VHC — Actualités sur le traitement de l’hépatite C

Depuis deux décennies, de nombreux progrès ont été réalisés dans le traitement de l’hépatite C. La réponse virologique soutenue (RVS), témoin de la guérison de l’hépatite C est passée de 8 à 12 % dans le début des années 90 sous interféron seul, à plus de 50% dix ans plus tard sous interféron pégylé et ribavirine.

Cet article a été publié dans le numéro 141 de Transcriptases. Abonnez-vous pour soutenir Vih.org !

Ces progrès thérapeutiques sont liés, d’une part, à une meilleure compréhension des mécanismes d’action de l’interféron et de la ribavirine et d’autre part, à une utilisation plus optimale de ces molécules liée notamment à une meilleure connaissance des facteurs prédictifs de réponse (génotype, charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. fibrose, poids…), à une meilleure utilisation des outils virologiques dans la prise en charge thérapeutique, à une meilleure gestion des effets secondaires des traitements, et enfin à une prise en charge plus active des populations les plus difficiles à traiter (patients atteints de cirrhose, coinfection VIH-VHC, patients transplantés…). Un nouveau progrès vient d’être réalisé avec la publication des résultats des études américaines et européennes de phase 2b du télaprévir (inhibiteur de protéase spécifique du VHC) en association avec la bithérapie pégylée qui permet chez les patients de génotype 1 d’atteindre une réponse virologique soutenue chez près de 70 % des patients1McHutchison JG, Everson GT, Gordon SC et al., « Telaprevir with peginterferon and ribavirin for chronic HCV genotype 1 infection », N Engl J Med, 2009, 360, 1827-382Hezode C, Forestier N, Dusheiko G et al., « Telaprevir and peginterferon with or without ribavirin for chronic HCV infection », N Engl J Med, 2009, 360, 1839-50.

Les futurs traitements de l’hépatite C appartiennent à quatre grandes catégories que sont les nouveaux interférons, les alternatives à la ribavirine, les inhibiteurs spécifiques du VHC et les traitements immunomodulateurs.

Nouveaux interférons : des pistes à suivre

Le développement des nouveaux interférons a pour objectif de disposer d’interférons ayant une meilleure efficacité antivirale et immunomodulatrice ainsi que de meilleurs profils pharmacodynamiques et pharmacocinétiques avec, si possible, moins d’effets secondaires. L’albinterféron (Human Genome Sciences) est actuellement en passe d’obtenir une AMMAMM Autorisation de Mise sur le Marché. Procédure administrative qui autorise un laboratoire pharmaceutique à commercialiser une molécule. Administré de façon bimensuelle en association avec la ribavirine, il permet d’obtenir une diminution plus rapide et plus intense de la virémie par rapport à la bithérapie standard dans les études de phases 2b avec une meilleure qualité de vie. La réponse virologique soutenue à la dose de 900 µg tous les 15 jours est comparable à celle de la bithérapie pégylée dans les études de phase 3, quel que soit le génotype3Zeuzem S, Sulkowski M, Lawitz E et al., « Efficacy and safety of albinterferon alfa-2b in combination with ribavirin in treatment – naive chornic hepatitis C genotype 1 patients » (abstract), J Hepatol, 2009, 50 suppl 1, S3774Nelson D, Benhamou Y, Chuang WL et al., « Efficacy and safety results of albinterferon alfa-2b in combination with ribavirin in interferon-lfa treatment naive patients with genotype 2 or 3 chronic hepatitis C » (abstract), J Hepatol, 2009, 50 suppl 1, S378. Parmi les autres interférons en développement, l’interféron lambda semble prometteur dans les études de phase 1.

Alternatives à la ribavirine : un choix limité

Les alternatives à la ribavirine sont actuellement limitées à la taribavirine, une prodrogue de la ribavirine qui permet d’obtenir, avec une dose adaptée au poids, une efficacité comparable à la ribavirine avec des effets secondaires moindres, notamment en termes d’anémie5Poordad F, Lawitz E, Pozza R et al., « Efficacy and safety of weigh-based regimens of taribavirin or ribaviringiven with peginterferon alfa-2b at 12 weeks after treatment in naive patients with genotype 1 chronic hepatitis C (abstract) », J Hepatol, 2009, 50 suppl 1, S8.

Les résultats des trithérapies avec les antiprotéases ou les antipolymérases montrent le besoin d’utiliser de la ribavirine en association avec l’interféron pégylé pour maintenir une réponse virologique soutenue importante, mais aussi que ces associations augmentent de façon significative le risque d’anémie. Dans cette situation, la taribavirine peut être intéressante.

Inhibiteurs spécifiques du VHC : une avancée majeure

Les inhibiteurs spécifiques du VHC représentent une avancée majeure dans le traitement de l’hépatite C. Théoriquement, toutes les étapes du cycle du virus C sont des cibles potentielles pour ces nouvelles molécules. À ce jour, les principales cibles sont les protéines NS3/4 qui possèdent une activité protéase et hélicase, la protéine NS5B ARN polymérase ADN dépendante, qui catalyse la réplication du VHC, et le site interne d’entrée ribosomale (IRES), la structure qui déclenche la translation des polyprotéines du VHC.

Les inhibiteurs de l’IRES ont pour l’instant donné des résultats décevants. Par contre, les inhibiteurs de protéase ont permis une avancée majeure chez les patients de génotype 1 avec une amélioration de la RVS de près de 20 % chez les patients naïfs avec une trithérapie de 3 mois et une bithérapie de 3 mois pour le télaprévir et de plus de 30 % avec une trithérapie de 48 semaines pour le bocéprévir dans les études de phase 2. La tolérance de ces associations est proche de celle observée avec la bithérapie pégylée, seule l’anémie semblant plus fréquente pour les deux antiprotéases actuellement en phase 3 ainsi que les troubles cutanés à type de rash pour le télaprévir. Cependant, les études d’interactions médicamenteuses entre ces molécules et les autres traitements utilisant les mêmes voies métaboliques restent à être menées dans les études de phase 4.

Un handicap temporaire ?

Par ailleurs, l’administration pluriquotidienne, à des horaires fixes, de ces traitements oraux constitue aussi un handicap que l’on peut espérer temporaire, car une étude de phase 1 montre que l’administration d’une nouvelle antiprotéase NS3 en association avec le ritonavir permet l’utilisation d’une dose unique quotidienne plus faible d’antiprotéase avec une efficacité identique à celle de l’administration pluri quotidienne à court terme. Chez les patients non répondeurs de génotype 1, une trithérapie de trois mois avec le télaprévir suivi d’une bithérapie pégylée de trois mois permet d’obtenir une RVS chez près de 40 % chez les patients non répondeurs et plus de 70 % chez les patients rechuteurs.

Le principal problème que pose l’utilisation de ces molécules en monothérapie est l’émergence rapide, en quelques jours, de résistances qui sont croisées entre les différentes antiprotéases mais qui ne sont heureusement pas croisées avec celles induites de façon plus retardées par les antipolymérases. Ceci nécessite d’utiliser ces molécules en association avec une bithérapie pégylée à pleine dose, car l’utilisation de doses réduites d’interféron ou l’utilisation d’une bithérapie interféron pégylée et antiprotéase sans ribavirine est associée à une moindre RVS et à un taux plus élevé de mutations de résistance.

Enfin, le télaprévir montre une efficacité chez les patients de génotype 2 mais pas chez les patients de génotype 3 et 4. Par ailleurs cinq autres antiprotéases poursuivent leur développement en phase 2.

Inhibiteurs de la polymérase : des pistes intéressantes

Les inhibiteurs de la polymérase NS5b ont un développement plus difficile. Actuellement, seul un inhibiteur nucléosidique de la polymérase poursuit son développement en phase 2b. En revanche, dix inhibiteurs non nucléosidiques de la polymérase poursuivent leur développement, soit en phase 1 ou en phase 2a. Ces inhibiteurs de la polymérase permettent aussi d’obtenir une amélioration significative de la RVS. Compte tenu de l’émergence précoce de mutations de résistances, ces molécules doivent être associées à la bithérapie pégylée.

Les premières études d’association de ces inhibiteurs spécifiques sont en cours. Une étude présentée récemment à L’EASL montre que l’association d’une antiprotéase (R7277) et d’une antipolymérase (R7128) permet d’obtenir en 15 jours un ARN VHC non quantifiable chez 63 % des patients et un ARN VHC indétectable chez 25 % des patients6Gane EJ, Roberts SK, Stedma C et al., « First-in man demonstration of potent antiviral activity with a nucleoside polymerase (R7128) and protease (R7227/ITMN-191) inhibitor combination in HCV : safety pharmacokinetics and virologic results from inform1 » (abstract), J Hepatol, 2009, 50 suppl 1, S380. Ces résultats sont très encourageants, mais ils ne permettent pas de conclure à l’utilisation possible de ces combinaisons sans association avec la bithérapie pégylée.

Deux autres approches intéressantes

Deux autres approches dans les inhibiteurs spécifiques sont intéressantes. Ce sont d’une part l’utilisation des inhibiteurs de la cyclophiline, qui ont montré avec le DEBIO-025 une activité antivirale dans les études in vitro et in vivo contre le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et le VHC, et d’autre part les inhibiteurs de la morphogenèse du VHC avec les sucres-iminés, qui inhibent la sécrétion des virions et diminuent l’infectiosité des particules virales néoformées dans les modèles in vitro. L’intérêt de ces molécules est l’absence d’émergence de virus résistant in vitro.

Une étude de phase 2a avec le celgosivir (Migenix) en association avec une bithérapie pégylée montre une réponse virologique précoce à 12 semaines supérieure à la bithérapie pégylée chez des patients de génotype 1 non répondeurs. Enfin, deux inhibiteurs d’entrée sont actuellement en phase 1, laissant entrevoir d’autres modes d’action.

Traitements immunomodulateurs: à plus long terme?

Les traitements immunomodulateurs sont pour l’instant décevants. Cependant, les études de phases 1 avec le vaccin thérapeutique donnent des résultats encourageants.

Ainsi les avancées dans le traitement de l’hépatite C permettent d’espérer à court terme, avec l’association d’un inhibiteur spécifique du VHC à la bithérapie pégylée, une augmentation de la RVS de plus de 20 % chez les patients de génotype 1.

À moyen terme, l’association de plusieurs inhibiteurs spécifiques sans résistances croisées avec une bithérapie pégylée devrait encore augmenter la RVS.

À plus long terme, il est possible d’envisager que des associations multiples de plusieurs inhibiteurs spécifiques sans résistances croisées associées à des traitements immunomodulateurs permettent de se passer de l’utilisation de la bithérapie pégylée.