Une application et une brochure pour mieux connaître les nouveaux produits de synthèse (NPS)

Les nouveaux opioïdes de synthèse sont des substances psychoactives à puissance pharmacologique élevée, aisément disponibles sur Internet, pour un faible prix et une pureté élevée. Que dit la science de ces substances qui défraient la chronique, nitazènes, fentanyl et consorts ?

Les nouveaux produits de synthèse (NPS) désignent « des stupéfiants ou psychotropes, sous forme pure ou en préparation, qui ne sont pas contrôlés par les conventions des Nations unies sur les drogues, mais qui peuvent constituer une menace pour la santé publique comparable à celle posée par les substances énumérées dans ces conventions ».

Aujourd’hui, les usagers peuvent consommer des NPS, ou utiliser autrement des substances plus anciennes, composant une grande palette de situations. Les NPS regroupent une variété de substances imitant les effets de produits illicites tels que l’ecstasy, les amphétamines, la cocaïne, le cannabis, certains opioïdes, etc. Leur composition extrêmement variable entraîne des complications somatiques, psychiatriques et cognitives. L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies a répertorié 930 NPS, dont 41 ont été identifiés pour la première fois en 2022.

En France, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a recensé 368 NPS depuis 2008, dont 35 en 2021 selon les données du dispositif Sintes. Parmi les principales substances, figurent les cathinones (stimulants), les cannabinoïdes de synthèse et les phénéthylamines (hallucinogènes). Un groupe de travail dirigé par le Pr Laurent Karila et la Mildeca a élaboré une brochure destinée aux professionnels, identifiant les différentes catégories de NPS1. Ce travail a également abouti au développement d’une application gratuite disponible sur Android et Apple, nommée NPS PSYCHOACTIFS.

Nous proposons ici de mettre en lumière les aspects cruciaux d’une famille particulière de NPS, offrant des moyens d’identification potentiels de l’usage de ces substances, notamment aux médecins. De plus, une meilleure compréhension de ces substances offre une opportunité de prévention des intoxications et de gestion de la naloxone.

Les producteurs de ces drogues font évoluer constamment les structures moléculaires des NPS afin de contourner la législation sur les stupéfiants. De fait, le cadre juridique et réglementaire ne permet pas un contrôle total de ces substances psychoactives. Ainsi, les premiers dérivés des cathinones ont été classés stupéfiants par arrêté du 27 juillet 2012, et depuis, la législation a encadré de nouvelles familles ou des substances individuelles.

Les intoxications aiguës et les décès continuent de progresser au regard des usages croissants des NPS en milieux festifs ou lors des pratiques de chemsexChemsex Le chemsex recouvre l’ensemble des pratiques relativement nouvelles apparues chez certains hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), mêlant sexe, le plus souvent en groupe, et la consommation de produits psychoactifs de synthèse. (consommation de substances psychoactives en contexte sexuel) et parfois de soumission chimique d’ordre criminel. Le réseau français d’addictovigilance alertait sur l’importance des cas notifiés (tout âge confondu et dans l’ensemble des régions). Ainsi, 800 cas graves d’abus ou de complications somatiques ont été rapportés sur la période 2009-2017, dont 71 ont conduit à des décès (soit près de 9 %)2. Dans un contexte marqué par une augmentation constante des achats de substances psychoactives en ligne, il est impératif de rester extrêmement vigilant face à la disponibilité croissante des NPS et aux risques sanitaires importants qu’ils engendrent.

Cette problématique revêt une importance particulière dans les services d’urgence et en réanimation, où un protocole de prise en charge est diffusé. Au-delà des aspects cliniques, les équipes de liaison et de soins en addictologie (Elsa) sont alertées pour engager une prise en charge spécialisée, tandis que les centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A) analysent et évaluent les complications cliniques liées à ces substances.

De manière plus générale, tout professionnel de santé ou du secteur médico-social peut être amené à se questionner sur l’identification d’une substance, ses effets et les risques associés. Les substances sont classées en 20 familles selon les molécules initiales dont elles sont issues (tableau 1).

Tableau 1, 20 familles de substances

Famille de nouveaux opioïdes de synthèse (NOS)

Outre les fentanyls pharmaceutiques (fentanyl, sufentanil, remifentanil, alfentanil), les nouveaux opioïdes de synthèse (NOS) initialement développés à des fins thérapeutiques, sont maintenant produits dans des laboratoires clandestins. Les NOS sont de nouvelles substances psychoactives avec une puissance pharmacologique élevée, une disponibilité aisée sur Internet, un faible prix, une pureté élevée et qui ne peuvent pas à ce stade être détectés dans les tests de routine en laboratoire de toxicologie3.

Ils se présentent sous différentes formes, (poudre, comprimés…) et sont consommés par voie orale, intranasale, intraveineuse essentiellement avec des puissances pharmacologiques impressionnantes (tableau 2).

Les effets recherchés sont euphorisants et sédatifs, « héroïne-like », avec relaxation, analgésie. Le délai d’action est rapide (quelques minutes) et la durée d’action courte (quelques heures). Ils sont classés comme « dépresseurs ». L’intoxication aiguë ou overdose est une complication grave (dépression respiratoire, cyanose, myosis, somnolence, altération de la conscience, bradycardie, nausées, anxiété et douleurs abdominales/coma).

La naloxone comme antidote4

La prise en charge des overdoses aux opioïdes de synthèse doit se faire par l’administration intraveineuse ou intranasale de naloxone, un antagoniste des récepteurs opioïdergiques μ. Néanmoins, la dose administrée de naloxone pour reverser une intoxication par un NOS doit parfois être supérieure à celles utilisées lors des overdoses à l’héroïne ou à la morphine, voire nécessiter des administrations répétées au risque d’une dépression respiratoire secondaire.

Entre 2013 et 2019, les taux de mortalité (ajustés selon l’âge) par opioïdes de synthèse ont augmenté de 1 040 % aux États-Unis. En 2021, les États membres de l’UE ont signalé environ 140 décès associés à l’usage de fentanyl détourné de son usage médical.

En France, plusieurs décès sont rapportés dans l’enquête DRAMES en addictovigilance5, comme récemment avec les nitazènes. L’Association française des centres d’addictovigilance met en garde contre l’arrivée des nitazènes en France métropolitaine et ultramarine. Ainsi, le bulletin de novembre 2024 produit une évaluation de la situation et revient sur les points clés.

Cadre législatif
« 3-fluorofentanyl » ;
« 4-fluorobutyr(yl)fentanyl » ;
« 4-méthoxybutyr(yl)fentanyl » ;
« acryl(oyl)fentanyl » ;
« beta-hydroxythiofentanyl » ;
« carfentanil ou carfentanyl » ;
« despropionylfentanyl » ;
« despropionyl-2-fluorofentanyl » ;
« furanylfentanyl » ;
« isobutyr(yl)fentanyl » ;
« methoxyacetylfentanyl » ;
« ocfentanil ou ocfentanyl » ;
« para-chloroisobutyrfentanyl ou
4-chloroisobutyrfentanyl » ;
« para-fluoroisobutyr(yl)fentanyl ou
4-fluoroisobutyr(yl)fentanyl ou 4F-iBF » ;
« tetrahydrofuranylfentanyl ou THF-F » ;
« valerylfentanyl »
sont classés sur la liste des stupéfiants (arrêté JO du 8 septembre 2017). L’isotonitazène, la brorphine, le métonitazène sont classés sur la liste des stupéfiants (décision ANSM du 30 août 2023).

  1. Joëlle Micallef, Céline Eiden, Anne Batisse et les responsables régionaux des CEIP-A, Sabrina Cherki, Charlotte Pion, Romain Sicot, Ruth Gozlan, Corinne Drougard, Laurent Karila, CEIP-A, OFDT, ANSM, Elsa France, Mildeca, CHU P. Brousse FFA ↩︎
  2. Batisse A, Eiden C, Peyriere H, Djezzar S ; French Addictovigilance Network. Use of new
    psychoactive substances to mimic prescription drugs: The trend in France. Neurotoxicology.
    2020 Jul;79:20-24. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32240674/ ↩︎
  3. Le réseau SINTES est mobilisable pour pallier les limites techniques de certains sites, grâce
    à un partenariat avec des laboratoires ayant les capacités d’identifier les NPS ↩︎
  4. Voir sur le site du ministère de la Santé ↩︎
  5. Décès en relation avec l’abus de médicaments et de substances, principaux résultats enquête DRAMES 2020 ↩︎