Cet article a été publié dans le n°67 de Swaps (PDF, 1,88Mo).
«?Entre octobre et novembre, j’ai dû faire quatre plans avec le même couple [couple initiateur], à chaque fois les mêmes personnes. Et en fait vers mi-décembre à peu près j’ai eu la bonne idée, la bonne ou mauvaise idée plutôt, de commander tout seul. […] Et donc là, c’est à partir du moment où j’en ai eu tout seul, que j’ai commencé à slamer tout seul. Seulement je ne savais pas injecter. Donc voilà, je me suis retrouvé avec des bras totalement défoncés quoi?! […] Dès le début j’avais quand même l’addiction du produit que tu pouvais ressentir les fois d’après. Petit coup de blues, des trucs comme ça. Et donc à partir de janvier ça a été limite un peu… Pas l’hécatombe, mais… Les prises se sont rapprochées, donc c’est passé de une à deux fois par mois à toutes les deux semaines. Puis toutes les semaines. Puis après c’était plus forcément le week-end, c’était en semaine aussi.
Donc voilà parce que ça me provoque, pas des insomnies, mais ça m’empêche de dormir complètement quoi. Donc voilà le lendemain tu vas pas forcément bosser, tu es un jour absent dans la semaine. Je culpabilise un peu. Et donc l’engrenage s’est très très vite refermé. Je l’ai vu venir?! […] Moi, le moment où j’ai basculé, c’est à partir du moment où j’en ai pris chez moi. Où j’ai commencé à en acheter sur internet et en faire livrer à la maison. Je pense que c’est là où la fracture s’est faite. Donc vers mi-décembre, fin-décembre. […]
Tu disais, hors entretien, que c’était une période où tu n’allais pas bien??
Oui, c’est ce que je te disais. À partir de cette période mi-décembre / mi-janvier. Ce qui a été l’embrigadement du truc. Le produit te rend mal, tu as la phase de descente et d’addiction qui arrivent. Tu ne vas pas forcément bien dans ta vie, ça fait plus de six mois que tu es sur Paris, mais tu n’as pas forcement d’amis. Le soir tu rentres chez toi, tu es tout seul. Tu n’as pas envie de sortir. Parce que sortir seul, ça ne te plait pas forcement. Et tu galères niveau thunes, car on t’a supprimé tes APL en janvier. Au boulot, ça te saoule, car ce n’est pas forcement ce que tu attendais. Voilà, c’était vraiment un trop plein qui faisait que pour oublier mes tracas du quotidien, je me faisais un shoot, et là, ça allait mieux. Donc, d’un coup, le produit a glissé d’un coté sexuel à… ça a glissé vers ce que l’on se sert pour oublier ses soucis quotidiens. Voilà. […]
Une séquence en durée et en nombre, c’est quoi??
Sur un week-end, ça peut être une vingtaine de shoots. Sachant que moi, après, j’ai eu l’avantage de très vite savoir où bien me shooter. Mon toubib me l’a dit, l’infirmier aussi?: «?toi, ça va?». Je l’ai fait au début et j’ai bien appris, demandé des conseils pour savoir bien le faire tu vois, donc du coup je me détruis moins les bras, les cicatrices restent moins longtemps. Des fois tu peux avoir des bleus, mais moi non.
Et sur le partage des seringues??
Moi j’ai toujours eu cette culture […] donc je sais qu’il faut pas s’échanger les pailles, l’eau, le coton. Quand t’ouvres le chems faut pas mettre le doigt dans le chems, enfin voilà, il y a un truc comme ça qui fait que… J’ai vu des trucs horribles [chez mes partenaires]?! En fin de soirée, il n’y a plus de produit, tu récupères en fait toutes les cuillères qu’il y a et tu grattes. […] Donc après, je doute que le mec ne sache pas qu’il a l’hépatite C, il avait sûrement l’hépatite C, c’est pour ça, il a dû se dire je risque plus rien donc j’y vais. Donc tu veux rien lui dire parce que t’es défoncé, t’es en fin de plan, t’es fatigué puis tu te dis ça se fait pas trop quand même. Après avoir vu ça, j’ai mis mes petites cuillères de côté pour la fin de soirée. Après, ce que je faisais, c’est quand le mec venait chez moi je prenais des assiettes dépareillées et chacun son assiette. Style moi je me mets là, toi ton assiette elle sera là, elle ne bouge pas il y a tout ton matos dedans, moi mon matos il est là, etc. Donc pour moi il n’y avait pas d’échange de matériel.?»