Le dernier rapport de la mission parlementaire sur le cannabis préconise de mettre fin à la prohibition, considérée comme « un objectif inatteignable », et propose une légalisation régulée. C’est «le meilleur moyen de reprendre le contrôle et de protéger les Français», selon Caroline Janvier, la députée LREM qui a coordonné ce travail. Selon le rapport, le budget alloué à la police, à la gendarmerie et aux douanes pour la lutte antidrogue a doublé entre 2012 et 2018 pour atteindre 1,08 milliard d’euros annuels. Or, la France reste championne d’Europe de la consommation de cannabis, avec 5 millions d’usagers annuels et 900 000 fumeurs quotidiens. En léger recul, la consommation des mineurs reste deux fois supérieure à la moyenne européenne.
En cas de légalisation, les recettes fiscales pourraient atteindre 2 milliards d’euros. De quoi servir à la prévention, car selon le député LREM Jean-Baptiste Moreau, autre rapporteur, «on ne peut pas organiser efficacement la prévention d’un produit interdit»… La mission propose de réfléchir à une «loi Évin du cannabis» pour encadrer sa publicité, évoque les taux de THC, la fiscalité, etc. Les parlementaires voudraient organiser un grand débat sur la forme que pourrait prendre la légalisation en France, mais…
… le président est contre
Du côté d’Emmanuel Macron, la ligne dure est de rigueur. Dans une interview au Figaro, le 19 avril, il a déclaré vouloir «lancer un grand débat national sur la consommation de drogue et ses effets délétères» arguant que les consommateurs nourrissaient les trafics: «Ceux qui prennent de la drogue – et cela concerne toutes les catégories sociales – doivent comprendre que non seulement ils mettent leur santé en danger, mais qu’ils alimentent aussi le plus grand des trafics. On se roule un joint dans son salon et à la fin on alimente la plus importante des sources d’insécurité.» À un an de l’élection présidentielle, le président défend une vision sécuritaire de la question. La Fédération Addiction a réagi en appelant à un débat, certes, mais «à la croisée des enjeux sociétaux, de sécurité mais aussi de santé, solidarités, éducation, insertion, etc.». Pour Alain Ehrenberg, qui a publié une tribune dans le Monde, «l’action publique ne protège pas la jeunesse des risques du cannabis. Il faut protéger les mineurs et assécher le trafic». Le sociologue prône la légalisation, prenant acte comme de nombreux addictologues, de l’échec de la guerre à la drogue: «La légalisation ne serait donc pas un “coup de publicité” invitant tout le monde à consommer joyeusement et minimisant les dangers du cannabis, mais un autre principe de régulation du comportement que l’interdiction. Ce principe serait appuyé sur une double politique : de santé publique centrée sur la réduction des risques de l’usage, pénale et de répression centrée sur le trafic restant.»