Covid long : des essais encore peu concluants

Lors de la journée scientifique dédiée au Covid long, organisée par l’ANRS-MIE le 14 octobre 2024, Dominique Salmon a présenté un panorama des essais cliniques en cours en lien avec le syndrome post-Covid, encore non concluants.

Le CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. long concernerait quelque 2 millions de personnes en France, soit 4 % de la population, selon deux études de Santé publique France en population générale menée en mars‐avril 2022, et novembre‐décembre 2022 et selon la définition de l’OMS, pour qui l’affection post-Covid 19 survient :

  • chez des personnes présentant des antécédents d’infection probable ou confirmée par le SARS-CoV-2, dans les 3 mois après l’infection ;
  • avec des symptômes qui persistent au moins 2 mois ;
  • qui ne peuvent être expliqués par un autre diagnostic ;
  • les symptômes ont généralement un impact sur le fonctionnement quotidien

Les symptômes post-infectieux déclarés par les patients recouvrent des plaintes variées avec, entre autres, fièvre, maux de tête, fatigue, courbatures /douleurs musculaires, toux, difficultés respiratoires, troubles du goût ou de l’odorat, douleurs thoraciques.

Pour les prendre en compte, la Haute Autorité de santé a recommandé une stratégie thérapeutique en 2020, qui reste insuffisamment déployée, selon Dominique Salmon (Institut Fournier, Paris) présidente du groupe de travail sur les symptômes prolongés du Covid à la HAS.

Cette stratégie repose sur quatre piliers :

  • le traitement symptomatique,
  • l’information du patient et l’auto-gestion
  • les rééducations,
  • la prise en charge psychologique

Une recherche empirique

Depuis 2020, des traitements symptomatiques fonctionnent, même si tous n’ont pas fait l’objet d’essais thérapeutiques : anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour les douleurs, traitements pour le syndrome de tachycardie orthostatique posturale (POTS), antihistaminiques en présence de syndrome d’activation macrophagique secondaire (un syndrome post-infectieux rare), antidépresseurs, colchicine, etc.

Les personnes et les soignants manquent encore d’essais randomisés sur lesquels s’appuyer. Le programme de recherche RECOVER du National Institute of Health (NIH) a un essai en cours sur le pacing – l’adaptation du rythme de vie et d’activité à une maladie – et trois essais se déroulent actuellement sur la réhabilitation physique et cognitive aux États-Unis.

Essais cliniques en octobre 2024

En plongeant dans le site Clinical Trials, qui recense les essais en cours ou publiés, Dominique Salmon compte :

  • 541 études sur le Covid long,
  • 61 essais thérapeutiques,
  • mais seulement 22 qui traitent d’interventions pharmacologiques ciblées et causales.

« Ces essais cliniques collent à nos hypothèses physiopathologiques », relève-t-elle. Les hypothèses empruntent quatre grands types d’approches : antivirales contre le SARS-CoV-2 ou contre la réactivation d’autres virus latents (herpès virus, rétrovirus), neuromodulation et immunomodulation, approches visant à favoriser l’oxygénation tissulaire (anticoagulants, oxygène hyperbare…), et la rééducation.

« Il s’agit surtout d’études pilotes, quelquefois randomisées, peu puissantes, avec un rationnel qui n’est pas toujours clair et sans suivi sur le long terme », prévient Dominique Salmon… En effet, en l’absence de biomarqueurs de Covid long, les critères de sélection des cas et les critères de jugement de ces essais sont uniquement cliniques, souvent assez disparates et évalués à des temps différents (à la fin du traitement, quelques mois après…).

Des surprises

Tous les essais testant l’approche antivirale ne sont pas terminés, ainsi Recover-Vital 2 compare le Paxlovid pendant 25 jours, à Paxlovid pendant 15 jours, puis ritonavir pendant 10 jours, versus ritonavir et placeboPlacebo Substance inerte, sans activité pharmacologique, ayant la même apparence que le produit auquel on souhaite le comparer. (NDR rien à voir avec le groupe de rock alternatif formé en 1994 à Londres par Brian Molko et Stefan Olsdal.)

Design de l’essai Recover-Vital 2

L’essai Stop Pasc, lui, est terminé et a fourni des résultats malheureusement négatifs. Là, 155 patients (59 % de femmes) ont été inclus entre novembre 2022 et septembre 2023. L’âge médian était de 43 ans. Si les symptômes importants à l’inclusion ont tendance à diminuer au cours du temps, il n’existe pas de différence entre le groupe Paxlovid et le groupe placebo. Pire, « la sévérité du symptôme le plus préoccupant était plus élevée dans le groupe traité ».

De quoi interpeller le médecin : « peut-être que la pénétration est faible dans certains réservoirs, que les critères de jugement ne sont pas appropriés (la qualité de vie à trois mois), que les participants présentaient des cas très hétérogènes. Et peut-être qu’il n’y a pas de corrélation entre le fait de trouver de l’ARN dans les tissus et la réplication virale. »

Les pistes inspirées par les ARV VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi.

Cet échec milite pour des essais avec des antiviraux plus puissants, des multithérapies antivirales, des durées de traitement plus prolongées, et surtout, témoigne de l’intérêt de bénéficier de biomarqueurs biologiques validés et de plateformes flexibles et de taille suffisante, pour pouvoir tester différentes approches. Certaines équipes testent ainsi des antiviraux utilisés pour le VIH, avec l’hypothèse de rétrovirus latents qui se réactivent, ou le valaciclovir pour essayer d’inhiber la réactivation de virus herpès.

© Dominique Salmon

Ces constats plaident pour la mise en place de nouveaux essais thérapeutiques, plus rigoureux sur le plan méthodologique, qui devraient être multicentriques, inclure des participants mieux caractérisés, notamment grâce à la mise en évidence de marqueurs biologiques et d’imagerie pertinents et d’indicateurs cliniques standardisés.

S’il est très encourageant de constater que beaucoup d’essais cliniques se mettent en place, aucun des essais basés sur des hypothèses étiologiques n’a encore démontré une efficacité marquée dans un essai randomisé. Dominique Salmon suggère de poursuivre les recherches abordant les champs des combinaisons d’antiviraux et d’immuno‐modulateurs, d’envisager des directions encore non abordées et d’entamer une réflexion internationale pour harmoniser les critères méthodologiques de la recherche clinique sur le Covid long.

Plus d’infos sur la journée du 14 octobre 2024