Les deux grands magazines qui s’adressent aux consommateurs : 60 millions de consommateurs et Que choisir ont mis la e-cigarette en une de leur revue de septembre 2013 et l’on peut voir la confusion qu’ils font entre la notion de danger et celle de risque. Ces deux grands mensuels d’information réfutent le fait que la cigarette électronique soit inoffensive. On explique aux étudiants que le danger est une propriété intrinsèque d’une substance, que le risque est la proba- bilité que le danger se réalise, et que ce risque est fonction de la dose et de la concentration. Sur le blog «Des risques et des hommes», le «post» du 29 septembre 2013 a suscité des centaines de commentaires. Pour introduire le débat, il est question de la prise de position de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), meilleur document disponible en français en matière de pédagogie. Celui de l’OFDT est également un document de bonne qualité, mais celui de l’INSPQ est plus synthétique.
Premier constat : les lacunes de l’information
Les études publiées apportent des informations par- tielles sur les composants de la e-cigarette, les informations disponibles concernent plus particulièrement la cigarette électronique avec nicotine. La Food and Drug Administration (FDA), dans son analyse, précise que la e-cigarette contient des hydrocarbures aromatiques polycycliques, c’est-à-dire des goudrons. Surtout, et ce point est crucial, le fait que la sécurité sanitaire et nos outils d’évaluation des risques n’arrivent pas à suivre le rythme de l’innovation est intéressant. Pour être un partisan du principe de précaution, je n’en ai jamais fait un principe d’innovation, mais un principe d’innovation maîtrisée. Dans notre société, il y a une évolution des technologies incomparablement plus rapide que notre capacité d’évaluer les risques:
– il n’existe aucune norme de fabrication;
– des impuretés et des contaminants chimiques synthétiques ont été détectés;
– l’étiquetage ne reflète pas toujours le contenu des cartouches de la e-cigarette.
Deuxième constat sur l’impact sanitaire
Les connaissances actuelles ne nous permettent pas d’évaluer l’efficacité de la cigarette électronique en matière d’aide à la cessation du tabac. C’est un produit de très grande consommation, il est dangereux, moins que la cigarette, mais il se développe sans aucune capacité d’information du consommateur sur les risques et bénéfices.
Plusieurs plaident pour une autorisation de mise sur le marché (AMMAMM Autorisation de Mise sur le Marché. Procédure administrative qui autorise un laboratoire pharmaceutique à commercialiser une molécule.), mais la cigarette électronique n’est pas considérée comme un médicament. D’autres pensent que ce produit, qui permet de quitter le tabac, est encadré alors que la cigarette de tabac est en vente libre. Il est étonnant qu’un produit se propageant à une telle vitesse et comportant des dangers pour la consommation soit si peu documenté.
Le meilleur service que l’on peut rendre aux consommateurs, c’est de leur fournir les informations les plus justes possibles et puis leur faire confiance pour gérer leurs risques, ce qui ne veut pas dire que ce produit ne doit pas être encadré par la loi et le règlement. La e-cigarette représente donc un défi de la gestion des risques, que nous avons à affronter de plus en plus souvent. La science n’a actuellement pas de réponse aux ques- tions que l’on se pose. En tant qu’épidémiologiste, un risque individuel, si faible soit-il, devient non négligeable pour la santé publique lorsque des millions de personnes y sont exposés. Les autorités ne pourront pas rester sans rien décider et ne peuvent pas laisser ce produit se diffuser aussi vite alors qu’on sait si peu de chose à court et à moyen termes.