Washington 2012 - RDR — VIH, consommation de drogues et risques dans différents contextes

Hétéroclite mais passionnante en raison des contrastes extrêmes entre les pays et les régions étudiés, la session animée par Anna Deryabina, Kazakhstan, et Adeeba Kamarulzaman, Malaysie,1HIV, Drug-Use and Risks in Different Contexts, 23.07.2012, 16:30-18:00, lundi 23/07/12 met en lumière les comportements sexuels des usagers de drogues et l’impact possible sur l’épidémie VIH.

Hollande

Les observations issues de la cohorte d’usagers de drogues injectables (UDI) d’Amsterdam présentées par Bart Brady impressionnent. Après une politique continue de réduction des risques qui met à disposition des usagers tout le panel d’outils disponibles, échanges de seringues, traitement de substitution, héroïne médicalisée, salles de consommation, les nouvelles contaminations sont exceptionnelles. Parallèlement la fréquence des injections a sensiblement diminué, les pratiques sexuelles sans préservatifs sont principalement le fait de ceux qui sont séronégatifs pour le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et avec un partenaire fixe. Les ISTIST Infections sexuellement transmissibles.  sont devenues très rares dans cette population. L’usage de drogues ne joue désormais plus de rôle dans l’extension de l’épidémie du VIH à Amsterdam.

Russie

A l’opposé, la situation en Russie présentée par Ksenia Eritsyan qui compare la situation dans deux régions (Ivanovo et Novosibirstk), est effrayante. La prévalence du VIH est considérable chez les UD, pouvant atteindre 60% dans certains districts. Les tests VIH sont très peu répandus, l’utilisation des préservatifs très inconstante (de 20 à 50% avec des partenaires non UD). Pas étonnant que les contaminations par le VIH presque exclusivement associées à l’injection de drogues entre 2001 et 2003 soient aujourd’hui beaucoup plus souvent secondaires à une transmission sexuelle. Le rôle attribué aux UD dans l’extension de l’épidémie n’augure rien de bon quant à une stigmatisation encore renforcée à leur égard.

Afrique du Sud

Au Cap, au sud-Ouest de l’Afrique du Sud, c’est la consommation de Methamphétamine (Meth) qui explose depuis 2002. Elle concerne 50% des demandeurs de traitement en addictologie. La séroprévalence du VIH est de 17% dans la région. Dans une étude auprès des clients de bar (servant de l’alcool), Christina Meade montre que la consommation de Meth, essentiellement fumée (« tik ») est associée à une forte augmentation des risques sexuels à travers l’euphorie, l’énergie et le désir sexuel engendrés par cette drogue de synthèse. La consommation de marijuana et de drogues injectables est fortement augmentée chez les utilisateurs de Meth. Les partenaires multiples, les relations non protégées, les relations MSM, le sexe commercial (plus souvent clients chez les hommes et prestataires chez les femmes) sont également plus fréquents chez les consommateurs de meth. La meth est surtout consommée par des hétérosexuels, plus souvent chez les personnes « colorées » (10%) que chez les Noirs (2%), occasionnellement pour 60%, en usage quotidien pour 16%. Plus étonnant encore dans ce travail, est la fréquence très élevée des abus sexuels dans l’enfance chez les consommateurs de meth (22%) vs 8% chez les non consommateurs.

Tanzanie

En Tanzanie, la consommation d’héroïne blanche injectée touche environ 50 000 personnes. Mark Stoové du Burnet Intitut de Melbourne en association avec Médecins du Monde, montre l’urgence de développer des services de réduction des risques et de dépistage dans cette population. L’étude porte sur 267 UDIV, en majorité des hommes (87%). L’âge moyen de la première injection est de 24 ans soit environ 5 ans après les premières prises qui sont fumées. 93 (35%) sont séropositifs pour le VIH, 70% l’ignoraient. Les femmes sont plus souvent VIH+ (66%) que les hommes (30%). 74 sont VHC+ (28%) en proportion égale chez les hommes et les femmes. Plus de la moitié des participants VIH+ rapporte des rapports sexuels récents non protégés.

Etats-Unis

A San Francisco, Meghan D. Morris étudie des « partenaires d’injection » qui partagent ou non des relations sexuelles. Les prises de risques (partage de seringues ou de matériel d’injection) sont significativement plus élevées chez ceux qui ont à la fois des relations sexuelles et qui s’injectent ensemble. Le sexe des deux partenaires d’injection (homme/homme, femme/femme ou homme/femme) n’est pas corrélé à une majoration des risques.

L’évidence de la RDR

La variété des situations éclaire encore une fois l’impérieuse nécessité de mettre en place des politiques de réductions des risques en direction des UDI. Michel Kazatchkine, tout récemment nommé envoyé spécial des Nations unis en Europe centrale et en Asie centrale, l’a justement rappelé à l’occasion de cette conférence : Si la courbe de l’épidémie commence à être infléchie dans de nombreux pays, ce n’est pas le cas dans les pays d’Europe centrale : «L’épidémie était concentrée, mais elle devient généralisée à cause de politiques non adaptées. Par exemple, ces pays ne reconnaissent pas la réduction des risques et appliquent des politiques publiques allant à l’encontre des standards des organisations internationales. Les usager de drogues, qui sont 70 % des personnes infectées, représentent seulement 18% des personnes ayant accès aux traitements. Et ceci, alors que la RDR constitue l’évidence la plus solide d’une intervention qui prévient la transmission.»

Une raison de regretter, encore un fois, l’absence des associations d’usagers de drogues à cette conférence, ses membres étant interdits de circulation sur le territoire américain.

>>> Washington 2012

Toute l’actualité de Washington 2012 est sur Vih.org. A l’occasion de la conférence, Vih.org participe à l’Agence de presse francophone mise en place par Sidaction.
Les photos et l’ambiance de la conférence sont sur Vu.vih.org.