CROI 2018 — Symposiums du lundi 5 mars après-midi

Le Dr Cédric Arvieux est à la CROI 2018 et nous reproduisons ici, avec son aimable autorisation, ses chroniques publiées in extenso sur le site du COREVIH Bretagne.

CAN WE ELIMINATE BREASTMILK TRANSMISSION OF HIV
Ameena Goga, South African Medical Research Council, Cape  Town, South Africa

En l’absence d’ARV, le risque de transmission par le lait maternel est élevé, avec un risque cumulé proche de 50% quand on inclus l’ensemble des étapes de grossesse +allaitement. Les facteurs de risque de transmission sont maintenant bien connus : charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. de la mère, altération immunitaire, durée de l’allaitement etc… Aujourd’hui, dans beaucoup des pays prioritaires pour l’OMS de la lutte contre le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. plus de 50% des transmissions maternelles se font par le l’allaitement (ce qui signifie entre autre que l’on a fait beaucoup de progrès dans la diminution de la transmission à la naissance.. Mais qu’il reste une marge d’amélioration pour la transmission pendant l’allaitement). Pourtant les recommandations actuelles (2016) de l’OMS indiquent que les femmes doivent allaiter au moins 12 mois, voire 24 sous réserve qu’elles soient sous traitement ARV.

Peut-on arriver à éliminer la transmission par l’allaitement, ou tout du moins arriver à un chiffre de transmission <50/100 000 naissances vivantes.

La physiopathologie de transmission a bien été étudiée (Van de Perre et al. Science transl Med 2012); chez les femmes non traitées, on a à la fois du virus libre et du virus intracellulaire dans le lait maternel; chez les femmes traitées, il n’y a plus de virus circulant dans le sang, mais l’activation des lymphocytes dans le lait maternel fait qu’il peut y avoir à ce niveau du virus libre circulant, susceptible de transmission à l’enfant. Dans le tube digestif de l’enfant, il peut y avoir des transfert de cellule à cellule, qui peut avoir un rôle essentiel dans la transmission liée à l’allaitement (à partir de virus intracellulaire cette fois-ci).

La cinétique de CV pendant la grossesse et l’allaitement a été étudiée dans une cohorte de 523 femmes  (Myer et al. HIV Med 2017), montrant un risque progressivement aggravatif de voir apparaitre une CV > 1 000 cop/mL au cours de l’allaitement, notamment chez les femmes les plus jeunes. De nombreuses études réalisées dans les pays industrialisés et en développement retrouvent des taux anormalement élevés de CV détectables dans les mois suivant l’accouchement.

Dans une méta-analyse de 11 études (Bispo et al. JIAS 2017), la transmission est estimée à 1.1% au cours des six premiers mois, et 2.9% pour deux études s’intéressant à la transmission jusqu’à M12. On peut considérer ce chiffre comme faible, mais si on rapporte cela au nombre de naissance et à la prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. du VIH dans les populations les plus touchées, le taux est à 220/100 000, donc loin des 50 visées par « l’élimination » de la TME.

Les recommandations OMS de 2016 proposent de donner AZT/NVP pour 6 semaines pour tous les enfants, et que les enfants à haut risque (<5 semaines de traitement doivent recevoir le traitement pendant 12 semaines (ou NVP seule pendant les 6 dernières semaines). Il n’y a pas vraiment d’essai concluant sur la prophylaxie post-natale étendue chez l’enfant, permettant de prendre des décisions éclairées quand à la durée optimale du traitement préventif de l’enfant.

En conclusion, ce que l’on sait : il existe une transmission cellulaire du VIH via l’allaitement, il faut obtenir une suppression virale < 50 pendant le dernier trimestre de grossesse; il existe des rebonds de charge virale en post-partum, essentiellement liés à des problèmes d’observance; la transmission peut être favorisée par une mastite ou une inflammation malgré les ARV; dans les zones à haute prévalence, une faible incidence de transmission ne permet pas forcément de diminuer le sueil de transmission en dessous de 50/100 000. Ce que l’on ne sait pas : quand utiliser le traitement chez la mère, chez l’enfant ou chez les deux simultanément; quelle est l’efficacité réelle des programmes de prévention proposés.

L’élimination de la transmission au cours de l’allaitement va demander certainement de combiner les efforts (traitement de la mère et de l’enfant, immunisation…) et la situation actuelle ne permet pas d’annoncer aux mères un « risque zéro) comme on a pu le faire avec la transmission sexuelle en cas de CV durablement indétectable.

NEW DEVELOPMENTS IN THE MANAGEMENT OF DRUG-RESISTANT TUBERCULOSIS
Serena Koenig, Brigham and Women’s Hospital, Boston, MA, USA

Pour les souches résistantes à l’INH, les nouvelles recommandations de l’OMS sont d’utiliser une régime rifampicine/ethambutol/pyrazinamide (REZ) + levofloxacine (LFX), mais il n’y a pas de données cliniques sur cette association, uniquement des avis d’experts.

De hautes doses d’INH sont également envisageables (INH-HD) et une étude ACTGACTG Aids Clinical Trials Group, l’organisation américaine des centres de soins et d’essais cliniques sur le sida. https://actgnetwork.org/ est en cours pour comparer INH-HD versus Levofloxacine (les deux avec REZ).

En Haïti, du fait de l’évolution des résistances, de l’INH-HD a été utilisée systématiquement pendant une période, malgré 94% de résistance complète à l’INH, avec une différence significative de négativation de culture en faveur de l’INH-HD malgré tout…

Pour la  MDR-TB, la régime de base proposé n’a jamais été testé dans des essais cliniques: le haut niveau de toxicité des aminosides (Reuter et al. INT J TUBERC LUNG DIS, 2017) est connu et la recherche de régimes alternatifs à l’utilisation prolongée des aminosides est importante.

Des donnée du Bengladesh montrent que des durées plus courtes de traitement de la MDR-TB sont possibles, et ont incité à lancer l’étude STREAM-1, avec une durée courte d’aminosides (16 semaines). Les résultats préliminaires montrent que le bras court n’est pas non-inférieur au traitement standard avec une durée prolongée d’aminosides, en sachant que dans cette étude les taux de succès sont plutôt élevées. Il y a plus de DC chez les patients VIH dans le bras traitement court.

Les nouvelles molécules vont probablement changer la donne, avec notamment la combinaison de la bedaquiline et du delamanide; deux essais sont en cours mais les résultats seront disponibles dans deux ans seulement. Un premier essai (Ferlazzo et al. Lancet 2018) montre que la toxicité de la combinaison est acceptable.

L’essai DLM trial 123 montre une durée de culture positive raccourci dans le bras delamanide (+ traitement optimisé) par rapport au bras « traitement optimisé plus placébo », et pas de différence dans le QTc par rapport au PCB. Par contre l’efficacité à 30 mois n’est pas différente dans les deux groupes. Globalement le taux de succès est proche de 80% dans les deux bras. Les essais de phase III ne confirment donc pas les données des essais de phase 2B… mais dans l’essai, il y avait une différence significative en résistance aux quinolones en défaveur du bras delamanide qui rend difficile l’interprétation des résultats.

De nouvelles recommandations de l’OMS devraient être publiées mi-2018.