Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière)

«Je suis pour la dépénalisation du cannabis ce qui mettrait fin à la répression contre les consommateurs et les revendeurs.»

Comment envisagez-vous de vous impliquer dans le débat sur l’usage des drogues et autres substances psychoactives en France?

Mes prises de position par rapport à l’usage des drogues, à l’alcoologie, au tabagisme ou toutes formes d’addictions aux psychotropes, sont publiques depuis des années. N’étant pas élue et ne siégeant pas dans les institutions où se prennent les décisions, mon point de vue est surtout propagandiste.

La lutte contre l’alcoolisme, contre toutes les aliénations, a été l’une des préoccupations majeures du mouvement ouvrier, non pas au nom de la morale, mais parce que la lutte contre l’exploitation, pour l’émancipation, nécessite une pleine conscience. 

La prévention est le principal moyen de lutter contre les pratiques additives et une société dans laquelle le bien-être de l’homme serait la priorité aurait à cœur de mettre en œuvre tous les moyens utiles à cette prévention. Aussi, je salue le combat de toutes les associations pour que le nombre des hommes et des femmes, malheureusement affectés par les maladies de l’addiction, diminue. 

L’Allemagne a récemment annoncé la légalisation du cannabis, Malte a récemment légalisé l’usage récréatif, le Luxembourg va dépénaliser l’usage récréatif du cannabis… Êtes-vous favorable à la légalisation ou à l’encadrement de la production, importation et commerce du cannabis? 

Je suis pour la dépénalisation du cannabis ce qui mettrait fin à la répression contre les consommateurs et les revendeurs. La prohibition du cannabis est un échec total. Depuis plus de vingt ans, il est d’un usage courant. Son interdiction n’a pas empêché qu’il se répande et que sa consommation se maintienne à un niveau élevé. 

La légalisation du cannabis serait-elle un progrès ? Il est bien difficile de le dire. Des médecins ou d’autres professionnels de ces questions devraient pouvoir y réfléchir, en ayant pour seul objectif de combattre les toxicomanies. Mais, vu les enjeux financiers dans ce secteur et les intérêts politiques que certains trouvent à agiter ces questions, on ne peut guère s’attendre à des conclusions sûres, un tant soit peu indépendantes. 

Cela laisserait le champ libre à la vente légale. Et parmi ceux qui souhaitent la légalisation du cannabis se trouvent ceux qui veulent en vendre légalement. La commercialisation serait contrôlée par l’État. Quant à savoir si la fin de la prohibition serait un progrès contre l’addiction, il suffit de voir que les deux drogues qui font le plus de dégâts en France sont le tabac et l’alcool, c’est-à-dire deux drogues tout à fait légalisées !

Les salles de consommation à moindre risque ont montré scientifiquement leur intérêt, elles existent depuis longtemps dans d’autres pays en Europe. Elles seront bientôt remplacées par les haltes soins addictions, expérimentées pendant trois ans. Les feriez-vous entrer dans le droit commun? Quelle solution proposez-vous?

Je suis pour que tous les moyens soient mis en œuvre pour aider à la désintoxication de ceux qui souffrent d’addiction. Il y a bien des cures spécialisées pour ceux qui souffrent d’alcoolisme, donc l’existence de services spécialisés pour d’autres drogues me semble légitime. Faut-il des produits moins dosés ? Dans ce domaine je fais confiance aux médecins et aux équipes spécialisées.

Proposerez-vous de nouvelles mesures pour limiter l’usage du tabac et de l’alcool?

Le tabac provoque 75000 décès par an et réduit de 15 années l’espérance de vie d’un fumeur. Pour lutter contre cette hécatombe, quels sont les moyens mis en œuvre par l’État? 32 millions versés à un fonds de prévention contre le tabagisme alors que la taxe sur le tabac rapporte 15,3 milliards!

L’alcool coûte la vie, directement ou indirectement à 45000 personnes. Mais la lutte contre le fléau de l’alcoolisme se heurte à des intérêts privés puissants qui savent trouver des relais parmi le personnel politique, y compris au plus haut niveau. Ainsi, le lobby viticole a remporté une victoire en 2015 grâce à la loi Macron. Celle-ci a modifié la loi Évin, qui limitait fortement la publicité pour l’alcool depuis près de 25 ans. 

L’influence occulte des lobbies du vin est révoltante et doit être dénoncée. Les dépenses de publicité pour les boissons alcoolisées sont 100 fois supérieures au budget alloué à la Santé publique en France pour une campagne médiatique par an sur le risque alcool. 

Je suis convaincue que la lutte contre les addictions, en particulier l’alcool, doit commencer dans le cadre scolaire et continuer dans le cadre de l’éducation sanitaire. Il est indispensable d’empêcher toute publicité pour l’alcool et au contraire multiplier la publicité préventive. 

Une prévention digne de ce nom des risques liés au tabac et à l’alcool supposerait de contrôler l’utilisation de ces milliards de taxes publiques pour les mettre à la disposition d’associations qui luttent en permanence pour faire reculer ces fléaux. Mais un tel contrôle sur l’argent public comme sur les milliards engrangés par ceux qui vivent de l’alcool et du tabac, ne se décrète pas. Il ne peut être imposé que par un rapport de force et surtout pas en faisant confiance à ceux qui gouverneront demain.

«L’addiction est une maladie, mais une maladie dont les déterminants sont sociaux bien avant d’être physiques.»

NATHALIE ARTHAUD (LO)

La cocaïne est largement diffusée dans toutes les classes de la société. C’est un problème majeur de violence et de corruption. Que proposez-vous?

Les consommateurs de cocaïne sont en augmentation régulière. Tout cela alimente un vaste business, des cartels de la drogue font la loi et contrôlent quasiment des États comme au Mexique. C’est bien le signe d’un pourrissement de la société.

La cocaïne, cette substance qui paraît-il apporte euphorie et impression de puissance se développe dans une période où les rythme de travail s’accentuent, où la course au résultat et à la performance se généralise. Et comme toutes les drogues, une fois passé l’effet attendu, c’est la chute, le manque qui prédomine et la recherche d’une nouvelle dose. 

L’addiction est une maladie, mais une maladie dont les déterminants sont sociaux bien avant d’être physiques. Les jeux d’argent incontrôlés comme, souvent, l’alcoolisme et la toxicomanie se nourrissent de l’angoisse du lendemain qui taraude aujourd’hui la plus grande partie des travailleurs et de très nombreux jeunes. 

Une prévention radicale réside bien entendu dans l’attribution de moyens humains et financiers pour prévenir et soigner, mais elle réside surtout dans un changement profond de la société, qu’il faut remettre sur ses pieds, refaire fonctionner d’abord au service de l’humanité.