Les chiffres 2016 du VIH en France

Chaque année, Santé Publique France communique les chiffres du VIH/sida en France. Et les tendances des dernières années sont les mêmes: Si le nombre de découvertes de séropositivité suite à des rapports hétérosexuels diminue, il reste élevé pour les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes.

Nombre de découvertes de séropositivité VIH, France, 2003-2015 (Source : Déclaration obligatoire du VIH, données corrigées au 31/12/2015, SpFrance)

En 2015, près de 6 000 personnes ont découvert leur séropositivité, un nombre stable depuis 2011.1L’estimation du nombre de découvertes en 2015 doit encore être confirmé puisque le dernier point d’estimation est toujours plus sujet à variabilité (intervalle de confiance large). Ces chiffres, fournis par le recueil LaboVIH, concernent 88% des laboratoires d’analyses médicales et sont ensuite corrigés. Les hommes représentent 70% des découvertes de séropositivité en 2015, les personnes de moins de 25 ans représentent 12%, et celles de 50 ans et plus, 19%.

Rapporté à la population, le nombre de découvertes de séropositivité est de 89 par million d’habitants. Ce taux varie beaucoup d’une région à l’autre: il est beaucoup plus élevé en Guyane, en Guadeloupe, Martinique et Île-de-France. En métropole hors-Île-de-France, les deux régions ayant les taux les plus élevés sont la Provence-Alpes-Côte d’Azur et le Centre-Val de Loire.

Taux de découvertes de séropositivité VIH par région de domicile, France, 2003-2015 (Source : Déclaration obligatoire du VIH, données corrigées au 31/12/2015, SpFrance)

Notons que depuis 2012, un nombre plus élevé de séropositivités sont découvertes en province (hors départements français d’Amérique) —environ 2 800 en 2015, un chiffre stable— qu’en Île-de-France —environ 2 500. La région francilienne concentre encore néanmoins 42% des découvertes de séropositivité pour 18% de la population vivant en France, et les DOM 8% — en baisse— pour 3% de la population.

Nombre de découvertes de séropositivité VIH par région de domicile, France, 2003-2015 (Source : Déclaration obligatoire du VIH, données corrigées au 31/12/2015, SpFrance)

Si les chiffres sont en baisse, les femmes nées à l’étranger continuent de représenter une part importante des nouveaux diagnostics, avec 23% des cas (15 % des cas concernent les hommes nés à l’étranger). L’analyse des souches de virus corroborent les données de l’étude PARCOURS qui montraient qu’une partie importante de ces personnes étaient infectées en France : Ici, 32% étaient porteuses d’un virus de type B, donc très probablement contaminées en dehors de l’Afrique sub-saharienne.

Les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  toujours particulièrement exposés 

Nombre de découvertes de séropositivité VIH par mode de contamination et par pays de naissance, France, 2003-2015 (Source : Déclaration obligatoire du VIH, données corrigées au 31/12/2015, SpFrance)

Le nombre de découvertes de séropositivité VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. continue de baisser chez les hétérosexuels sur les années récentes, qu’ils soient hommes ou femmes, nés en France ou à l’étranger. En revanche, le nombre de découvertes ne diminue toujours pas chez les HSH, qui représente 43% des découvertes, et se stabilise chez les UDI (même si les chiffres restent très faibles). En 2015, environ 2 600 HSH ont découvert leur séropositivité VIH.

Parmi les HSH, le nombre de diagnostics est stable chez ceux nés en France, mais la proportion d’HSH nés à l’étranger diagnostiquée est en augmentation, avec 18% des cas (15% jusqu’en 2012). Les jeunes HSH sont aussi particulièrement touchés, avec 15% des découvertes chez les 15-24 ans (contre environ 8% chez les hétérosexuels, un chiffre en baisse). Entre 2003 et 2012, le nombre de découvertes de séropositivité a presque triplé (x 2,7) chez les jeunes HSH de 15 à 24 ans, puis s’est stabilisé autour de 400 découvertes par an. Notons que chez les plus de 50 ans, s’ils sont 15% des nouveaux diagnostics chez les HSH, ils réprésentent 36 % des découvertes chez les hommes hétérosexuels nés en France.

Peu de données concernant les personnes transgenres

Les chiffres étant trop petits, les données sont livrées non corrigées (et concernent donc uniquement 88% des laboratoires d’analyses): 46 découvertes de séropositivité concernaient des personnes transgenres, donc 40 femmes. Les profils sont variés, avec un âge allant de 17 à 72 ans et 26 sont nés sur le continent américain (6 en France). Soixante et un pour cent se sont fait dépister en Île-de-France.

Pratiques de dépistage

Nombre de sérologies VIH réalisées en France, 2003-2015 (Source : LaboVIH, données corrigées au 31/12/2015, SpFrance)

Le dépistage est l’un des outils majeurs de la prévention différencié du VIH. En 2015, 5,4 millions de sérologies VIH ont été réalisées par les laboratoires de biologie médicale (de ville ou hospitaliers). Ce nombre a augmenté de façon modérée —+3%— par rapport à 2013. Cette augmentation est observée en métropole hors Île-de-France et dans les départements d’Outre-Mer (DOM), mais pas en Île-de- France.

Comme les années précédentes, les trois quarts des sérologies réalisées en 2015 l’ont été par des laboratoires de ville et représente 76% des sérologies effectuées. En revanche, les deux tiers des séropositivités ont été découvertes à l’hôpital (68%) et un tiers en médecine de ville (32%). 

Le premier motif de réalisation d’un test de dépistage reste la présence de signes biologiques ou cliniques (26%) mais la part du dépistage orienté, chez une personne vue en consultation pour une autre pathologie que le VIH ou dans un contexte suggérant une contamination possible, est de plus en plus importante avec 23%.

Le nombre de tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), réalisés par les associations de santé communautaire depuis la fin de l’année 2011, reste marginal par rapport à l’activité globale de dépistage. Les TROD positifs ne représentent qu’une faible part des tests positifs mais leur importante ne doit pas être oubliée: leur taux de positivité reste, en 2015, 2 fois plus élevé que celui des sérologies anonymes et 4 fois plus élevé que celui des sérologies non anonymes. Autre chiffre plaidant pour les TROD, 27% des personnes ayant bénéficié d’un test rapide n’avaient jamais été dépistées auparavant. 

Le nombre de TROD communautaire réalisés, 62 200, est stable depuis 2014. Parmi ces TROD, 30% l’ont été chez des HSH (c’était 40% en 2012), 31% chez des migrants, 12% dans d’autres populations exposées au VIH (dont 4% chez les usagers de drogues injectables, 2% chez les personnes en situation de prostitution), et 27% chez des personnes n’appartenant pas à ces publics cibles. La catégorie «publics précaires», individualisée pour la première fois en 2014, représente 6% des TROD.

Les autotests VIH sont disponibles en pharmacie depuis septembre 2015. Près de 90 000 ont été vendus depuis cette date jusqu’à fin septembre 2016. Patrick Yeni, président du Conseil national du sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. (CNS), a présenté le 29 novembre 2016 à l’Agence régional de Santé d’Île-de-France le chiffre le 140 000 autotests réalisés au total. Comme les TROD, ils constituent des opportunités intéressantes pour atteindre des personnes qui ne se rendent pas dans les structures classiques de dépistages. 

Ces chiffres de dépistage indiquent donc que la recommandation actuelle de dépistage généralisé n’a pas été largement appliquée par les professionnels de santé, notamment en raison de difficultés de prescrire un test en population générale, en dehors d’un contexte clinique particulier ou d’une prise de risque. La Haute Autorité de Santé (HAS) est actuellement en train de réévaluer la stratégie globale de dépistage du VIH et devrait rendre ses conclusions début 2017. 

Précocité du diagnostique et infections récentes

La tendance à une plus grande précocité des diagnostics se poursuit en 2015. Sur cette dernière année, 39% des séropositivités VIH ont été découvertes à un stade précoce2un diagnostic au stade de la primo-infectionPrimo-infection Premier contact d’un agent infectieux avec un organisme vivant. La primo-infection est un moment clé du diagnostic et de la prévention car les charges virales VIH observées durant cette période sont extrêmement élevées. C’est une période où la personne infectée par le VIH est très contaminante. Historiquement il a été démontré que ce qui a contribué, dans les années 80, à l’épidémie VIH dans certaines grandes villes américaines comme San Francisco, c’est non seulement les pratiques à risques mais aussi le fait que de nombreuses personnes se trouvaient au même moment au stade de primo-infection. ou avec un nombre de CD4 < 500 par mm³.. La proportion de découvertes à un stade avancé3Un diagnostic au stade sida ou avec moins de 200 CD4 par mm³. en 2015 est de 27%, ce qui représente 1600 personnes, sans diminution sur les années récentes. Chez les hommes hétérosexuels, en particulier, les découvertes au stade avancé représentent 40% des cas. 

La proportion de diagnostics à un stade précoce reste plus élevée chez les HSH (49% de diagnostics précoces en 2015) et chez les femmes hétérosexuelles nées en France (47%) que chez celles nées à l’étranger (32%), les hommes hétérosexuels nés en France (32%) et ceux nés à l’étranger (23%). Chez les UDI, cette proportion est de 32%.

L’analyse des échantillons de sérums sur buvard nous renseignent sur les caractéristiques de ces infections très récentes : Les patients nouvellement infectés et diagnostiqués très précocement sont en très grande majorité des hommes (90%), d’un âge médian de 36 ans et majoritairement nés en France (85%). La grande majorité a été diagnostiquée au stade de la primo-infection symptomatiques. 

Près des trois quart de l’échantillon étudié concernait des contaminations suite à des rapports sexuels entre hommes. Cette sur-représentativité s’explique par un recours au dépistage des HSH plus fréquent que celui de la population générale. Néanmoins, ce recours fréquent n’est pas suffisant pour freiner l’épidémie, comme l’existence de réseaux de transmission regroupant les personnes contaminées très récemment et diagnostiquées peu de temps après le montre. La mise en place de la prophylaxie pré-exposition (Prep) auprès de cette population devrait permettre de diminuer la transmission chez les HSH.

Inversement, la faible proportion d’infection récentes chez les personnes hétérosexuelles nées à l’étranger dans cette étude suggère que l’incitation au recours au dépistage doit être renforcée auprès de cette population. 

Bibliographie 

Cazein F, Le Strat Y, Sarr A, Ramus C, Bouche N, Pillonel J, et al. Dépistage de l’infection par le VIH en France, 2003-2015. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(41-42):745-8. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/41-42/2016_41-42_2.html

Capsec J, Brand D, Chaillon A, Le Vu S, Moreau A, Cazein F, et al. Caractéristiques des infections VIH très récentes et réseaux de transmission à partir des données de la déclaration obligatoire, France 2012-2014. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(41-42):755-62. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/41-42/2016_41-42_4.html

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