Les autotests VIH débarquent en Europe

Pouvoir réaliser un test de dépistage VIH chez soi sera bientôt une réalité. Le fabriquant AAZ a obtenu fin avril la certification européenne lui permettant d’être vendu en France et mettra son produit sur le marché dès le 15 septembre 2015; si toutefois, les étapes administratives ont toutes été franchies d’ici là. 

La société française AAZ a annoncé le 28 avril 2015 l’obtention du marquage CE pour le premier autotest sanguin de dépistage du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. qui sera fabriqué en France. Selon le fabriquant, «autotest VIH®» sera disponible en France dans les pharmacies et sur leur site internet le 15 septembre 2015, pour un prix compris entre 25€ et 28€. Le résultat est disponible au bout de 15 minutes à partir d’une goutte de sang prélevée au bout du doigt.

En Grande-Bretagne, des autotests fabriqués par BioSURE sont d’ores et déjà disponible à la vente sur internet pour 29,95£, soit un peu plus de 40€.

Dans un premier temps, seules les pharmacies pourront assurer la distribution de ces outils, puisqu’elles disposent d’un monopole sur le plan réglementaire. Les associations souhaitent voir se mettre en place des campagnes de distribution d’autotest, pour atteindre des personnes qui n’ont pas recours, jusqu’à présent au dépistage ou les populations particulièrement exposées.

Un blocage administratif en France

Ces autotests devaient être disponible fin juin et pourraient voir leur mise à disposition encore retardée par des questions administratives. Comme le rapporte Séronet, le Syndicat national des médecins biologistes (SNMB) conteste le texte d’application de l’ordonnance relative à la biologie médicale dont dépendent les autotests VIH et les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) pour le VHC. Sous sa demande, le Conseil d’Etat a annulé début avril l’arrêté du 11 juin 2013 fixant la liste des tests ne constituant pas un examen de biologie médicale:

Aujourd’hui, c’est l’ordonnance relative à la biologie médicale (n° 2010-49 du 13 janvier 2010, ratifiée par la loi du 30 mai 2013) qui fixe le cadre légal d’utilisation des Trod. Un arrêté qui s’y rattache établit la liste de ces tests, détermine les catégories de personnes pouvant les réaliser ainsi que, le cas échéant, leurs conditions de réalisation. Le même arrêté précise que les autotests ne font pas partie des tests de biologie médicale. L’ordonnance précise que cet arrêté ne peut être publié qu’après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) et de la Commission mentionnée à l’article L. 6213-12 du Code de santé publique, comportant notamment des professionnels, dont la composition, les conditions de consultation et les attributions sont fixées par décret en Conseil d’Etat. Hors ce décret relatif à la composition et au fonctionnement de cette commission n’a jamais été publié.

[Mise à jour du 5 mai 2015: D’après les équipes de Aides, ces questions administratives «évoluent rapidement»: «L’abrogation de l’arrêté relatif à la liste des tests ne relevant pas de la biologie médicale n’aurait finalement pas d’impact sur les ventes en pharmacie. En effet, les autotests relèvent d’un autre texte réglementaire qui n’a pas été abrogé. C’est une erreur qu’il ait été fait mention de ces autotestes dans l’arrêté relatif à la liste des tests ne relevant pas de la biologie médicale. Il reste, en revanche la question de la gestion des déchets infectieux, qui relève en fin de compte d’un texte réglementaire qui dépend du vote de la loi de santé (octobre 2015 sans doute).» A suivre donc.]

[Mise à jour du 29 mai 2015: Dans Séronet, la DGS s’explique«La sortie récente d’un avis du Conseil d’Etat abrogeant l’arrêté du 11 juin 2013 fixant la liste des tests ne constituant pas un examen de biologie médicale avait suscité un flou quant à la mise à disposition des autotests VIH. Qu’en est-il ? « L’annulation de l’arrêté du 11 juin 2013 n’a aucune conséquence sur la mise sur le marché des autotests VIH et leur utilisation domestique par l’usager chez lui », explique la DGS. Et l’administration de préciser : « Une fois l’autotest marqué CE, le réseau de distribution relève des dispositions mises en place par chaque Etat membre. En France, c’est le monopole pharmaceutique qui s’applique. Ainsi, toute commercialisation se fera en officine, mais rien ne s’oppose à une vente en ligne par l’officine comme pour les médicaments ».» (…)

«Dans le cadre des autotests, la gestion des déchets d’activités de soins à risque infectieux est obligatoire. Le matériel utilisé ne doit pas être placé dans les ordures classiques, mais dans des containers Dasri. Pour que cela soit effectif, il faut attendre le vote définitif de la loi Santé. Le texte n’est pas encore passé au Sénat et devrait être examiné, après la date officielle de mise en vente des autotests. Cela n’empêche pas la vente des autotests à la date indiquée par le fabricant AAZ, mais il faudra que celui-ci propose, en lien avec l’administration, une solution temporaire pour la récupération des tests usagés.»]

Les difficultés de mise en place du circuit des déchets pour les aiguiles rétractiles et de préparation des pharmaciens expliquent que le fabricant ait préféré repousser à septembre une mise sur le marché prévue initiallement au premier juillet. 

Praticabilité des autotests

L’idée d’autotests sanguins «à la maison» peut sembler complexe à mettre en œuvre dans les conditions de la vie de tous les jours et certaines voix se sont élevées pour s’inquiéter de la complexité de l’interprétation des ces tests. Pourtant, plusieurs études de praticabilité présentées aux journées de la SFLS 2014 indiquent que les profanes semblent parfaitement à même de réaliser ces tests et de suivre la notice de manière à obternir un résultat interprétable. 

Pour l’une1Excellente praticabilité de l’autotest-santé sure check VIH sur sang capillaire par une population de profanes concernée par le VIH, S. Karon, JM. Le Gall, J. André, G. Kreplak, JP. Téglas, G. Pialoux, T. Prazuck, SFLS 2014., concernant 264 personne, le taux global de succès de réalisation de l’Autotest-Santé™ Sure Check VIH (en présence d’un dispositif d’aide orale) était 99.2%. Un chiffre très satisfaisant, qu’on retrouve dans une autre étude2Très bonne interprétation des résultats de l’autotest-sante sure check VIH sur sang capillaire par une population de profanes concernée par le VIH, S. Karon, J. André, JM. Le Gall, E. Bouvet, G. Kreplak, JP.Téglas, G. Pialoux, T. Prazuck, SFLS 2014., où des personnes du grand public ont été amenées à lire et interpréter les résultats de l’Autotest-Santé™ Sure Check VIH sur sang capillaire sur un panel d’autotests simulés. Sur ces 147 participants, 93,9% ont réalisé des interprétations justes sur les 4 autotests auxquels ils étaient soumis.

En février 2015, la Haute Autorité de Santé avait diffusé une note d’information à destination des professionnels de santé et des associations en contact avec les usagers de l’autotest. Elle y rappelait quelques points-clés:  

  • L’autotest de dépistage du VIH est un outil complémentaire au dispositif de dépistage actuel et il ne doit pas s’y substituer.
  • L’autotest doit résulter d’un choix libre, éclairé et autonome de l’intéressé. Personne ne doit être forcé à réaliser un autotest.
  • L’utilisateur d’un autotest de dépistage du VIH doit lire attentivement la notice avant de commencer le test.
  • L’autotest de dépistage du VIH fournit un résultat fiable sur le statut sérologique de l’utilisateur d’il y a 3 mois. Ce résultat ne peut être interprété pour le statut sérologique actuel de l’utilisateur qu’en l’absence de comportement à risque ou exposition accidentelle au VIH depuis au moins 3 mois.
  • Il ne dépiste pas les autres infections sexuellement transmissibles, ni les hépatites.
  • Il faut vérifier la présence de la bande (ou point) contrôle à la lecture du résultat qui permet de s’assurer que le test a été bien réalisé. Il est important de respecter la fenêtre de lecture (environ 20-30 minutes). Avant et au-delà de cette période, le résultat n’est pas fiable.
  • Tout résultat positif doit être confirmé par un test Elisa de 4e génération en laboratoire nécessitant une prise de sang en laboratoire ou dans un CDAG/CIDDIST (futurs CeGIDD).
  • L’importance d’un traitement précoce en cas d’infection à VIH confirmée doit être soulignée.
  • Sida Info Service (0 800 840 800 appel anonyme et gratuit) propose une information sur le VIH et les autotest 24 h/24 et 7 j/7. www.sida-info-service.org
  • Des évaluations devront être mises en place afin de suivre l’utilisation des autotests de dépistage de l’infection par le VIH.

[Mise à jour du 9 juin : Mise à jour de la date de disponiblité des autotests (était fin juin 2015).]