Les usagers de drogues injectables, toujours exposés face au VIH

Si d’énormes progrès ont été faits grâce à la réduction des risques, les usagers et usagères de drogues injectables constituent encore aujourd’hui une population exposée face au VIH, dont le profil a évolué ces dernières années.

L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) estime qu’il y avait en 2019, 110 000 usagers de drogues injectables (UDI) en France. Les pratiques de partage de matériel d’injection les exposent particulièrement face au VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et au VHC, mais les politiques de réduction des risques auprès des UDIs ont permis de réduire radicalement le nombre de personnes infectées dans cette population. Ainsi, entre 2016 et 2019, les UDI ne représentaient plus que 0,8% de l’ensemble des découvertes de séropositivité, contre 1,7% entre 2004 et 2007. 

Mais ce chiffre ne nous dit pas tout. Quelles sont les caractéristiques des UDI ayant découvert leur séropositivité au VIH sur la période 2016-2019 ? Les auteurs et autrices d’un article publié dans le BEH de novembre 2021 ont étudié les évolutions de cette population selon leur lieu de naissance, à partir de la déclaration obligatoire d’infection à VIH.

La politique de réductions des risques françaises (RDR) auprès des UDI a été officiellement mise en place en 1993. Elle comprend l’accès aux seringues en pharmacie dès 1986, le développement des programmes d’échanges de seringues au début des années 1990, la diffusion des traitements de substitution aux opiacés tels que la méthadone et la buprénorphine à partir de 1995 et l’implantation de salles de consommation à moindre risque en 2016. Les UDI continuent pour autant de souffrir de difficultés d’accès au matériel d’injection stérile.

Si on observe une diminution du nombre de découvertes de séropositivité chez les UDI et de leur part parmi l’ensemble de ces découvertes, on observe également une augmentation de la part des UDI nés à l’étranger. Ainsi, entre 2016 et 2019, seuls 28% des UDI ayant découvert leur séropositivité VIH étaient nés en France. Soixante-deux pour cent étaient nés dans un autre pays européen, dont 54% en Europe de l’Est. La part des UDI nés en Europe hors de l’UE a fortement augmenté, passant de 11% entre 2004 et 2007 à 41% en 2016-2019. 

Près des trois-quarts des UDI n’avaient jamais été testés avant leur diagnostic, ce qui indique qu’une partie de cette population reste éloignée du système de soins. Notamment les UDI nés à l’étranger : entre 2016 et 2019, 51% des UDI infectés nés à l’étranger ont été diagnostiqués à un stade avancé de l’infection, contre 38% des UDI en général et 16% de ceux nés en France. Un accès moins aisé au système de santé français, qui retarderait donc leur prise en charge, et le fait qu’une majorité (85%) ont déclaré avoir été probablement infectés à l’étranger, peuvent expliquer ces différences.

D’autre part, 48% des UDI infectés entre 2016 et 2019 étaient sans profession, reflétant probablement une aggravation des situations de précarité. La proportion des plus de 50 ans avait augmenté par rapport aux périodes 2004-2007 et 2012-2015.

Ces résultats appellent donc à encourager les politiques de dépistage ciblé et d’accompagnement des UDI et des personnes migrantes. Ils confirment également  l’importance d’une politique ambitieuse de réduction des risques, telle par exemple celle mise en place au Portugal. 

Afin d’affiner les données épidémiologiques concernant les UDI en France, un volet de l’enquête Coquelicot sera réédité début 2022. Il concernera 27 villes, 5 langues, plusieurs maladies infectieuses (VIH, VHC, VHB et COVID-19), et offrira un focus sur les migrations. 

Bibliographie

Évolutions et caractéristiques des usagers de drogues injectables ayant découvert leur séropositivité au VIH en France entre 2004 et 2019
Laurian Lassara, Françoise Cazein, Florence Lot, Karl Stefic, Marie Jauffret-Roustide. BEH N° 20-21, 30 novembre 2021