Paris représente 3,3% de la population nationale mais 16% des nouvelles infections estimées. Dans la capitale, l’épidémie parisienne est concentrée chez les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes —55% de l’incidence— et chez les personnes nées en Afrique subsaharienne —35%. En 2016, près de 3% des HSH et près de 2% des hommes et des femmes d’Afrique Sub-Saharienne sont infectés par le VIH mais ne connaissent pas leur statut. Chaque jour, 3 Parisiens, en moyenne, sont infectés par le VIH.
A Paris comme ailleurs France, le recours au dépistage est insuffisant pour avoir un effet contre l’épidémie. L’association «Vers Paris sans Sida» en partenariat avec la Mairie de Paris a donc annoncé travailler avec la Caisse primaire d’assurance maladie pour que les tests de dépistages en laboratoires soit possibles gratuits, même sans ordonnance.
Parallèlement, l’association a lancé son opération «Le test est dans le sac», qui se tiendra du 26 novembre au 2 décembre 2018: Les 13 centres de dépistages, une quinzaine d’association, 3 centres de santé et 10 mairies d’arrondissement distribueront 12 000 sacs contenant un autotest VIH, des préservatifs, des brochures de prévention et un dépliant valorisant l’offre parisienne de prévention, dépistage et santé sexuelle. Le but étant d’inciter au dépistage, tout en faisant mieux connaître la Prep et le message du Tasp: «VIH indétectable = zéro transmission».
Dynamique parisienne
France Lert, présidente de «Vers Paris sans sida», épidémiologiste, ancienne directrice de recherche INSERM a rappelé, à l’occasion de cette annonce, que «les délais sont encore trop longs entre infection et diagnostic»: En effet, le temps médian en années et intervalle interquartile entre infection et diagnostic est de 2,9 (0,9-5,1) en moyenne, de 2,7 (1,2-4,7) chez les femmes nées en Afrique subsaharienne, de 3,8 (0,8-6,0) chez hommes hétérosexuels nés en Afrique subsaharienne et de 2,1 (0,4-4,3) chez les HSH.
En clair, chez les HSH par exemple, un HSH sur 4 est dépisté dans les 5 mois suivant son infection, le second quart est dépisté entre 5 mois et 25 mois, le troisième quart entre 25 mois et 4 ans, le quatrième quart après plus de 4 ans.
Le dépistage dans les communautés exposées à Paris a besoin d’un passage à l’échelle. En 2017, ce sont 100 000 personnes qui sont passé dans les 11 CeGIDD parisiens pour réaliser 90 000 tests. Mais comme le rappelle Eve Plenel, directrice de l’association «Vers Paris sans sida», ce sont 300 000 tests qui seraient nécessaires pour atteindre 90% des personnes vivant avec le VIH diagnostiquées et «pour cela, c’est l’ensemble du système de santé qui doit être mobilisé».
En tout, 3600 Parisiens et Parisiennes ne connaissent pas leur séropositivité. Anne Souyris, adjointe à la mairie de Paris chargée de la santé et des relation avec l’AP-HP, le reconnaît: «Nous avons une grande marche à monter ensemble. Nous n’arrivons pas à faire que les personnes les plus exposées viennent se dépister. Il faut un accès simplifié aux tests, par les autotests et en laboratoire, au moment où on veut le faire, sans avoir besoin d’avancer les frais et sans ordonnance.»
Pierre Albertini, directeur général de la Caisse primaire d’Assurance maladie de Paris, a expliqué que s’ouvrait désormais une vraie période de test pour mettre en place l’organisation d’un dispositif avec les contraintes de la réglementation: «Il faut mobiliser le circuit habituel, lever des verrous juridiques, tout en permettant un dépistage plus efficace, avec un objectif final: remettre dans le parcours de soin les personnes concernées.»
«Ce qui nous semblait important, explique France Lert, c’est de réussir à augmenter le dépistage dans les dispositifs spécialisés, parce que c’est une situation où les gens viennent pour se faire dépister de leur propre chef. Et le dialogue que nous avons réussi à créer sur Paris avec l’assurance maladie est particulièrement intéressant, parce qu’en nous travaillons avec 975 laboratoires, avec une population parisienne qui est particulièrement concernée, cette expérimentation va nous donner une idée de ce qui est possible, et de s’assurer qu’il n’y a pas d’effet de subsidiarité dans les démarches de dépistage.»
Pour la présidente de «Vers Paris sans sida», le rôle des CeGIDD est essentiel, mais elle souligne qu’il est «important d’impliquer les acteurs privés à Paris: le réseau des laboratoires existe, ils ouvrent à 7h30 du matin, on y trouve des professionnels de santé dont un biologiste qui est soit pharmacien soit médecin, pourquoi s’en priver.»
Prep et préservatifs
Dédramatiser le test, lutter contre la sérophobie, célébrer l’indétectabilité, fédérer autour des personnes vivant avec le VIH, promouvoire la Prep et le préservatif, l’association souhaite entretenir «un bruit de fond» autour du dépistage et du VIH, à travers des campagnes d’informations, comme cette nouvelle vidéo de Dr Naked (ci-dessus).
Les efforts de «Vers Paris sans sida», qui reconnaît un budget et des moyens modestes, se porteront enfin vers une meilleure information des généralistes: «Il faut que l’ensemble des médecins s’empare du Tasp de la Prep et qu’ils en fassent la promotion. Leur parole est essentielle, et d’autant plus attendue qu’il s’agit de la prévention biomédicale.» Un travail qui sera peut-être facilité par le soutien des deux sociétés savantes, la Société Française de Lutte contre le Sida (SFLS) et la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF).