Pas facile de s’y retrouver, à commencer par le coût total de la prévention, puisque, comme l’expliquent les rapporteurs, l’effort financier consacré à la prévention sanitaire en France pour l’alcool varie selon les méthodes de calcul dans un rapport de 1 à 10 ! Soit d’un million d’euros par an selon les crédits du Fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaires (FNPEIS) gérés par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), jusqu’à 10,5 millions d’euros en fonction des résultats de l’étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES).
Le chapitre consacré à la prévention des désordres liés à la consommation d’alcool pourrait se résumer par son titre : « Les ambiguïtés récurrentes de la prévention des risques liés à l’alcool »… Il y est beaucoup question du Conseil de modération et de prévention mis en place par le décret du 4 octobre 2005, rattaché au ministère de la Santé et au ministère de l’Agriculture. Ce Conseil est présenté par certains professionnels de la santé publique comme « une instance de protection des intérêts viticoles ». Les rapporteurs pointent, de fait, la nécessité d’une approche interministérielle et transversale de la politique des préventions des effets néfastes de l’alcool, compte tenu de la diversité des populations auxquelles les actions de prévention s’adressent.
La Cour des comptes pointe aussi « le cloisonnement et la dispersion des responsabilités au niveau central qui entravent l’affirmation d’une politique de prévention forte et ne peut que faciliter des contre-stratégies de la part des intérêts économiques pour atténuer l’efficacité des mesures décidées« . L’actuel rapport, en cours de publication, devrait revenir sur la question des agences régionales de santé (ARS) et voir dans quelle mesure ces structures ont permis de promouvoir une dynamique locale de prévention, notamment dans les régions fortement vinicoles. La Cour des comptes prévoyait de donner au directeur général de la santé les compétences de délégué interministériel à la
prévention sanitaire, ce qui est resté, à ma connaissance, lettre morte.
On revient aussi sur l’expertise collective de l’Institut national du cancer (INCa) publiée en novembre 2007 sur les rapports entre alcool et risques de cancer et qui conclut, en l’absence d’expertise collective concernant l’éventuel effet protecteur au niveau des facteurs de risque cardio-vasculaire, qu’il n’était pas souhaitable « de promouvoir la consommation modérée d’alcool en l’état actuel des connaissances ».
La Cour des comptes rejoint l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) [2009] qui avait déjà pointé les déséquilibres des moyens consacrés à la prévention du sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. et des maladies sexuellement transmissibles par rapport à ceux consacrés à d’autres problèmes de santé. Plus de 25 millions d’euros en 2009 pour la prévention du sida et infections sexuellement transmissibles (IST) contre cinq fois moins pour la prévention relative à l’alcool (5,3 millions d’euros). Comme souvent venant de la Cour des comptes, l’opposition des chiffres est singulière ! En 2006, le rapport rappelle que le montant des investissements publicitaires pour les boissons alcoolisées s’est élevé à 306 millions d’euros, soit presque trois fois le budget global de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) qui couvre tous les secteurs de prévention sanitaire…