Hausse du dépistage des IST en 2021

A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida 2022, Santé publique France a publié les derniers chiffres concernant le dépistage de trois infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes : la syphilis, les gonococcies et les infections à Chlamydia trachomatis (Ct).

Ces tendances, valables pour 2021, sont extraites des données individuelles de remboursement du Système national des données de santé (SNDS) et des données des rapports d’activité et performance (RAP) des CeGIDDCeGIDD Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Ces centres remplacent les Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) depuis le 1er janvier 2016. les centres de dépistages gratuits. 

Les ISTIST Infections sexuellement transmissibles.  sont en augmentation en France depuis le début des années 2000, et leur surveillance est une part essentielle de la prévention de ces maladies. La crise liée au Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. avait gravement fait reculer le recours au dépistage, mais ces données concernant 2021 sont plus rassurantes. Elles semblent indiquer que cette chute a été rattrapée pour les IST bactériennes, contrairement au VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi.  (Les derniers chiffres concernant l’épidémiologie du VIH en 2021 sont disponibles dans notre article : Chiffres du VIH 2021 : Stabilité du nombre de diagnostics.)

Chlamydia trachomatis (Ct) 

En 2021, selon les données de l’assurance maladie, 96900 personnes ont été diagnostiquées pour une infection à Ct au moins une fois dans l’année soit une augmentation de 15% par rapport à 2020 et de 9% par rapport à 2019. Ce nombre a plus que doublé entre 2014 (environ 40 700) et 2021.

En complément de ces dépistages remboursés par l’Assurance maladie, environ 344 000 dépistages gratuits d’infection à Ct ont été réalisés en CeGIDD en 2021. Le nombre d’infections à Ct diagnostiquées en CeGIDD est d’environ 23 300 en 2021, en diminution de 16% par rapport à 2019. Le taux de positivité des tests en CeGIDD est de 6,8% en 2021.

Le recours au CeGIDD avait logiquement baissé en 2020 (les centres avaient été fermés pendant le premier confinement), mais le niveau de dépistage de 2021 en CeGIDD n’a pas rattrapé celui de 2019.

Taux de dépistage des infections à Chlamydia trachomatis pour les 15 ans et plus (personnes dépistées au moins une fois dans l’année pour 1 000 habitants), secteurs public hors hospitalisations et privé, France, 2014-2021
(L’année 2018 a été une année de modification de la nomenclature des tests de dépistage/diagnostic des infections à Ct)

Source : Assurance maladie, Système national des données de santé (SNDS). Exploitation Santé publique France, octobre 2022

En 2021, 2,3 millions de personnes ont effectué un test de dépistage pour une infection à Ct au moins une fois, soit un taux national de dépistage de 42 pour 1 000 habitants de 15 ans et plus. Entre 2014 et 2021, ce taux a presque doublé (+86%), avec une augmentation plus importante chez les hommes que chez les femmes (+106% vs +78%). 

Plus des deux tiers (70%) des personnes testées en 2021 sont des femmes (comme en 2020), avec un taux de dépistage plus de deux fois plus élevé chez celles-ci (56 pour 1 000) que chez les hommes (26 pour 1 000). Le taux est encore plus important chez les femmes de 15 à 25 ans (119 pour 1 000), chez lesquelles la Haute autorité de santé a recommandé un dépistage systématique par la HAS.

Un taux d’incidence en hausse

Le taux d’incidence des cas diagnostiqués avec une infection à Ct en 2021 (personnes diagnostiquées au moins une fois dans l’année) est de 1,7 pour 1 000 personnes âgées de 15 ans et plus, chez les hommes comme chez les femmes. En effet, le taux a augmenté de façon plus marquée chez les hommes et a rejoint en 2021 celui des femmes. Comme les années précédentes, le taux d’incidence reste plus élevé en 2021 chez les jeunes de 25 ans et moins, les jeunes femmes présentant les taux les plus élevés (5,2 pour 1 000).

Le taux d’incidence en 2021 est plus élevé dans les départements et région d’outre mer, à l’exception de Mayotte. Il est le plus élevé en Guyane (3,7 pour 1000). En métropole, les taux les plus élevés sont observés en Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie (entre 2,3 et 2,0 pour 1 000).

Infections à gonocoque

L’incidence annuelle des cas d’infection à gonocoque vus en consultation de médecine générale en métropole a été estimée à 21 750 cas en 2021, soit une hausse de 45% par rapport à 2020. Le taux d’incidence annuel est estimé en 2021 à 0,3 cas pour 1000 habitants. 

Le nombre de gonococcies diagnostiquées en CeGIDD est d’environ 13 800 en 2021. Ce nombre est en augmentation continue depuis 2016 (hors 2020), avec une augmentation plus marquée chez les hommes cis que chez les femmes cis (d’un facteur 4 vs 2).

En 2021, 2,7 millions de personnes ont effectué au moins un test de recherche de gonococcie, soit un taux national de dépistage de 49 pour 1000 habitants de 15 ans et plus. Ce taux a augmenté entre 2014 et 2021, et de façon plus marquée depuis 2018. L’augmentation a été plus importante chez les hommes (x3) que chez les femmes (x1,5) chez les femmes). Ce taux est supérieur à celui relevé en 2019 (+6%). 

Les trois-quarts des personnes testées en 2021, comme en 2020, sont des femmes, avec un taux de dépistage près de trois fois plus élevé chez celles-ci (69 pour 1 000) que chez les hommes (25 pour 1 000). Le taux de dépistage est encore plus important chez les femmes de 15 à 25 ans (131 pour 1 000), toujours grâce au dépistage systématique conjoint des infections à Ct.

Taux de dépistage des gonococcies pour les 15 ans et plus (personnes dépistées au moins une fois dans l’année pour 1 000 habitants), secteurs public hors hospitalisations et privé, France, 2014-2021
Source : Assurance maladie, Système national des données de santé (SNDS). Exploitation Santé publique France, octobre 2022

En complément de ces dépistages remboursés par l’Assurance maladie, environ 341 000 dépistages gratuits d’infection à gonocoque ont été réalisés en CeGIDD en 2021. Ce nombre, comme pour les Ct, n’a pas retrouvé les niveaux pré-Covid-19 entre 2016 et 2019 (-11%).

Dans les CeGIDD et en médecine générale, les gonococcies diagnostiquées en CeGIDD concernaient très grande majorité des hommes cis (plus de 80%) et les hommes ayant des rapports sexuels représantaient environ 70% des cas. Un antécédent d’IST bactérienne au cours des 12 derniers mois était rapporté par environ un tiers des patients. 

Des données de résistances rassurantes

Les données concernant les résistances au traitement du gonocoque aux céphalosporines de 3ème génération sont rassurantes : En France métropolitaine, les données recueillies par le CNR des IST bactériennes rapportent un taux de résistance très faible et stable sur les dernières années. Ainsi, seuls 0,2% des isolats étaient résistants au céfixime en 2021 vs 0,8% en 2019. De rares souches résistantes à la ceftriaxone (traitement des gonococcies de 1ère intention) ont été décrites, une en 2017, deux en 2019 et une en 2022. Ces souches résistantes étaient principalement importées d’Asie (Cambodge, Vietnam).

Syphilis

L’incidence annuelle des cas de syphilis vus en consultation de médecine générale en métropole a été estimée à 9 291 cas en 2021, soit une hausse de 42% par rapport à 2020. Le taux d’incidence annuel des cas de syphilis vus en médecine générale est estimé à 0,1 cas pour 1 000 habitants.

Ces cas de syphilis, en CeGIDD ou en médecine générale, concernent à environ 90% des hommes cis, en très grande majorité des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (environ 80%). En médecine générale, la syphilis était diagnostiquée à un stade récent dans 84% des cas et 18% des cas concernaient des personnes vivant avec le VIH.

En 2021, 2,8 millions de personnes ont été testées au moins une fois pour une recherche de syphilis, soit un taux national de dépistage de 51 pour 1 000 habitants de 15 ans et plus. Les deux tiers (67%) des personnes testées en 2021 sont des femmes cis en raison du dépistage obligatoire de la syphilis pendant la grossesse. Le taux de dépistage est ainsi près de deux fois plus élevé chez celles-ci (66 pour 1 000) que chez les hommes (35 pour 1 000).

Taux de dépistage de la syphilis chez les 15 ans et plus (personnes dépistées au moins une fois dans l’année pour 1000 habitants), secteurs public hors hospitalisations et privé, France, 2014-2021. Données incomplètes pour 2018.
Source: Assurance maladie, Système national des données de santé (SNDS). Exploitation par Santé publique France

Entre 2014 et 2021, le taux de personnes dépistées au moins une fois dans l’année pour une syphilis a augmenté (+53%). L’augmentation a été plus marquée (taux multiplié par deux) chez les jeunes hommes de 15-25 ans. Après une diminution du taux de dépistage de la syphilis en 2020, en lien avec l’épidémie de Covid-19, ce taux a ré-augmenté en 2021 à un niveau légèrement supérieur à celui de 2019 (+3%)

En conclusion, le nombre de diagnostics d’IST est en augmentation, mais le nombre de syphilis diagnostiquées reste relativement stable. L’activité de dépistage des IST bactérienne semble donc avoir ré-augmentée en 2021. Mais le nombre de dépistage réalisés en CeGIDD reste inférieur aux niveaux observés avant la crise du Covid-19, reflétant une activité réduite de ces centres. Globalement, l’impact de la crise sanitaire liée au Covid-19 se fait encore sentir dans l’activité de dépistage des IST. Les offres intégrées de prévention, comme la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. qui propose un dépistage systématique des IST tous les 3 mois, demeurent essentielles si on veut entamer le retard au diagnostic et la circulation «silencieuse» de ces IST.