CROI 2018 — Session plénière: Microcosme vaginal et infection par le VIH

Le Dr Cédric Arvieux est à la CROI 2018 et nous reproduisons ici, avec son aimable autorisation, ses chroniques publiées in extenso sur le site du COREVIH Bretagne

THE VAGINAL MICROBIOME AND ACQUISITION OF HIV INFECTION
Nichole Klatt, University of Washington, Seattle, WA, USA

A l’échelle mondiale, 50% des personnes infectées par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. sont des femmes ; la proportion est de 59% en Afrique et de 34% en Europe de l’Ouest. On définit le microbiote comme l’ensemble des micro-organismes (bactéries, virus, parasites…) vivant chez une personne. Il y en a de multiples : oral, cutané, pulmonaire, intestinal et… vaginal chez la femme qui va être le sujet aujourd’hui. La dysbiose vaginale peut être associée à un risque accru d’IST, dont l’infection par le VIH, de naissance prématurée, d’infections vaginales… Elle est associée à une majoration de l’inflammation de la barrière épithéliale du vagin et à une altération de son intégrité.

La flore est habituellement dominée par lactobacillus, et la prédominance très majoritaire de cette espèce bactérienne signe habituellement le bon équilibre du microbiote et donc l’absence de dysbiose. Lorsqu’il existe un déséquilibre, la vaginose bactérienne est la plus typique des expressions cliniques de la dysbiose vaginale : cliniquement exprimée par inflammation, écoulement, inconfort, elle traduit un déséquilibre en défaveur des lactobacilles. Le score de Nugent (qui est le plus répandu pour évaluer l’équilibre de flore vaginale) ne prédit pas bien le risque de vaginose.

On peut classifier le microbiote vaginal en 4 grandes catégories en fonction des espèces retrouvées (I à IV), et la proportion de ces types de microbiotes est variable d’une ethnie à l’autre.

Globalement, la dysbiose augmente le risque d’acquisition du VIH (Méta analyse : Atashili et al. AIDS 2008). Quels en sont les mécanismes ? La dysbiose est associée à une augmentation de l’inflammation, ce qui peut être une première cause (Lennard et al., Infect Immun 2018), et les bactéries dysbiotiques peuvent réduire l’intégrité de la barrière épithéliale (notamment Gardnerella).

L’une des conséquence de la dysbiose est probablement une efficacité variable de la PrEP: chez les femmes, la PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. fonctionne de façon très variable, beaucoup plus que chez les hommes.

Dans l’étude CAPRISA 004 (gel vaginal de TDF), la diminution globale du risque d’acquisition du VIH était de l’ordre de 39%. L’étude du microbiote de ces femmes (Klatt et al. Sciences 2017) montrent que celles qui n’ont pas de dysbiose ont une réduction de risque de 61%, contre seulement 18% chez celles qui ont une dysbiose. Pour aller plus lin, les données des expérimentations in vitro montrent que l’activité du TDF est diminuée en présence de bactéries dysbiotiques (notamment Gardnerella), et pas en présence de lactobacillus. La dégradation du TDF et le nombre de cellules infectées par le VIH en présence de Gardnerella sont considérablement augmentées.

De la même façon, on peut modéliser l’efficacité de la PrEP (TDF, FTC, dapivirine) en fonction du microbiote vaginal. En présence d’une flore vaginale contenant moins de 50% de lactobacilles, la forte proportion de bactéries dysbiotiques entraine une augmentation importante de la dégradation du TDF, avec une diminution significative des concentrations intracellulaires de TDF-DP, la forme active du TDF. Cela est également vrai pour la dapivirine. On ne retrouve par contre pas cet effet pour TAF : la quantité de TDF-DP n’est pas altérée par la présence des bactéries dysbiotiques, et il pourrait donc théoriquement y avoir une efficacité du TAF supérieure au TDF chez la femme. Des données supplémentaires sont en cours d’accumulation, notamment sur les analyses muqueuses d’études déjà publiées comme partners PrEP (Heffron et al. Lancet HIV 2017), et il faut une collecte systématique d’échantillons muqueux dans toutes les études futures sur le traitement ou la prévention de l’infection par le VIH si l’on veut avancer sur le sujet.

D’autres facteurs influencent également le système: il existe une bonne revue générale sur VIH et muqueuses : Burgener et al. Curr Opinion Immunol 2015.

L’un des moyens potentiels pour limiter l’infectivité par le VIH serait de lutter contre la dysbiose: l’approche antibiothérapie classique est probablement has been, les regards se tournent vers l’utilisation de lactobacillus (Lactin-V) , vers des cocktails de phages, la transplantation de microbiote…