, le SarS-CoV-2 variant recombinant omicron XFG pré-circule puis co-circulera avec le virus de la grippe comme les années précédentes. Et les publics concernés par la vaccination contre la grippe sont les mêmes que ceux concernés par celle contre le Covid. D’où cette question entendue régulièrement en consultation : « Le Covid, c’est fini ? ». Qui plus est, l’explication assez ubuesque qui prévaut est que la Cnam ne s’adresse qu’à la grippe puisque le vaccin Covid est pris en charge directement par l’État. De cet imbroglio administratif nait l’idée que cette année, c’est la grippe qui prévaut. Enfin, toujours sur ce bon de l’assurance maladie, il n’est pas fait mention pour les plus de 65 ans des deux nouveaux vaccins trivalents supplémentaire : EFLUELDA® (formulation hautement dosée en antigène) et FLUAD® (adjuvanté). Positionnées par l’HAS en première ligne pour les personnes de plus de 65 ans, ces formulations permettraient de contrecarrer en partie l’immunosénescence9.

En outre, une information mixte Covid/grippe à l’égard des assurés sociaux aurait été particulièrement pertinente en raison des conditions différentes d’accès pratique à l’injection vaccinale :

  • Le vaccin antigrippal, conditionné en dose unique, peut être obtenu en pharmacie avec le bon de la Cnam ou sans (moyennant un paiement), et administré par un médecin ou une infirmière, à domicile ou au cabinet, ou dans un Ehpad ;
  • Le vaccin ARNm anti-Covid, quant à lui, n’est conditionné qu’en doses multiples (5 en pratique), stocké et distribué par Santé publique France, et ne peut pas être vendu ni délivré individuellement. Il est livré aux collectivités, aux professionnels de santé qui en font la demande et aux pharmacies, mais nécessite un rendez-vous afin d’optimiser l’utilisation des ampoules multidoses qui ne peuvent être conservées une fois ouverte (au-delà de 12h).

Ces recommandations auraient aussi permis d’éviter que des millions d’assurés sous-estiment le risque Covid en raison d’informations incomplètes. Enfin, s’il en est besoin, rappelons que la vaccination anti-Covid est aussi utile pour diminuer l’incidence et l’intensité des signes de Covid long. 10,11

Références

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006171171
  2. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/grippe/documents/bulletin-national/infections-respiratoires-aigues-grippe-bronchiolite-covid-19-.-bilan-de-la-saison-2024-2025
  3. https://www.cdc.gov/flu-burden/php/data-vis/2024-2025.html
  4. https://www.who.int/fr/news/item/26-09-2025-recommendations-announced-for-influenza-vaccine-composition-for-the-2026-southern-hemisphere-influenza-season
  5. Fazal A, Harker EJ, Neelam V, et al. Pediatric Influenza-Associated Encephalopathy and Acute Necrotizing Encephalopathy — United States, 2024–25 Influenza Season. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2025;74:556–564. DOI: http://dx.doi.org/10.15585/mmwr.mm7436a1
  6. Heidecker B, Libby P, Vassiliou VS, et al. Vaccination as a new form of cardiovascular prevention: an ESC Clinical Consensus Statement. Eur Heart J. 2025. doi: 10.1093/eurheartj/ehaf384.https://academic.oup.com/eurheartj/article-lookup/doi/10.1093/eurheartj/ehaf384 
  7. Bager P , Bech Svalgaard I , Christiansen LE et al. COVID-19 versus influenza burden in Denmark in the 2024–25 season. Lancet Infect Dis 2025 October 27, 2025 https://doi.org/10.1016/S1473-3099(25)00604-8
  8. Hansen CH, Lassaunière R, Rasmussen M, Moustsen-Helms IR, Valentiner-Branth P. Effectiveness of the BNT162b2 and mRNA-1273 JN.1-adapted vaccines against COVID-19-associated hospitalisation and death: a Danish, nationwide, register-based, cohort study. Lancet Infect Dis 2025; published online July 29, 2025. https://doi.org/10.1016/ S1473-3099(25)00380-9.
  9. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2025-05/vaccination_contre_la_grippe_saisonniere_des_personnes_de_65_ans_et_plus._place_des_vaccins_efluelda_et_fluad_recommandation.pdf
  10. Systematic Review: Effect of covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. vaccination on long covid: systematic review doi
  11. Ayoubkhani D, Bermingham C, Pouwels K, et al. Changes in the trajectory of Long Covid symptoms following COVID-19 vaccination: community-based cohort study. medRxiv 2022 doi: 10.1101/2021.12.09.21267516v10.1136/bmjmed-2022-000385