Pourquoi il est important de parler des «nouveaux» variants du VIH, même sous-contrôle

La découverte d’un nouveau variant du VIH inconnu a provoqué ces dernières semaines quelques titres anxiogènes dans la presse, alors que cette souche est présente depuis des dizaines d’années aux Pays-Bas et qu’elle répond aux traitements antirétroviraux classiques. Si la menace n’est pas immédiate, cette information nous rappelle les dangers potentiels à laisser circuler un virus, que ce soit le VIH ou le Sars-Cov-2, dans la population.

Dans une enquête publiée le 3 février dans le magazine Science et largement reprise en ligne, les chercheurs de l’Université de Californie, menés par le virologue clinicien Dr. Douglas D. Richman, ont révélé l’existence d’un variant du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. plus transmissible et virulent que les souches identifiées auparavant. 

De quoi s’agit-il ? Ce variant hautement virulent du VIH-1 du sous-type B a été découvert aux Pays-Bas. Comparées à 6 604 personnes vivant avec d’autres sous-types du VIH, les 109 personnes infectées par ce variant ont vu leur charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. augmenter de 3,5 à 5,5 fois plus vite et ont présenté un déclin deux fois plus rapide de leurs cellules CD4. Sans traitement, un «état d’infection par le VIH avancé» (soit un nombre de CD4 inférieur à 350 par millimètre cube, avec des conséquences cliniques à long terme) aurait pu être atteint, en moyenne, seulement 9 mois après le diagnostic chez des personnes d’environ 30 ans. Toujours en l’absence de traitement, ces personnes étaient donc susceptibles d’atteindre le stade sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. de l’infection après seulement 2 à 3 ans. Cette souche virale serait apparue dans les années 1990 et s’illustre par de nombreux changements importants dans son génome, affectant près de 300 acides aminés, rendant ainsi sa virulence élevée d’autant plus difficile à expliquer. Heureusement, les traitements antirétroviraux classiques se montrent efficaces depuis des années sur ce variant, limitant sa dangerosité.

«Variant», un mot qui fait peur… à raison

Cette publication n’aurait probablement pas eu autant d’impact médiatique si nous n’étions pas en pleine épidémie mondiale de Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. et que le terme virologique de «variant» n’était pas entré dans le langage courant. On peut à la fois se réjouir de l’intérêt renouvelé des journalistes pour la virologie et rester critique quant à l’emballement médiatique autour d’un variant ne représentant pas une menace majeure pour la santé publique. 

L’auteur principal de l’étude a d’ailleurs été clair, sur ce point: «La leçon la plus importante à retenir est que, dans le cas présent, il ne s’agit pas d’un nouveau variant de type Omicron, et que nous ne sommes pas exposés à une nouvelle vague de terribles problèmes.» 

Sachons raison garder, mais accueillons, la tête froide, ce que cette découverte signifie. Dans un communiqué, le directeur exécutif adjoint par intérim de la branche Programme de l’Onusida, Eamonn Murphy, rappelle que cette découverte souligne l’urgence de mettre fin à l’épidémie de VIH: «Dix millions de personnes vivant avec le VIH dans le monde ne suivent pas encore de traitement, ce qui alimente la propagation du virus et le potentiel de nouveaux variants. (…) Qu’il s’agisse d’un traitement contre le VIH ou de vaccins contre la COVID-19, les inégalités d’accès alimentent les pandémies ce qui nuit à toutes et tous.»

C’est cette information qu’il faut retenir et c’est d’ailleurs la conclusion des auteurs de l’étude parue dans Science: «Notre conclusion est qu’un traitement généralisé est utile pour prévenir de nouveaux variants virulents (…) En termes simples, “les virus ne peuvent pas muter s’ils ne peuvent pas se répliquer”». Avant d’ajouter: «Un traitement précoce empêche également le déclin des CD4 qui mènerait à une morbidité et une mortalité ultérieures ; ainsi les considérations cliniques, épidémiologiques et évolutives sont alignées. Notre découverte d’un variant viral hautement virulent et transmissible souligne donc l’importance de l’accès à des tests fréquents pour les personnes exposées et le respect des recommandations d’initiation immédiate du traitement pour toute personne vivant avec le VIH.»

En d’autres termes, contre les variants, les meilleures armes sont le dépistage et l’accès aux traitements.