Avec la montée en puissance des traitements ARV dans la plupart des pays africains, l’augmentation de la couverture du dépistage dans les contextes d’épidémie généralisée est maintenant un objectif recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
En raison des bénéfices d’une prise en charge précoce de l’infection à VIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. l’objectif est également de dépister au plus près de la contamination, ce qui implique une utilisation répétée et régulière du test, tout particulièrement pour les populations à risque.
Le dépistage dans et en dehors des structures de santé
En complément des dispositifs de dépistage volontaire à l’initiative des patients, depuis 2007, les recommandations internationales encouragent le dépistage à l’initiative du soignant, afin de capitaliser sur les contacts avec les soins existants. Une étude internationale a montré que, sur différents indicateurs d’information, confidentialité consentement satisfaction et référencement vers les soins en cas de test positif, les pratiques de tests à l’initiative du soignant présentent des résultats similaires à ceux du dépistage à l’initiative de l’usager
Plusieurs stratégies consistant à sortir le dépistage des structures de santé pour le proposer à des populations plus larges ont montré leur efficacité. En 2013, une méta-analyse a synthétisé les résultats de 117 études concernant le dépistage communautaire (défini comme un dépistage en dehors des structures de santé), dont 76 études réalisées en Afrique. Plusieurs approches différentes ont été recensées:
- dépistage en porte-à-porte ;
- dépistage mobile ciblant la population générale ou des populations à risque ;
- dépistage sur le lieu de travail, le lieu de culte, ou encore à l’école ;
- ou encore proposition de dépistage pour les membres du foyer d’une personne diagnostiquée VIH-positive.
Globalement, les taux d’acceptation de ces méthodes étaient élevés, allant de 62% pour le dépistage à l’école à 88% pour le dépistage proposé à l’entourage d’une personne séropositive. Quand les études permettaient la comparaison avec des méthodes de dépistage en structures de santé, les résultats montraient que le dépistage dit communautaire présentait de plus hauts taux de dépistage précoce (à un niveau de CD4>350/mm3).
Parallèlement, une méthode innovante de dépistage a particulièrement émergé dans les dernières années : il s’agit de l’auto-test. Elle consiste à laisser la réalisation et l’interprétation du test de dépistage (effectué sur goutte de sang ou sur prélèvement de salive) à l’utilisateur, qui peut être encadré ou non par des agents de santé. Cette pratique est supposée pouvoir lever plusieurs barrières au dépistage : manque de confidentialité, long temps d’attente, crainte de la stigmatisation… Elle soulève toutefois des questions quant à son bon usage et interprétation, ou, dans le cas de la découverte d’une infection VIH en l’absence d’un agent de santé, à des réactions émotionnelles fortes ou à d’éventuelles conséquences psychosociales négatives. Dans le contexte de l’Afrique subsaharienne se posent également les questions du prix, du maintien de la qualité et de l’accessibilité de ce dispositif. Mêmes si les données concernant cette stratégie sont encore très limitées, les études réalisées à ce jour suggèrent une très bonne acceptabilité, de bons taux d’usage et interprétation, et une bonne opinion des utilisateurs. Un récent rapport de l’OMS présente l’auto-test comme une stratégie à considérer pour cibler des populations clés nécessitant des tests répétés (groupes à haut risque, individus séronégatifs en couples sérodifférents). Ce même rapport souligne néanmoins la nécessité de recherches supplémentaires à ce sujet. Un point en particulier doit être approfondi : l’entrée dans les soins des personnes diagnostiquées par auto-test. En effet, aucune étude ne s’est encore penchée sur ce point, qui est pourtant indispensable au succès d’un programme de dépistage.
Des précautions indispensables pour des programmes de dépistage efficaces
Malgré l’enthousiasme qu’il suscite, l’élargissement du dépistage à des fins de contrôle et de prévention de l’épidémie de VIH doit toujours faire l’objet d’une évaluation et d’une certaine vigilance. Deux points particuliers devraient faire l’objet d’une attention soutenue : l’effet comportemental du dépistage du VIH chez les personnes non infectées et le respect des droits de la personne.
L’impact comportemental du dépistage a été largement documenté dans le cas des personnes diagnostiquées VIH-positives, chez qui des diminutions dans les comportements sexuels à risque après le diagnostic ont été documentées de façon concordante, au Nord comme au Sud, par deux méta-analyses. Si le dépistage peut ainsi être considéré comme un moyen de prévention secondaire pour les personnes VIH-positives, il est difficile de statuer sur son effet comportemental chez les personnes dont le résultat du dépistage est négatif. En effet, les deux méta-analyses citées précédemment n’ont pas pu déceler de diminution significative dans les niveaux de comportements sexuels à risque pour les personnes diagnostiquées VIH-négatives. Ces résultats, qui reposaient principalement sur des études conduites dans un cadre hospitalier, suggèrent que sous sa forme classique, le dépistage serait un moyen peu efficace de prévention primaire chez les personnes séronégatives. L’essai d’intervention ACCEPT-HPTN 043, qui visait à évaluer l’effet d’une mobilisation communautaire et d’un dépistage mobile sur l’incidence du VIH et les normes sociales et comportementales à l’échelle d’une communauté, n’a pas non plus décelé d’effet comportemental significatif parmi la population non infectée par le VIH. Dès 1999, les auteurs de la première méta-analyse citée ici, Weinhardt et al., ont appelé à maintenir et développer les efforts de recherche sur les effets comportementaux du dépistage, en combinant d’une part des efforts théoriques de conceptualisation des déterminants psychologiques des changements dans les comportements, et d’autre part en expérimentant des formes innovantes de conseil et dépistage du VIH. A l’heure où les organisations internationales appellent à des politiques de dépistage élargies, cette recommandation semble plus que jamais d’actualité.
Par ailleurs, les objectifs d’extension du dépistage ne peuvent et ne doivent se réaliser à l’encontre des règles de bonnes pratiques, et notamment des « 3C » : consentement, confidentialité et conseil. Sans pour autant ouvrir la voie à l’alarmisme, certaines données invitent à maintenir la vigilance sur le respect des règles éthiques du dépistage. Ainsi, plusieurs études menées dans des structures de soins anténataux ont observé que les femmes enceintes n’avaient pas toujours conscience de pouvoir refuser un test qui leur était proposé par un soignant. Une étude ethnographique portant sur une initiative de dépistage mobile à Pointe-Noire (Congo) a montré que, si cette forme de dépistage permettait l’accès au test à des personnes ne pouvant généralement pas se rendre dans des structures de santé, le fait qu’elle se tienne sur un espace public pouvait menacer la confidentialité du test et générer des manifestations de stigmatisation. Les études quantitatives sur le dépistage à domicile, une vingtaine à avoir été conduites en Afrique subsaharienne à ce jour, ont généralement montré une très bonne acceptabilité et satisfaction vis-à-vis de cette méthode. Ces résultats n’ont été confirmés que par un nombre limité d’études qualitatives, dont les conclusions concernaient principalement des couples. À notre connaissance, aucune étude qualitative concernant l’expérience du dépistage à domicile n’a pris en compte les rapports intergénérationnels ou la spécificité du type d’habitat (concession ou « cour commune », par exemple).
S’il est la porte d’entrée obligatoire à de larges services de soutien et de prévention, le diagnostic du VIH ne présente un bénéfice optimal, tant au niveau individuel que collectif, que s’il est suivi d’une entrée dans les soins et d’une prise en charge adéquate.