AIDS 2018 — TasP : bénéfices d’un dépistage à domicile et de cliniques de proximité en Afrique du Sud

L’essai ANRS TasP coordonnée par Joanna Orne-Gliemann (Inserm) et Collins Iwuji (AHRI) a permis de conclure que, dans une population rurale d’Afrique du Sud fortement touchée par le VIH, une proposition répétée de dépistage à domicile ainsi qu’une mise à disposition de cliniques de prise en charge de proximité permettaient d’augmenter la proportion de patients sous traitement et présentant une charge virale indétectable. Ces résultats font l’objet d’une communication orale par Joseph Larmarange (IRD) ce mardi 24 Juillet lors de la 22e conférence internationale sur le VIH/SIDA, AIDS 2018, qui se déroule à Amsterdam du 23 au 27 juillet 2018.

La stratégie Universal Test and treat (UTT) évaluée par l’essai ANRS TasPTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). (treatment as prevention) dans une région rurale d’Afrique du Sud particulièrement touchée par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. vise à augmenter la proportion des personnes vivant avec le VIH, diagnostiquées, sous traitement et présentant une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. indétectable. Les premiers résultats de cet essai, présentés lors de la conférence AIDS 2016 à Durban, en Afrique du Sud et publiés dans la revue Lancet HIV fin 2017, n’avaient pas montré d’impact de cette stratégie sur la transmission (incidence) du VIH à l’échelle de la population. Dans cette nouvelle analyse, les chercheurs se sont penchés sur l’impact de l’essai sur la cascade de soin des personnes diagnostiquées avec une infection par le VIH. Joseph Larmarange et ses collaborateurs ont, en effet, étudié le parcours de soin des personnes infectées par le VIH en population générale dont le but ultime est d’atteindre une charge virale indétectable sous traitement antirétroviral.

Lors de l’essai ANRS TasP, 28 155 personnes ont été incluses pendant 3 ans, de 2013 à 2016. Elles ont bénéficié d’un dépistage du VIH répété tous les six mois ainsi que de la mise en place de cliniques de proximité et ont été réparties en deux bras. Dans le bras contrôle, le traitement antirétroviral était initié en fonction du nombre de lymphocytes T CD4+ selon les recommandations nationales en vigueur lors de l’étude. Dans le bras interventionnel, le traitement antirétroviral était initié quel que soit le nombre de lymphocytes T CD4+. En 3 ans, 8 646 patients infectés par le VIH ont été suivis.

Au cours de l’étude, les chercheurs ont pu observer une augmentation significative de personnes présentant une charge virale indétectable au sein de la population de personnes infectées suivies. Ainsi 29% des personnes infectées par le VIH inclus dans le bras intervention présentaient une charge virale indétectable au début de l’essai et 46% à la fin et il en était de même pour le bras contrôle où l’on passait de 32% de personnes en suppression virale à 45%.

Les scientifiques ont voulu connaître les facteurs ayant joué un rôle dans cette amélioration de la proportion de patients présentant un contrôle de la charge virale. Leur analyse a montré que cette évolution était principalement associée à la mise en place du dépistage répété à domicile et des cliniques de proximité. Ils ont également noté une petite amélioration due à une évolution du contexte national (ces effets structurels étaient indépendants de l’essai ANRS TasP). Cependant, l’évolution de la proportion de personnes présentant une charge virale indétectable n’était pas significativement différente entre les deux bras de l’essai, ce qui explique en partie, l’absence de différence en matière d’incidence du VIH.

Ainsi, ces résultats permettent de compléter les résultats principaux de l’essais ANRS TasP présentés lors de la conférence AIDS 2016 et publiés en décembre 2017. Ils montrent en effet que la proposition d’un dépistage répété à domicile et la mise en place de cliniques de proximité ont permis d’améliorer la cascade de soins dans une population rurale d’Afrique du Sud fortement touchée par le VIH, même si cette amélioration est inférieure à celle qui était espérée. Ainsi, parmi les personnes infectées par le VIH, le nombre de celles sous traitement et présentant une charge virale indétectable a significativement augmenté.

Sources

Temporal trends of population viral suppression in the context of Universal Test and Treat: results from the ANRS 12249 TasP trial in rural South Africa
J. Larmarange , M.H. Diallo , N. McGrath , C. Iwuji , M. Plazy , R. Thiébaut , F. Tanser , T. Bärnighausen , J. Orne-Gliemann , D. Pillay , F. Dabis , TasP ANRS 12249 Study Group
Ceped, Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Université Paris Descartes, InsermInserm Institut national de la recherche médicale. Paris, France, Africa Health Research Institute, Mtubatuba, South Africa, Africa Health Research Institute, University of KwaZulu-Natal, School of Nursing and Public Health, Durban, South Africa, Faculty of Medicine and Faculty of Social, Human and Mathematical Sciences, University of Southampton, Southampton, United Kingdom, Research Department of Infection and Population Health, University College London, London, United Kingdom, Department of Global Health & Infection, Brighton and Sussex Medical School, Brighton, United Kingdom, Bordeaux University, School of Public Health (ISPED), Inserm, Bordeaux Population Health Research Center, UMR 1219, Bordeaux, France, Department of Global Health & Population, Harvard School of Public Health, Harvard University, Boston, United States, Heidelberg University, Institute of Public Health, Faculty of Medicine, Heidelberg, Germany, University College London, Division of Infection and Immunity, London, United Kingdom.