Comment envisagez-vous de vous impliquer dans le débat sur l’usage des drogues et autres substances psychoactives en France?
Le Chef de l’État a pour rôle d’impulser les politiques publiques, qui sont de la responsabilité du gouvernement. Concernant l’usage des drogues dans notre société, nous veillerons à ce que les actions menées visent à réduire leur usage et leurs conséquences dans une logique de réduction des risques. Les interdictions nécessaires seront maintenues s’agissant des substances les plus dangereuses. La lutte contre les consommations de tabac et d’alcool sera renforcée, de même que celle concernant les autres substances psychoactives. Une nouvelle approche de la lutte contre la consommation de cannabis tirera les leçons des échecs en la matière.
L’Allemagne a récemment annoncé la légalisation du cannabis, Malte a récemment légalisé l’usage récréatif, le Luxembourg va dépénaliser l’usage récréatif du cannabis… Êtes-vous favorable à la légalisation ou à l’encadrement de la production, importation et commerce du cannabis ?
La politique actuelle de répression du cannabis est un échec. Les Français n’ont jamais autant consommé depuis trente ans, les jeunes n’ont jamais été aussi dépendants. Cette question ne peut être un nouveau sujet d’affrontement qui ne résoudrait rien et maintiendrait un statu quo qui n’est plus possible. Il faut que les Français puissent parler de ce sujet, en débattre, pour construire patiemment un choix collectif, «leur» choix. Nous organiserons une conférence du consensus sur tout le territoire, avec des maires. Je proposerai un cadre à ses travaux: la protection de la santé, en particulier celle de nos jeunes. Les meilleurs spécialistes en santé publique présenteront aux citoyens les résultats des études sur la question. Cette conférence fera des propositions sur la prévention des consommations à risque, sur la lutte contre les trafics. Elle examinera également la question d’une légalisation du cannabis, sous le contrôle strict de l’État.
Les salles de consommation à moindre risque ont prouvé scientifiquement leur intérêt, elles existent depuis longtemps dans d’autres pays en Europe. Elles seront bientôt remplacées par les haltes soins addictions, expérimentées pendant trois ans. Les feriez-vous entrer dans le droit commun? Quelle solution proposez-vous?
Les salles de consommation à moindre risque sont un des dispositifs de la politique de réduction des risques, à laquelle nous apportons tout notre soutien. Avec l’engagement déterminé de la Ville de Paris, la première salle de consommation à moindre risque a pu ouvrir en France en octobre 2016. Son bilan est largement positif et la création de nouveaux dispositifs est nécessaire à court terme. Il faut donc saluer l’adoption par le parlement du dispositif d’Haltes soins addiction, qui inclut la fonction de salle de consommation à moindre risque. Toutefois, les Haltes soins addiction auraient dû être créées dans un cadre de droit commun. Nous avons suffisamment de recul sur ces salles de consommation à moindre risque pour ne pas avoir à faire une nouvelle expérimentation. La révision de la loi de 1970, nécessaire, inclura la pérennisation de la politique de réduction des risques et des dispositifs permettant son application.
Proposerez-vous de nouvelles mesures pour limiter l’usage du tabac et de l’alcool?
Dans le cadre de l’élaboration d’objectifs nationaux de santé publique que nous voulons mettre en œuvre, votés annuellement par le parlement en amont de la loi de financement de la sécurité sociale, l’objectif de réduction du tabagisme à 10 % de la population doit être débattu, niveau atteint par la Suède. Cet objectif nécessitera de nouvelles mesures ambitieuses concernant la prévention, les jeunes, le renforcement de l’interdiction des publicités, la réduction de l’usage du tabac dans l’espace public et les prix.
S’agissant de l’alcool, un combat particulièrement âpre doit être mené contre le marketing visant les jeunes et les femmes, et nous reviendrons sur les entorses à la loi Évin qui se sont multipliées. La baisse de la consommation d’alcool en France doit se poursuivre afin de réduire ses impacts en termes de santé publique, de violences et de santé mentale. Les actions de prévention fondées sur la participation active –comme le Dry January– seront soutenues par l’État.
La cocaïne est largement diffusée dans toutes les classes de la société. C’est un problème majeur de violence et de corruption. Que proposez-vous?
La hausse historique des quantités de cocaïne saisies témoigne au premier chef de l’importance et du développement des filières d’approvisionnement.
L’action en la matière repose sur un renforcement des coopérations internationales, en particulier européennes et avec les pays de production et de transit.
Les dispositifs concernant les usagers ne sauraient opposer l’approche de réduction des risques à une approche abstinente, mais au contraire valoriser le parcours de l’usager, ce qui nécessite le maintien d’une diversité de lieux et de méthodes de prise en charge. Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usager de drogues (Caarud), et dispositifs mobiles, doivent articuler les réponses sociales, médicales et psychologiques pour accompagner l’usager vers une réduction et si possible un arrêt des consommations. En particulier, la résolution de la crise du crack est une urgence tant pour les usagers concernés que pour les riverains des lieux de consommation. Cette résolution est possible à partir d’une politique fondée sur l’accompagnement des usagers dans leurs différents besoins.