ARV — Commencer un traitement anti-rétroviral : Mieux vaut très tôt que tard

Deux études publiées dans le New England Journal of medecine semblent conforter l’intérêt d’initier un traitement tôt -avant 4 mois- après la contamination.

Il y a bien longtemps que le New England Journal of medecine n’avait consacré deux articles de fond et un éditorial à une même thématique liée VIH Cette fois, il n’est pas directement question des nouveaux outils de prévention comme le TASP ou la PREP mais bien de répondre à une question essentielle dans l’histoire de la lutte contre le VIH : Quand débuter un traitement anti-rétroviral? Le balancier, qui ne cesse d’hésiter entre «pour» et «contre» le traitement précoce, semble de plus en plus clairement pencher du côté du traitement précoce.

La première de ces études -et probablement la plus complexe dans son design- est celle de Tuam LE et collaborateurs. Il s’agit d’une étude prospective observationnelle de cohorte qui analyse l’évolution des CD4 sur 48 mois ainsi que l’évolution de la charge virale dans deux groupes de patients sachant qu’un nombre conséquent d’entre eux passeront au fil du temps (selon les critères de mise sous traitement) d’un groupe non traité à l’autre sous traitement antirétroviral.

Au total, 468 patients, contaminées par le VIH, ont été enrôlés dans l’étude. Dans le premier volet (puisqu’il ne s’agit pas de bras de randomisation), 384 participants n’ont, pendant un moment, pas reçu de traitement anti-rétroviral. On a pu ainsi analyser l’évolution de leur CD4 (et accessoirement de leur charge virale) avant la mise sous traitement selon le critère défini par l’étude. Dans le deuxième volet, 213 patients ont reçu un traitement anti-rétroviral aussi rapidement que possible par rapport à la date présumée de la contamination par le VIH.

Cette cohorte est issue de la «San Diego primary Infection Cohort» recrutées entre juin 1996 et juin 2010. La plupart des participants étaient européens ou Américains et majoritairement [97,1%] des hommes, avec un âge médian au début de l’étude de 33 ans [IQR 27-40] dans le premier volet 1 et de 35 ans [IQR 29-41] dans le second volet.

Pour les deux éditorialistes Bruce D.Walker et Martin S.Hirsch, le volet 1 de l’étude est un des éléments majeurs en faveur d’un traitement précoce. Ce groupe figure l’évolution avant mise sous traitement des CD4 et de la charge virale après la contamination. Ce sont des données anciennes mais revisitées sur cette cohorte de primo infection, dont 80% des participants rapportaient des symptômes, ce qui est un point assez surprenant. L’évolution de ce groupe montre en effet un pic de CD4 au quatrième mois à 763 [IQR 573-987], pour des CD4 à l’entrée dans l’étude de 495 en médiane [IQR 383-622]. Après ce pic, les CD4 déclinent progressivement durant les 48 mois de l’étude, retournant au point de départ entre le 12e et le 14e mois. Parallèlement à ce pic de CD4 et à cette baisse précoce, la charge virale atteint son nadir vers la 4e semaine et reste à un niveau élevé en l’absence de traitement antirétroviral.

Dans le volet 2 de l’étude, on observe au contraire avec une initiation précoce d’un traitement anti-rétroviral, une monté des CD4.

4 mois décisifs

L’objectif principal de l’étude était de comparer les deux bras en termes de pourcentage de personne ayant atteint le chiffre de 900 CD4/mm3 et plus à 48 semaines. Cet objectif était atteint pour 64% des participants qui ont débutés un traitement ARV très précocement (moins de 4 mois suivant la date estimée de l’infection) comparé avec 34% des participants chez lesquels on a initié un traitement antirétroviral plus tard [P < 0,001] après ajustement sur ceux qui ont initié le traitement avec des CD4 a plus ou moins 500 CD4. Ceux qui ont atteint le chiffre de 900 CD4 par millimètres cube étaient plus bas de 65% [Odd Ratio = 0,35] et plus lent de 56% [Rate ratio de 0,44] si le traitement a été initié plus tard.

Les auteurs insistent particulièrement sur cette période des 4 mois suivant la date présumée de la contamination considérée comme la phase de restauration immune et aussi celle pendant laquelle, en l’absence de traitement, le système immunitaires subit le maximum de dommages.

L’étude SPARTAC

Le design de l’autre étude, appelée SPARTAC, britannique, est plus simple. Randomisée, elle compare chez 366 patients (60% d’hommes) et sur 48 semaines cette fois, un traitement anti-rétroviral sur 12 semaines, un traitement anti-rétroviral sur 48 semaines et l’absence de traitement anti-rétroviral dans les 6 mois suivant la séroconversion. Le point d’analyse primaire est le déclin du chiffre de CD4 à moins de 350 CD4 par millimètres cube dans le suivi à long terme de ces patients. Au final, ce point était atteint chez 50% des patients traités dans le groupe à 48 semaines de traitement et chez 61% de ceux traités seulement 12 semaines. Le même taux, 61%, a été constaté dans le groupe n’ayant pas eu de traitement post-primo infection. En terme de Hazard Ratio, celui-ci est de 0,63 [IC 95045-090 ; P = 0,01] pour le groupe à 48 semaines de traitement et de 0,93 [IC 95% 0,67-1,29 ; P = 0,67] pour le traitement à 12 semaines ou l’absence de traitement. Par contre, il n’y avait pas de différence significative entre les groupes en terme d’incidence du sida de décès ou d’événements secondaires sérieux.

Il apparait de plus en plus donc clairement qu’un traitement précoce est l’une des façons de limiter les dommages sur le système immunitaire et de réduire l’extension des réservoirs viraux.

Le point crucial de débat scientifique, soulevé par ces mêmes éditorialistes -même si le débat n’est pas clos- est qu’il reste difficile d’identifier les personnes à un stade très précoce de l’infection, pour des raisons techniques évidentes. La plupart des patients qui initient les traitements dans les essais le font après le pic de virémie et les dommages initiaux induits par cette première phase de l’infection.

Le sujet est d’importance, donc, pour les personnes vivant avec le VIH, qui bénéficient d’un traitement précoce mais aussi pour la recherche sur le thème de l’éradication du virus dans le corps, le cure.

Sans oublier l’intérêt potentiel en termes de santé publique du traitement comme méthode préventive pour les partenaires de ces personnes nouvellement infectées. Une question qui rend encore ce débat plus complexe pour les pays à ressources limités.